Edward Snowden : «Etre patriotique ce n’est pas aimer son gouvernement mais aimer son pays»

Edward Snowden a mis «dans l’embarras» son pays, les Etats-Unis, qui se trouve être une grande puissance, comme il le rappelle, et il en paye le prix fort. Le journaliste Darius Rochebin a interviewé à distance pour la RTS (Radio Télévision Suisse), cet ancien employé de la CIA qui réside à présent en Russie après son inculpation par les Etats-Unis d'espionnage, de vol et d'utilisation illégale de biens gouvernementaux. Edward Snowden ne peut, dit-il, voir sa famille autant qu’il le voudrait, ni ses amis, ni ses collègues, ni ses collaborateurs. Mais, précise-t-il, il ne se sent pas déprimé, au contraire, il se sent plein d’énergie. «J’ai essayé de changer les choses», fait-il remarquer, et jusqu’à un certain point, il estime l’avoir fait. A ceux qui parlent de trahison en l’évoquant, il rappelle que les Etats-Unis sont nés d’une trahison quand ils étaient une colonie britannique. Il explique son entrée dans le monde du renseignement par un grand malentendu, pensant qu’il s’agissait de protéger la société, non par des actes criminels, mais en révélant les faits vrais. Il fait constater qu’après les attentats du 11 septembre 2001, les hommes politiques américains ont «divorcé d’avec les faits». Il confirme que les Etats-Unis ont commencé une guerre à partir d’informations que les plus hauts personnages de l’Etat savaient fausses. A ce sujet, être patriotique, dit-il, ce n'est pas aimer son gouvernement mais aimer son pays ; le patriotisme, poursuit-il, «c’est aimer son peuple en essayant de faire le maximum pour lui». Sa définition du patriotisme : «Les gens qui aiment leur pays sont ceux qui se lèvent, disent ce qui ne va pas dans leur pays et essayent de le corriger». A Obama qui dit de lui qu’il n’est pas patriote, Snowden appelle à examiner les faits, loin de l’émotion, deux ans après. Il estime que les attaques terroristes récentes qui ont eu lieu ont été commises par des individus que les services de renseignement connaissaient déjà auparavant. Il cite le cas de l’attaque contre Charlie Hebdo en France où on a dit que c’était un problème de moyens de surveiller ces individus et il enchaîne pour faire constater que les programmes de surveillance de masse sont très chers et que leur efficacité n’est pas prouvée. Toutes ces ressources pourraient être déployées ailleurs, les allouer aux méthodes traditionnelles, aux méthodes de police qui, elles, ont fait leurs preuves. Il révèle que les dirigeants américains ont établi que la surveillance de masse n’a jamais arrêté une seule attaque terroriste, mais ils ne veulent pas le dire. Alors, pourquoi, continuer ? Snowden estime qu’Obama a le pouvoir de mettre fin au programme qui surveille les conversations électroniques de tous les Américains : «330 millions de personnes dont les données privées sont interceptées, stockées et analysées sans qu’elles soient suspectées d’aucune activité criminelle». Comment voit-il son avenir ? Il fait savoir que le ministère de la Justice américain n’a voulu aucun arrangement avec les avocats pour un procès juste et ouvert. Alors, l’exil risque d’être long. Il se trouve en Russie, où il y vit forcé puisque les Etats-Unis ont «bloqué» son passeport. Vingt et un pays ont refusé de lui donner l’accord pour sa demande d’asile. Il aimerait pouvoir obtenir le statut de réfugié politique en Suisse : «C’est une excellente option politique car c'est un pays neutre», estime-t-il. A ce propos, il note que Genève est la capitale mondiale de l'espionnage parce qu'elle compte de nombreuses institutions internationales, OMS, OMC, CICR, d'ONG, de banques par lesquelles transitent de fortes sommes d'argent et de capitaux à Zurich, par exemple. Il estime que les services secrets suisses sont compétents et professionnels mais ils sont sous la domination de la CIA. Les services de renseignement suisses ne sont pas comme leurs homologues français autrement plus agressifs. Il y a eu, dit-il, des opérations de la CIA en Suisse, en Allemagne et dans les régions proches. En Suisse, cela montait jusqu’au plus haut niveau du gouvernement.
Houari Achouri

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