Mohamed Laïchoubi : «Le terrorisme est une carte de pression utilisée par les grandes puissances»

L’ancien ministre et diplomate Mohamed Laïchoubi estime que le terrorisme s’intègre totalement dans les compétitions entre les grandes puissances. S’exprimant aujourd’hui mercredi sur les ondes de la Chaîne III, ce conférencier international assure que le terrorisme constitue une véritable carte de pression utilisée par les grandes puissances pour défendre leurs intérêts stratégiques dans le monde. «La question du terrorisme s’intègre totalement dans les compétitions entre les grandes puissances. Chacun a son terroriste. On a vu lors des bombardements russes en Syrie comment des pays occidentaux appelaient à épargner certains groupes qualifiés d’opposition syrienne», a-t-il souligné. «Nous avons, par exemple, le groupe Al-Nosra que l’on distingue de celui de Daech, auquel la Turquie apporte son soutien, ce qui démontre que la carte terroriste est en train de s’insérer dans les rapports de force entre certains pays comme la Russie et les Etats-Unis, en particulier», a-t-il poursuivi. Il affirme que pour comprendre l’évolution du terrorisme international, il faudra d’abord comprendre ce qu’il y a derrière. Autrement dit, s’intéresser aux intérêts géopolitiques des grands pays. Mohamed Laïchoubi souligne dans ce sillage que les pays occidentaux mettent à profit les fractures internes pour l’ingérence. «Prenons le cas de l’Irak, le pays kurde était marginalisé. En Syrie, Alep et Homs étaient délaissés pendant très longtemps. En Libye, Benghazi était marginalisée. C’est sur ces fractures que jouent les grandes puissances pour redessiner la carte géopolitique régionale en fonction de leurs intérêts», précise ce grand conférencier international, qui parle de rivalités entre les grands pays qui cherchent, chacun de son côté, à instrumentaliser ces forces à son bénéfice. «C’est ce qui fait qu’il y a des terrorismes extrêmement complexes. Prenons le cas de l’Algérie. Si réellement les terroristes visaient le pouvoir, ils n’iraient pas casser les écoles, détruire des infrastructures sociales. Ils viseraient les pouvoirs sécuritaires et les symboles de l’Etat. Cela n’a pas été fait. J’allais dire que si on était entré en guerre contre un autre pays, on aurait subi peut-être un peu moins de dégâts», souligne Mohamed Laïchoubi pour lequel le terrorisme notamment intégriste est «douteux». «Souvenez-vous que les Frères musulmans de l’époque de Hassan El-Benna et son gendre Saïd Ramadane étaient financés en 1926 déjà par une compagnie britannique. Ils ont été reçus à l’époque par le président américain Eisenhower. Ils ont été utilisés contre Nasser en Egypte», a-t-il argué, affirmant qu’il avait eu ces informations des services spéciaux allemands et pakistanais. Ce mouvement, selon lui, avait été utilisé contre les nationalistes. Selon ce conférencier international, la zone où l’on entretient l’instabilité, à savoir le Moyen-Orient, recèle à elle seule «plus de 58% des réserves mondiales de brut». Il y a aussi l’enjeu de la maîtrise de la Méditerranée, devenu mondial. Ce qui se passe selon lui est lié au changement qui s’opère dans le monde avec l’émergence de nouvelles puissances en Asie, en Afrique et en Amérique latine (l’exemple des Brics). Ces pays émergents commencent à contester l’ordre mondial tel qu’il a été dessiné au cours des dernières 70 années. Il y a donc des manœuvres pour redéfinir la configuration des relations internationales, comme celle opposant la Chine aux pays occidentaux, en raison de sa présence de plus en plus forte et remarquable sur le continent africain. Pour lui, les crises sécuritaires qui visent l’éclatement des Etats sont des signes de cette guerre géopolitique entre les grandes puissances et des pays émergents comme la Chine.
Sonia Baker
 

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