La France fiche les élèves musulmans dans ses écoles au nom de la lutte contre Daech

La mise en application en France du «plan national de lutte contre la radicalisation», lancé en avril par le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, commence à produire ses premiers dérapages dans les écoles. Selon un document que s’est procuré le site spécialisé dans l’investigation Mediapart, et envoyé par l’Académie de Poitiers aux chefs d’établissements scolaires, une liste de signes extérieurs et comportementaux a été établie à l’effet de prévenir tout processus de «radicalisation» chez les élèves musulmans. La plupart de ces critères paraissent comme caricaturaux (barbe longue non taillée, moustache et cheveux rasés, habillement musulman, jambes couvertes jusqu’à la cheville, refus du tatouage, tâche sur le front…) du fait que, souvent dans les faits, ceux qui ont basculé dans l’extrémisme religieux, soit à travers une autoradicalisation, soit entraînés par des gourous, portent rarement des signes ostensiblement religieux. Le cas de Mohamed Merah et de tant de djihadistes interpellés dernièrement en France et ailleurs en est la parfaite illustration. Mais au-delà de ce traitement à la manière policière, le catalogue mentionne d’autres caractéristiques qui sont susceptibles, à la limite, de créer un dangereux amalgame dans une société gagnée par une vague d’islamophobie, en stigmatisant sciemment des citoyens pour leur origine ou leur culture. Ainsi, le «repli identitaire», les références à l’injustice en Palestine, en Irak, en Egypte ou en Syrie sont cités dans cet aide-mémoire distribué aux chefs d’établissement comme étant des symptômes de radicalisation latente chez l’élève. Cette caractérisation est d’autant plus dangereuse du point de vue pédagogique et éthique qu’il est bien établi aujourd’hui que s’identifier à la lutte du peuple palestinien n’est pas du tout l’apanage des islamistes. L’Académie ne fait, visiblement, ici, que reproduire des schémas réducteurs et des stéréotypes usités par les médias sur des sujets aussi sensibles qui méritent d’être abordés avec plus de circonspection et, finalement, plus de pédagogie. Il est clair que par ces méthodes, le plan de lutte contre la radicalisation mis en place pour prévenir du danger des retombées néfastes pour la sécurité des Français de la montée fulgurante du réseau terroriste international autoproclamé Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ne pourra aboutir qu’à davantage d’exclusion et de discrimination vis-à-vis de toute une communauté.
R. Mahmoudi
 

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