Un président malheureux

Le Bamburu est le pays des Burus, nom de l’ethnie principale. Capitale Gaburu. (1) Le Bamburu est le pays le moins corrompu d’Afrique et l’un des plus grands pays producteurs de diamants (50% du PIB, les 50% restants revenant à l'agriculture). Pays démocratique, stable où rien ne se passe et où le président Uru Bambu, sportif, jeune et beau, aime la chasse au léopard. Il s’ennuie, il est inquiet. Un seul parti d’opposition dont les membres jouent au golf, quelques associations réputées pour leurs majorettes… Uru Bambu est en voyage aux Etats-Unis.
– Monsieur le Président, vous êtes un exemple pour l’Afrique, lui dit Obama.
– En apparence, en apparence. Mon pays est stable, on est inquiet de vivre dans la paix et le bonheur. Nos voisins nous envient. Nous stagnons dans le bonheur. Je sens qu’il va se passer quelque chose. Il nous faut une récession. Il nous faut un peu de pauvreté, de l’inégalité, un peu plus de corruption, des manifestations et quelques morts. Comment faire, conseillez-moi.
-Que vous dire ? Quand vous étiez colonisés, vous vouliez vous libérer. Une fois libres, vous ne voulez plus rester avec votre peuple. Vous, les élites africaines, vous êtes vraiment curieux. J’ai lu Frantz Fanon, il l’explique bien. Vous êtes vraiment colonisables.
– La vie chez nous est intenable, Monsieur le Président. Il ne se passe rien, aucun changement : la chasse, le rhum, la danse, le folklore, les fêtes, les festivals.
– Il ne se passe rien parce que vous regardez votre pays avec des yeux d’Occidentaux. Et vous ne vous rendez pas compte que nous sommes en train de vous coloniser plus pernicieusement avec nos inventions et nos produits. Vous êtes dépendant pour longtemps. Changez de logiciel et regardez votre pays avec de l’ambition, adaptez-vous par le travail. Débarrassez-vous de vos chaînes, celles qui lient vos mains, celles qui vous brouillent les yeux (TV News par exemple ou France 24)
– Non ! Non ! C’est trop tard, c’est figé.
 – Mon cher Ubu, vous baissez les bras. Tant pis, je vais vous aider. Pour le désordre, payez-vous quelques mercenaires français et contactez M. Fabius pour vous ouvrir quelques consulats et BHL pour les activités souterraines. Pour les inégalités, voyez avec Vincent Bolloré ainsi que les réseaux de la Françafrique qui vous aideront pour vous ouvrir des centres culturels pour les riches et les zaouiyate pour les pauvres. Le roi du Maroc saura vous conseiller également pour les inégalités sociales.
– Merci, je le ferai. Et pour la corruption.
– Je vous conseille le Nigeria. Non, c’est risqué et compliqué. Voyez avec les Algériens. Ils savent y faire. Ils sauront vous aider pour vous mettre en place une politique sociale du genre «par le peuple et pour le peuple», ensuite, ils vous installeront un programme de création de sociétés nationales avec des syndicalistes «maison» qui peu à peu vous démoralisera toute la société. Les Algériens sont forts : plus ils creusent le puits de leur déprime plus ils augmentent leur PIB. C’est un cas unique, les prix Nobel d’économie devraient s’intéresser à leur pragmatisme qui leur réussit.
– Ça va être long et fatigant à mettre en œuvre. Je veux un putsch, s’il vous plaît. Un putsch qui me destituera et qui me permettrait de fuir en Suisse.
– Pourquoi la Suisse ?
– Ils sont tous là-bas, les présidents, les zaïms, les cheikhs, les généraux africains et sud-américains.
– Mon cher Ubu, pour un putsch, il vous faut créer une armée qui vous fera le putsch. Il vous faut des généraux, des colonels, des moukhabarate. Adressez-vous aux Égyptiens, ils ont de l’expérience. Ils vous fabriqueront une armée et un putsch nassérien, sadatien, moubarakiste ou sissilien. Vous aurez le choix.
– Je veux un putsch où je ne risque pas ma peau !
– Alors, voyez avec les Israéliens.
– Merci, Monsieur le Président. Autant que possible, je veux me retrouver en Suisse avec un peu d’argent. De quoi vivre.
-Vous êtes exigeant. Mais d’après les livres d’histoire que j’ai lus, voyez avec les anciens présidents d’Amérique latine, quelques débonnaires d’Afrique de l’Ouest, les anciens dirigeants algériens et marocains, les anciens amis de Bourguiba, la famille de Abassi Madani, Rabah Kébir, les ministres maghrébins qui vivent en Europe avec la double nationalité. Et le comble, tous ces gens de l’Internationale socialiste qui vivent en Suisse comme de bons capitalistes. Tout ce beau monde a su se caser au détriment de leur peuple. Ils pourront vous aider. (Lisez le livre de Ziegler ou encore «Françafrique : un scandale»).
– Vous avez leur adresse ?
– Nos spécialistes les ont et ils travaillent sur ce dossier. Les chercheurs des universités américaines se posent la question pourquoi les Maghrébins qui ont libéré leur pays par les armes vont s’installer chez leur ennemi d’hier et, de plus, en prenant sa nationalité. C’est anthropologiquement intéressant comme étude. Les chercheurs veulent, par ce biais, prouver que l’homme descend du singe. Les singes se disputent pour une banane, ensuite, ils oublient. Ainsi des hommes, ils s’entretuent, ensuite, ils oublient les martyrs qui sont morts pour les libérer et pour leur permettre de devenir ce qu’ils sont, des élites.
– C’est intéressant, Monsieur Obama, mais mon problème est comment m’installer en Suisse ?
– Il reste encore quelques historiques en Suisse, en Algérie et en Tunisie. Allez les voir, ils vous donneront des ficelles. Eux, ils sont partis de zéro, ils n’ont jamais travaillé et on se demande de quoi ils vivent. Bien sûr, la CIA le sait, mais je suis tenu au secret.
– C’est gentil. Vous comprenez, je ne veux pas faire la même bêtise qu’Omar Bongo. Il a acheté tous ses biens en France pour enfin fuir et mourir au Maroc en ne jouissant pas de ces biens.
– Si vous évitez la France, vous ne risquerez rien. Dommage que Bokassa a disparu, à lui tout seul c’est une académie de la corruption, de la fuite et de la réinsertion.
– Je ne veux pas nuire à mon pays, je veux seulement avoir de quoi vivre en Suisse.
– Tel que vous me présentez le problème, votre devise est « Prendre peu, pour vivre longtemps», au contraire de vos collègues qui «prennent beaucoup pour vivre peu». Néron, en 64, a fait brûler tout Rome pour que ni lui ni les autres ne prennent quoi que ce soit. Les responsables africains veulent tout pour eux, pour leurs enfants et pour leur famille. Vous, vous êtes sage. Je vais vous aider pour couler votre pays et pour réaliser un putsch qui vous permettra de vous enfuir. Je vous demande seulement d’ouvrir une centaine de cybercafés. Je prends en charge les frais. Madame Clinton viendra vous voir.
– Merci, Monsieur le Président, vous êtes un homme aimable !
Abderrahmane Zakad, urbaniste et romancier
(1) Ce pays existe. Le nom a été changé.
 

Comment (4)

    zakad
    22 octobre 2013 - 17 h 03 min

    Cher Abou Stroff,
    Monsieur

    Cher Abou Stroff,
    Monsieur Zakad voudrait bien être à Serkadji. Que d’inspiration et de reportages à faire en côtoyant les uns et les autres.
    A 75 ans, il a dépassé l’espérance de vie qui est de 68 ans chez nous. Je dois normalement payer une taxe de longévité de 7 ans de rabiot. C’est à vous jeunes de vous manifester.
    Mr. Zakad a fait sa part et prépare son départ.Cordialement – Abderrahmane Zakad – Alger

    S.S.A
    20 octobre 2013 - 19 h 31 min

    Assalam Oura3laykoum.
    Reprise

    Assalam Oura3laykoum.
    Reprise : « – Les chercheurs des universités américaines se posent la question pourquoi les Maghrébins qui ont libéré leur pays par les armes vont s’installer chez leur ennemi d’hier et, de plus, en prenant sa nationalité. C’est anthropologiquement intéressant comme étude. »
    Ha ha ha MDR. J’espère que c’est pas vrai! Dans le cas contraire, on va au devant de sérieux problèmes.
    Bravo pour cette m3erna.
    Assalam Oura3laykoum.

    Abou Stroff
    20 octobre 2013 - 13 h 31 min

    comment se fait il qu’aucun
    comment se fait il qu’aucun membre de la marabunta qui nous gouverne ne soit mentionné par le président Obama? faut il accepter l’idée que les corrompus qui squattent les « allées du pouvoir » en algérie ne puissent pas être appelés par le nom? pourtant les scandales de sonatrach, l’autoroute est-ouest, les détournement de biens publics (le foncier, entre autres) etc. ont alimenté les unes de la presse nationale pendant longtemps avant de disparaître complètement sans qu’il y ait un épilogue à ces affaires. tout compte fait, il semblerait que monsieur Zakad ait pris les précautions nécessaires pour ne pas se retrouver à « Serkadji », en compagnie de quelques irrévérencieux morveux. moralité de l’histoire: j’aimerai bien vivre au Bamburu mais je ne le peux point!

    Wlid houma
    20 octobre 2013 - 1 h 00 min

    ça doit être la Libye, non ?
    ça doit être la Libye, non ? 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.