Migrants : la double tragédie

Par Ahcene Moussi – C'est une honte pour le monde, une double tragédie, cette indescriptible souffrance de migrants, qui ont, majoritairement, fui la dictature, la persécution, la guerre et la famine, qui font rage dans leurs pays d'origine, pour arriver en Europe et subir un autre calvaire, encore plus dur à supporter. En effet, ils sont des dizaines de milliers à s'être entassés, pour ne pas dire «stockés», hiver oblige, entre -5° et -10°C, dans des tentes, des chalets, au milieu de terrains boueux ou encore dans des centres de rétention, en attendant d'être triés. L'opération consisterait à choisir ceux qui répondent au seul souci économique de cette «forteresse» européenne et d'en écarter le reste, pour le retourner at home,sous prétexte, qu'il ne remplit pas les conditions de demandeur d'asile. Entretemps, ce sont des enfants en bas âge et des femmes, certaines enceintes et démoralisées, qui souffrent le plus, qui tombent malades et qui grelottent de froid, de jour comme de nuit. Faudra-t-il rappeler que plus de 3 500 hommes, femmes et enfants ont perdu la vie, rien qu'en 2015, en tentant de rejoindre les côtes européennes (Italie, Grèce, France…) ? Faudra-t-il rappeler que des dizaines d'autres personnes sont mortes, au cours de la même année, lors de leur traversée de forêts sauvages, de montagnes ou de grands déserts sablonneux, pour rejoindre un lieu d'embarcation, sans qu'aucun média ne dise mot ? Elle est donc finie l’émotion créée par la découverte des 17 migrants morts dans un camion en Autriche et par cette photo du petit Aylan noyé, qui a fait la Une de plusieurs médias dans le monde ? Au-delà de cette vérité, nous sommes en droit de nous poser certaines questions. Surtout que nous avons comme impression qu'il existe un certain «lobby», qui ne dit pas son nom, qui profite du mutisme et de l'inaction des organisations internationales de défense des migrants, pour abuser et se sucrer à travers ce jeu malsain, consistant à exploiter la «détresse» de ces migrants. Sinon, comment expliquer alors cette volte-face d'Angela Merkel, une femme de poigne pourtant, qui s'est rarement trompée et qui a souvent réussi là où les meilleurs ont échoué. Comment expliquer cette chasse aux sorcières, partout en Europe, ce «no need for migrants» et cet acharnement à construire des murs, de centaines de kilomètres, pour empêcher de nouveaux migrants d'y rentrer dans le Vieux Continent. Sont-elles déjà terminées, ces grandes manifestations souhaitant la bienvenue aux réfugiés, en Allemagne et en Autriche ? Merkel a-t-elle gaffé, en se permettant ce luxe d'ouvrir grandes les portes de son pays, il y a six mois, aux migrants syriens notamment, dans l'objectif était de réconcilier, à la fois, l'humanitaire et l'économique ? Se retrouve-t-elle, aujourd'hui, dépassée et surchargée, par cette ruée vers «l'horreur» de ces centaines de milliers de laissés-pour-compte, venus se confondre aux réfugiés syriens ? Les derniers événements de Cologne sont-ils suffisants pour servir, à eux seuls, de prétexte à Madame Merkel, afin d'entamer cette prochaine campagne de balayage hivernal ? C'est vrai que quand Merkel veut, Dieu et l'Europe entière voudront. C'est certain, aussi, que ce dur balayage de migrants va se faire en Europe. Par contre, la question cruciale est de savoir si ce balayage se fera sans grands dégâts. En tout cas, la poussière s'en suivra, sans nul doute, et ses effets ne seront que néfastes, avec des conséquences graves, sur tout l'espace Schengen. Prévert a dit : «La vie s'amuse, la mort fait le ménage.» N'est-il donc pas temps d'arrêter de jouer au miroir aux alouettes et de stopper cette pêche aux migrants qui consiste à les attirer vers de faux paradis, tout en profitant de leur naïveté et de leur détresse pour les «filouter» ? N'est-il pas temps d'arrêter de les prendre pour des canards sauvages, en leur faisant miroiter toutes sortes de bonnes choses : la prise en charge, le logement, le travail, la liberté, la sécurité et surtout cette seconde citoyenneté ? N'est-il pas temps de se mettre autour d'une table et de pousser la réflexion en profondeur, afin de localiser les vraies racines du mal, au lieu de s'étaler à longueur de temps dans des discours insensés autour de variantes, de quotas, d'afflux, de crises, de répartition contraignante… et du numérotage de migrants, au point de les considérer comme des systèmes d'équations, dont la solution consistait à trouver juste la valeur de l'inconnue. L'Occident (notamment les grands pays d'Europe) est, dans une grande part, responsable de la misère de ces pays fournisseurs de migrants et indirectement de ces ruées, inopportunes, vers le nord et de ces graves naufrages répétés sans cesse. La politique occidentale, caractérisée par la protection et l'appui aux dictatures du monde, en général, et arabes et africaines, en particulier, en contrepartie de l'octroi de contrats juteux, de sites stratégiques pour l'installation des bases militaires, etc., en est la principale raison évoquée par la quasi-totalité des migrants pour justifier leur exil. Ces mêmes migrants qui ne mâchent pas leurs mots, puisqu'ils condamnent avec force ce qu'ils qualifient d'arrangements ou d'ententes qui se négocient et se font sur leurs propres dos, entre certains pays du Nord et les régimes de leurs pays d'origine. Certains pays occidentaux préféreraient ces dirigeants médiocres en Afrique et dans le monde arabe, parce qu'ils sont «plus manœuvrables». Ils font, cependant, fausse route en croyant que le meilleur moyen de préserver leurs intérêts, dans ces coins du monde, et d'avoir comme interlocuteurs des gens qui se courbent devant eux et qui ne font que servir leurs ordres. Désormais, chaque pays ne devrait gagner que le fruit de ses efforts, le temps de l’exploitation et des corvées étant révolu. C'est donc à ces mêmes pays occidentaux que revient cette responsabilité de trouver des solutions rapides et efficaces afin d'arrêter ou du moins atténuer ces répétitives « ruées vers la mort». Ils ont l'obligation politique et morale d'activer dans ce sens et vite. Les leaders des pays d'origine des migrants se doivent quant à eux de faire leur mea-culpa. Leurs politiques économiques et sociales sont un échec pur et simple. Ils se doivent d'arrêter de dilapider les richesses de leurs pays, de réviser de fond en comble leur façon de gérer et de faire participer la société civile et les compétences locales, dans toutes les décisions qui conditionnent l'avenir de leurs nations.
A défaut d'ouverture, de démocratisation des institutions et du respect des minorités, ces leaders seront conduits, top ou tard, chacun son tour, devant la Cour pénale internationale pour répondre de leur trahison envers leurs peuples.
A. M.
Président de la Mouvance migratoire Ô Canada
[email protected]

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