Tunisie : comment mettre fin à la violence suite à la mort de Belaïd ?

La nomination du nouveau Premier ministre Ali Laarayedh suite à l'assassinat de Chokri Belaïd, le chef de l'opposition tunisienne, annonce une crise politique et institutionnelle qui pourrait entraîner un climat d'instabilité et d'insécurité sur le plan national. Cependant, elle offre aussi l'occasion d'une réconciliation nationale entre les principaux acteurs de la scène politique. Une question demeure : comment pouvons-nous mettre fin à la violence et construire une paix civile qui garantirait un environnement propice à la réussite d'un processus de transition démocratique ? Pour répondre à cette question, il est important d'identifier les causes de la violence et de proposer des solutions concrètes pour assurer la paix civile et l'harmonie nationale. La radicalisation politique entre ceux qui sont rassemblés autour des partis islamiques et ceux qui appartiennent aux partis dits laïques est, sans nul doute, au cœur des tensions. Alignés sur le parti Ennhada qui est sorti victorieux des élections de l'Assemblée constituante, le premier groupe englobe différents courants désireux d'accorder à la religion une place importante au sein de la société et des institutions publiques. Quant au second groupe, qui comprend les partis libéraux tels que Nidaa Tunis et Al-Joumhouri, il souhaite séparer la religion de la politique même s'il reconnaît encore la place de l'islam dans la Constitution.
En outre, la Tunisie connaît aujourd'hui un climat relativement tendu compte tenu de la violence qui s'est intensifiée du fait de la crise économique et politique. Ces deux éléments ont conduit à la baisse du pouvoir d'achat des classes moyennes ainsi qu'à la détérioration des relations entre les gouvernants et les gouvernés. Ce climat de défiance est aussi dû au très long travail de rédaction de la Constitution de l'Assemblée constituante et, surtout, à l'absence de mesures efficaces destinées à répondre aux exigences de la jeunesse, à savoir le droit au travail et à la dignité nationale à travers la jouissance des libertés individuelles et publiques. Suite à la démission de l'ancien Premier ministre Hamadi Jebali, dont la volonté de former un gouvernement de technocrates a été rejetée par les principaux partis politiques, le gouvernement fait face à la fois à une crise et à une opportunité. Même revue sous la forme d'un gouvernement mixte ou technopolitique, cette solution pragmatique pourrait constituer la meilleure façon d'éviter le chaos qui risquerait de s'installer en cas de vide politique. Un gouvernement de technocrates sans affiliations politiques, voire de technopolitiques, devra accélérer les affaires nationales et organiser les prochaines élections législatives et présidentielles. Entre-temps, une paix relative pourrait être assurée et l'objectif visant à contrôler la violence pourrait être posé si les acteurs politiques acceptaient, en premier lieu, de relancer l'initiative du principal syndicat (l'Union générale des travailleurs tunisiens). Cette initiative consisterait en un dialogue national rassemblant tous les partis politiques. Lancée il y a quelques mois, elle a été rejetée par le parti Ennahda au pouvoir en raison du risque qu'elle implique, aux yeux du parti, de remplacer l'Assemblée constituante et de ne pouvoir inclure les autres courants islamistes indépendants. Le dialogue national ne progressera que s'il est ouvert à tous les courants politiques. Il pourrait apaiser les tensions en reconnaissant la légitimité des élections et l'Etat de droit. Pour sa part, l'opposition démocratique est invitée à respecter la légitimité électorale d'Ennahda, de même que celui-ci a tout intérêt à conserver l'indépendance des ministères régaliens (la justice, l'intérieur et les affaires étrangères) en termes de pouvoir décisionnel. De plus, la dissolution de milices officiellement reconnues sous le nom de «Protection des comités de la révolution» est impérative afin de réfréner les excès et de ne permettre l'exercice de l'autorité qu'aux forces de sécurité – la police, la garde nationale et l'armée.
Enfin, le dialogue national pourrait être ratifié par la signature d'une paix civile qui compléterait la Constitution en sanctionnant les principes d'un état civil universel avec des fondements dans l'identité arabo-musulmane. Pour que la transition démocratique soit un succès, il est important de préserver l'unité nationale à travers le dialogue et la recherche commune de solutions aux questions de croissance économique et sociale et de développement régional.
Mohamed Kerrou
Professeur de science politique et d'anthropologie à l'université de Tunis

 

Commentaires

    00213
    3 mars 2013 - 18 h 19 min

    Le DRS (et non l’Algérie)
    Le DRS (et non l’Algérie) doit s’impliquer dans ce qui se passe aujourd’hui en Tunisie.
    Nos frontières commencent chez eux et combattre l’activisme du Qatar en Tunisie c’est déjà le combattre chez nous.

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