Le système bancaire algérien déconnecté de la sphère réelle productive

Ce n’est pas une question de cadres au niveau des banques, au sein desquelles il existe des femmes et des hommes de valeur, mais non autonomes dans la décision de gestion. La réforme du système financier renvoie fondamentalement à la gouvernance globale. C’est que l’Algérie a peu de banques accompagnant les véritables investisseurs et pas de véritable Bourse des valeurs, la Bourse d’Alger étant en léthargie depuis 1996. Plusieurs questions se posent concernant le système financier algérien, poumon du développement du pays et de la croissance future du pays. C’est un enjeu énorme du pouvoir, ce qui explique que les réformes structurelles annoncées depuis plus des décennies années soient souvent différées, les banques publiques en 2015 représentant plus de 85% du crédit octroyé. Malgré leur nombre, les banques privées sont marginales. A partir de là, ne faut-il pas parler de refondation du système financier algérien pour dynamiser le tissu productif algérien ? C’est que la majorité des entreprises, que ce soit pour leur investissement ou leur exploitation courante, sont entièrement dépendantes de «monnaie hydrocarbures». Parallèlement, se tissent des liens dialectiques entre la logique rentière et l’extension de la sphère informelle (avec des monopoleurs informels), produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat et de la bureaucratie qui contrôlent 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments des produits de première nécessité : marché des fruits et légumes, du poisson, de la viande rouge et blanche, et à travers les importations, le textile et le cuir. C’est un système économique construit sur un ensemble de réseaux portés par des intérêts financiers individuels à court terme, développant ensuite à moyen terme des stratégies d’enracinement bloquant les réformes pour préserver des intérêts acquis, pas forcément porteurs de croissance, mais pour le partage de la rente. Or, la vraie richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Les banques publiques croulent sous le poids de surliquidités dont plus de 70% provenant de la Sonatrach via la BEA (banque qui est florissante grâce à Sonatrach) qu’elles n’arrivent pas à transformer en capital productif. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement, opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement d’un reliquat du travail, mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la Banque d’Algérie pour les entreprises publiques qui sont ensuite refinancées par le Trésor public en la forme d’assainissement, rachat des engagements financiers des EPE auprès de la Banque d’Algérie. L’analyse du système financier algérien ne peut être comprise donc sans aborder la rente des hydrocarbures. Tout est irrigué par la rente des hydrocarbures, donnant ainsi des taux de croissance, de chômage et d’inflation fictifs. La richesse nationale créée puise sa source dans la relation du triptyque : stock physique (stock ressources naturelles d’hydrocarbures), stock monétaire (transformation : richesse monétaire), répartition (modalités et mécanismes de répartition : investissement-consommation-fonds de régulation). La société des hydrocarbures ne créant pas de richesses ou du moins très peu, elle transforme un stock physique en stock monétaire (champ de l’entreprise) ou contribue à avoir des réserves de change qui, du fait de la faiblesse de capacité d’absorption, sont placées à l’étranger (86%) y compris le quota et prêt de cinq milliards de dollars au FMI.
Abderrahmane Mebtoul
 

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