2014 : le bourbier terroriste du Sahel ou la guerre d’intérêts larvée entre l’Algérie et la France (VI)

Deux ans jour pour jour après l’intervention militaire française au nord du Mali, cautionnée aussi bien par Bamako que par l’ONU, la situation dans ce pays reste très précaire, voire incertaine si l’on en juge par l’insécurité qui y règne encore. Car si les différents groupes islamistes armés (Mujao, Aqmi, Ançar al-Dine…) n’ont plus le vent en poupe dans cette région, ravie aux indépendantistes de l’Azawad, grâce à un déploiement massif de l’armée française et des troupes maliennes, les attentats meurtriers contre des cibles militaires ou civiles et les actes de pillages n’ont jamais cessé. A cela s’ajoute l’exacerbation des rivalités entre différentes organisations de l’Azawad (MNLA, FPA, MAA…) dans une guerre de positions sans fin. Ce qui complique davantage la tâche, il faut le dire, à la médiation algérienne qui organise, depuis le 16 juillet dernier, un cycle de négociations entre le gouvernement malien et les groupes armés non versés dans le terrorisme. Le dialogue a l’air d’avancer, grâce surtout à la persévérance de l’Algérie, mais beaucoup de non-dits laissent croire que les protagonistes ne sont pas encore sortis de l’impasse.
Le dialogue dans l’impasse ?
Ainsi, d’après les conclusions non publiées du dernier round des pourparlers, entamé le 18 octobre à Alger, les deux parties butent sur la nature de l’autonomie de la région revendiquée avec force par les représentants des mouvements de l’Azawad. Or, tout le monde est conscient aujourd’hui des répercussions néfastes d’un éventuel échec du dialogue sur l’avenir immédiat de ce pays et de toute la région du Sahel, confrontée à une menace terroriste permanente. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, veut sans doute anticiper les événements en envisageant, dans une récente déclaration à la presse, l’élargissement de l’opération «Serval» à d’autres pays du Sahel – le Tchad et le Niger notamment –, et même dans le Sud libyen qu’il qualifie de «véritable hub terroriste». Ce qui explique peut-être la visite inopinée du président tchadien, Idriss Deby Itno, cette semaine en Algérie, et des alertes lancées dans même période par le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, qui, dans un brin d’audace, fait endosser l’entière responsabilité du chaos actuel aux puissances occidentales.
Des otages oubliés dans leurs pays
Très directement concernée par l’évolution de la situation dans la région subsaharienne, en raison des longues frontières qu’elle partage avec l’ensemble de ces pays, l’Algérie n’a jamais baissé sa vigilance, depuis surtout la sanglante attaque terroriste menée contre le complexe gazier de Tiguentourine, le 16 janvier 2013, et revendiquée par un groupe lié à Al-Qaïda et conduit par Mokthar Belmokhtar. Les nombreuses visites effectuées par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le chef de l’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd-Salah, dans les régions frontalières du Sud et du Sud-Ouest au cours de ces derniers mois dénotent la gravité de la situation et en même temps le niveau d’alerte de l’armée algérienne pour parer à tout risque de nouvelles attaques ou d’intrusion de groupes armés. Cela dit, l’année 2014 a été marquée par une note d’optimisme avec la libération, fin août, des deux derniers otages algériens enlevés par le Muajo dans la ville de Gao en avril 2012. Il y trois semaines, un otage français a été libéré par ses ravisseurs, officiellement en échange de prisonniers islamistes détenus par les autorités maliennes. Il faut dire que c’est la première fois que Paris avouait la nature de la contrepartie exigée par les ravisseurs. Car le gouvernement français était à chaque fois soupçonné d’avoir versé des rançons pour obtenir la libération d’un de ses ressortissants enlevé par des terroristes dans cette région. Chose que les officiels français n’ont jamais, du reste, pu démentir. Malheureusement pour d’autres otages, les groupes islamistes n’ont pas fait montre d’autant de mansuétude à leur égard. Ainsi, le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) a annoncé le 4 avril dernier le décès de l'otage français Gilberto Rodrigues Leal, enlevé en novembre 2012 dans l'ouest du Mali. Il faut aussi rappeler le cas de trois otages Européens (un Suédois, un Britannique et un Néerlandais) enlevés en même temps que le ressortissant français, qui sont encore retenus par un groupe se réclamant de l’Aqmi, quelque part au Mali, depuis novembre 2011, et dont personne ne sait plus rien.
R. Mahmoudi
 

Pas de commentaires! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.