Révision de la Constitution : l’article casse-tête

«Seul un optimisme fou peut nier les sombres réalités du moment.» F. Roosevelt

«Seul un optimisme fou peut nier les sombres réalités du moment.» F. Roosevelt
Seize années de pouvoir absolu, dont près de trois années par «procuration», quel en est le résultat ? Le pays s’enfonce dans la gadoue et se dirige à grands pas vers l’inconnu, vers le désastre. L’ouverture par les pôles judiciaires d’Alger, Blida et d’autres des procès des scandales politico-financiers (Sonatrach 1, 2, 3, Khalifa, autoroute, Cnan, GCA, BCIA…) dont les auteurs ne sont autres que des officiels, membres et/ou proches «du clan» est la conclusion de l’expertise «bonne gouvernance» tant promise depuis 1999. Résultat : faillite sur tous les plans, même le petit Gabon nous humilie en terre «supposée» sœur du pays des pharaons. Heureusement qu'en ces moments, aucun des membres de la CLTD ne passait par Le Caire, on nous aurait accusés, nous opposants, d'intelligence avec l'ennemi ; nous les «pseudo-politiques».
Quatre mandats, trois révisions
L’on se rappelle son intronisation à la tête de l’Etat en avril 1999, après un scrutin entaché d’irrégularités et qui avait poussé l’ensemble des candidats dont des historiques à se retirer, laissant seul l’actuel locataire de «Zéralda» face aux urnes remplies avant l’heure. Quelques mois après, dans une déclaration faite à une chaîne de télé étrangère, le président Abdelaziz Bouteflika faisait part de son intention de revoir dans le fond la Constitution «Zeroual» qu’il n’aimait pas. Pourtant, c’est grâce à elle et aux articles 88 et 74 qu’il occupera le palais d’El-Mouradia qui lui avait été refusé en 1979. Seize années sont déjà passées et nulle révision «en profondeur», juste des ajustements de circonstances pour plus de pouvoirs strictement personnels. Clé de voûte de l’architecture institutionnelle, la Constitution, après le Coran, est le texte le sacré de tout Etat. Celle de 1996, venue pallier le vide laissé par la Constitution de 1989, suspendue suite aux évènements de la période 1992-1998, à l’initiative du président Liamine Zeroual, un militaire de carrière, avait consacré l’alternance au pouvoir comme principe démocratique intangible. Venu aux commandes du pays en 1999, le nouveau timonier de la République, un civil, homme politique et diplomate de carrière, «gommera» ce principe pour y consacrer une gouvernance oligarchique ; en fait, une singulière monarchie républicaine. Les pouvoirs qu’il s’attribue, à l’issue d’un viol en bonne et due forme en 2008, lui accordent des pouvoirs sans limites. Chef de l’Etat, chef des armées, chef du gouvernement, président du Conseil de la magistrature… il est seul habilité à nommer et à dégommer. Tous les pouvoirs sont entre ses mains. Depuis celui de Premier des ministres (un simple coordonnateur) jusqu’à celui de SG de mairie en passant par celui du président du Conseil constitutionnel, des présidents des deux chambres du Parlement, du DG de la police, etc. Tous sont responsables devant lui. Il a tous les pouvoirs et n’est responsable devant aucune institution ou juridiction. Il dispose de tous les pouvoirs réglementaires en signant les ordonnances et les décrets adoptés en Conseil des ministres présidé par lui. Il peut à tout moment dissoudre l’APN et consulter directement le peuple par voie référendaire, suspendre toutes dispositions de la Constitution qu’il juge contraire à ses humeurs (suspension des agréments des partis, 2000-2012).
Tamazight en 2002 – Djemloukia en 2008
Pour calmer le soulèvement de la jeunesse kabyle qui faillit dégénérer en 2001 en guerre de régions, le Président trouvera la parade. Il réunira en 2002 le Parlement, né de la fraude de 1997, à qui il ordonnera de consacrer la langue tamazight comme langue «officielle». En 2008, pressé par l’échéance de fin de mandat qui devait expirer en avril 2009, dans un environnement de grandes turbulences suite aux scandales qui se succédaient et dont les auteurs sont pour la plupart membres ou proches du «clan», passant outre toute déontologie et éthique, le Président fera sauter le verrou de l’alternance. Mandat à vie. Une hideuse image s’en dégagera d’une République de type monarchique spécifique. 2011, la rue arabe gronde. Les dictateurs sont les uns après les autres déchus. Le Président apparaît le 15 avril 2011 et annonce des réformes en profondeur, à commencer par la Constitution. Le temps passe et rien n’arrive. Mai 2013, tout bascule ! Le Président est atteint d’une maladie invalidante qui l’empêche d’assumer son devoir. Le Conseil constitutionnel, haute juridiction chargée d’assurer la bonne gestion de la Cité s’emmure dans un silence de cimetière. Il laisse faire. La Constitution est bafouée. Le troisième mandat tire à sa fin. Alors que tout le monde s’attendait au retrait, l’homme réapparaît et se porte candidat. Par procuration, le Président tient sa campagne électorale. Tous les moyens de l’Etat sont à sa disposition. Il en use et abuse sans limites. Sur les 22 millions d’inscrits, seuls 9 millions (frelatés) selon le ministre de l’Intérieur se rendent aux urnes. Entre 5 et 6 millions de voix sont attribués au Président (combien sont-ils ceux décédés-votants ?), soit le tiers des inscrits. La démocratie par la minorité se réinstalle. Une fois élu, le Président tronquera le palais présidentiel d’El-Mouradia par la résidence de Zéralda. Point de gouvernance ! La République est «procurée» à Bensalah (art 88) pour les protocoles présidentiels, à Sellal et Ould Khelifa, pour les représentations auprès des instances internationales, à Boughazi et Zerhouni pour la lecture des messages de son excellence, aux Saïdani, Sidi-Saïd, Ghoul, Benyounès, lesquels par «sons et trompettes» sont chargés de l’animation des «shows». Et pendant que tout ce «hideux» monde se démène dans des habits qui ne sont pas les siens, les grandes décisions se prennent ailleurs, derrière les sombres rideaux.
Une énième révision, pourquoi ?
Les bruits et chuchotements qui parviennent par-ci par-là parlent d’un retour à l’article 74 «version Zeroual». Mon Dieu ! Revenir à la limitation des mandats ? Quelle avancée spectaculaire ! Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour arriver sept années après à reconnaître que le pouvoir avait bien «menti». N’est-ce pas un parjure ? Que n’avions-nous entendu, nous «les pseudo-politiques», les amoureux des «vagues», les prêcheurs de la «fitna» ! La consécration de l’alternance au pouvoir ne devrait-elle pas donner à réfléchir à toute la faune qui s’était mise au service du Prince et pousser au viol de 2008 ? Je citerai nommément le pouvoir bien sûr, tous les partis politiques «pro», les institutions législative et judiciaire, les juristes et les hommes de science. Ils devraient bien se remettre en cause. Le mal qu’ils ont fait subir au pays est tellement immense qu’ils devraient en bloc et dans le détail s’auto-absoudre pour le restant de leur vie. Le retour à la limitation des mandats présidentiels et celui du mode de gouvernance par chef de gouvernement responsable devant le Parlement suppose de facto que les 3e et 4e sont foncièrement illégitimes. Si cette énième révision se confirmait, le Président devrait dès à présent prendre les mesures pour réajuster la loi électorale comme le lui a suggéré l’opposition. En effet, pour redonner confiance au citoyen et crédibiliser ainsi les prochaines joutes électorales, l’institution d’une «commission indépendante» chargée d’organiser, superviser, contrôler et prononcer les résultats de toutes les élections à venir s’impose comme condition sine qua non. Dans la foulée, eu égard à son état de santé, il devrait convoquer le corps électoral pour des élections présidentielles anticipées à tenir dans les six mois à venir. Ces gestes qui semblent si simples, mais combien «historiques», que le Président actionnera insuffleront une nouvelle dynamique, gage d’une nouvelle ère de quiétude et de prospérité pour les générations présentes et futures. Connu pour sa grandeur d’âme, le peuple, tout le peuple lui sera reconnaissant ici-bas et dans l’au-delà. Sous son autorité morale, les premières élections présidentielles «propres et honnêtes» seront organisées, loin de toute fraude ou malversation. Nos frères tunisiens et amis kenyans nous ont sillonné le chemin. Une fois sa mission terminée, l’histoire reconnaîtra son «auguste» acte et l’absoudra de toutes les imperfections. Il pourra, alors, aller se reposer tranquillement chez lui, comme l’a fait fièrement son prédécesseur, «mouazez, moukarem».
Smail Saidani
Secrétaire national Jil Jadid
 

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