Décoration du patron de la DST marocaine par la France : «Un blanc-seing pour les tortionnaires»

Les voix s’élèvent en France contre la décoration, promise, du chef des services secrets marocains, Abdellatif Hammouchi, probablement le 14 juillet prochain, et rappellent les plaintes qui le visent pour complicité de torture. Le délégué général de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Jean-Etienne de Linares, s’indigne dans une déclaration que «la raison de l’Etat l’emporte sur la justice» dans cette affaire. Il déclarera : «La torture pourtant n’est pas un crime anodin. Il ne s’agit pas de bavures de commissariats, mais d’un système organisé où la hiérarchie ordonne avant de protéger les bourreaux.» Il rapporte, à ce titre, le témoignage poignant d’un détenu marocain ayant connu l’horreur dans un centre de détention secret à Témara, au Maroc, atrocement torturé par les hommes d’Abdellatif Hammouchi auquel la France «saura prochainement témoigner son estime», ironise le délégué général de l’ACAT, reprenant l’expression du ministre de l’Intérieur, Bernbard Cazeneuve. «Pour ma part, dira Jean-Etienne de Linares, je suis incapable d’avoir de l’estime pour Abdellatif Hammouchi. Et je ne vois dans cette remise de médaille qu’une piteuse contrepartie à la reprise de la coopération entre nos deux pays et, surtout, entre nos deux services de renseignements», s’insurge-t-il. A l’instar de tant d’intervenants dans les forums de débat, Linares voit dans ce geste «une forme d’excuse», destinée à «laver le soi-disant affront de la justice française qui a osé faire son travail en convoquant Abdellatif Hammouchi le 20 février 2014». Pis encore, cette promesse de décoration peut aussi être interprétée comme «un blanc seing pour les tortionnaires», un message que les autorités marocaines «ont reçu cinq sur cinq», estime encore le délégué général de l’ACAT, puisque les représentants de cette association – qui accompagne les victimes marocaines qui ont déposé plainte – viennent d’être convoqués à Rabat pour «diffamation, outrage envers les corps constitués». Après cet hommage officiel rendu au chef des services marocains, les militants des droits de l’Homme craignent aujourd’hui un retour de bâton contre les plaignants, maintenant qu’ils sont jetés en pâture, et s’alarment contre le sort réservé à ceux qui sont encore en détention, à l’image de Waffa Charaf, membre de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), qui purge une peine de deux ans de prison pour avoir déposé plainte contre X pour enlèvement et torture. Officiellement, la France justifie cette grave compromission par un impératif de «coopération» avec le royaume alaouite dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Jean-Etienne Linares trouve que, au contraire, «contre le terrorisme, notre meilleure arme n’est ni militaire ni barbouzarde (le mot n’existe pas), c’est l’affirmation et, surtout, le respect des principes de la démocratie, au premier rang desquels il y a la justice et le refus absolu de la torture».
R. Mahmoudi

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