La Révolution trahie

La dynamique maison d'édition «Alem el Afkar» vient de publier un ouvrage regroupant un pamphlet et un témoignage de Malek Bennabi : «SOS… Algérie» et «Témoignage pour un million de martyrs». Dans l'excellente préface qu'il a consacrée à ce livre, le Dr Sadek Sellam indique, à juste titre, «qu'à défaut du rôle d'acteur qu'il aurait pu avoir au sein du FLN qu'il avait rejoint fin avril 1957, au Caire, Bennabi a été un témoin attentif et exigeant de la Révolution algérienne». C'est ce «témoin du siècle», comme il se définit lui-même dans sa monumentale œuvre autobiographique Mémoires d'un témoin du siècle, qui avait appelé au secours la communauté internationale, dans son pamphlet, publié à compte d'auteur, en juin 1957, contre les massacres que le peuple algérien subissait, à huis clos, de la part d'un des colonialismes les plus féroces que l'humanité ait jamais connus, notamment après le soulèvement, le 20 août 1955, des populations de Skikda et d'autres villes du Nord-Constantinois, à l'appel du FLN, sous la direction du colonel Zighoud Youcef. «Témoignage pour un million de martyrs» concerne les conditions, que Malek Bennabi avait qualifiées de «troubles», dans lesquelles les négociations de paix se sont déroulées entre les deux parties en conflit, depuis 1958/59. Selon Malek Bennabi, «certaines vérités» avaient été cachées au peuple algérien» et donc, seules la tenue d'un «Congrès populaire» et la mise en place de «commissions d'enquête» pourraient aider à clarifier les décisions prises par les directions du FLN et de l'ALN. Les mises en garde de Malek Bennabi contre les tentatives internes et externes de récupération de la Révolution algérienne ont été royalement ignorées par ces directions, mais l'avenir lui avait donné amplement raison notamment concernant le fléau du «zaïmisme» (culte de la personnalité) de la majorité des dirigeants algériens et la soumission de notre pays par le dernier d'entre eux à la volonté des puissances étrangères, en contrepartie de son maintien sur le fauteuil présidentiel quel que soit son état. Ainsi, de reniements en concessions, de concessions en compromissions et de compromissions en trahisons, les principes et idéaux de la Révolution algérienne ont été abandonnés, les uns après les autres, dans de nombreux domaines. Sans aucun doute, si Malek Bennabi, qui a défendu sa vie durant les spécificités de l'apport de la civilisation arabomusulmane à la civilisation universelle, vivait encore, il serait certainement contre la mondialisation et ses effets pervers et contre l'adhésion de notre pays à l'Organisation mondiale du commerce, car elles constituent une nouvelle forme d'hégémonie, voire même d'impérialisme économique et culturel visant à asseoir la domination des valeurs occidentales. Que reste-t-il aujourd'hui des fameux acquis de la Révolution arrachés grâce au talent et à la compétence des négociateurs algériens dans tous les domaines ? Pratiquement rien ! Pis encore, l'Algérie connaît, depuis 1999 notamment, un affaiblissement, un rabaissement, une vulnérabilité et une régression jamais égalés. Malek Bennabi avait donc plus que raison de tirer la sonnette d'alarme ! La lecture de son ouvrage, que je recommande vivement à nos amis lecteurs et amies lectrices, permettra de comprendre pourquoi.
Rabah Toubal
 

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