Migrants : que cherche-t-on à montrer ou à cacher derrière l’émotion relayée par la photo d’Aylan ?

L'émotion suscitée par la photo du petit Aylan, mort échoué sur une plage, ne pouvait être que forte. Elle alimente quotidiennement une puissante propagande sur l'arrivée massive, en terre européenne, de migrants venus de certains pays du Moyen-Orient, marqués par des conflits sanglants depuis plusieurs décennies.

L'émotion suscitée par la photo du petit Aylan, mort échoué sur une plage, ne pouvait être que forte. Elle alimente quotidiennement une puissante propagande sur l'arrivée massive, en terre européenne, de migrants venus de certains pays du Moyen-Orient, marqués par des conflits sanglants depuis plusieurs décennies.
L'attention semble se focaliser sur les hommes et les femmes d'origine syrienne. Mais voilà : cette émotion médiatique et politique n'est pas forcément désintéressée, surtout face à des situations aussi complexes où une violente guerre de l'information se nourrit des massacres et des drames humains, ignorant cyniquement de rappeler tous les calculs géopolitiques qui les fabriquent. Il est certes juste et humain de ressentir de l'émotion face au malheur qui frappe des populations, surtout lorsqu'il s'agit de guerres injustes où des crimes abominables sont commis contre des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards. Quelles que soient leur race ou leur religion.
Il est par contre dangereux de se laisser guider par la seule émotion, à plus forte raison si elle est médiatiquement et politiquent «soutenue», «orientée» et surtout «contrôlée». Dans ce cas précis, il nous faut absolument rester vigilants vis-à-vis des images choquantes, diffusées à «flot continu» sur les chaînes de télévision, essayer d'en vérifier les sources et les objectifs qu'elles servent. En effet, les méthodes utilisées pour sensibiliser sur l'errance et les destins chavirés des migrants ne sont pas si pures qu'on voudrait bien nous le faire croire.
Le sens de cette guerre de l'information est de masquer la responsabilité de ceux qui sont les initiateurs et commanditaires du chaos organisé au Moyen-Orient. Pour tout esprit logique et cartésien, il est anormal que, soudainement et collectivement, des centaines de milliers d'hommes et de femmes choisissent ensemble de «se donner une sorte de mot passe» pour couper les racines d'avec leur pays, d'abandonner leurs familles, parfois leurs épouses et leurs enfants en bas âge, d'affronter les dangers de la mer en remettant leur vie entre les mains de crapules cupides et sans scrupules, pour finalement venir échouer sur les rivages européens.
Pour percer le mystère de cette guerre de l'information et de l'émotion autour de ces milliers de destins inexorablement cloués au pilori, interrogeons-nous !
Qui a pu ainsi fracasser et «déshonorer pour mieux les avilir» les vies de toutes ces populations en fuite ? Quelles sont les forces occultes qui les ont rendus victimes de la faillite économique de leur pays ? Pourquoi, en Europe et ailleurs, a-t-on si longtemps fermé les yeux sur l’utilisation de la puissance militaire et de la force arbitraire qui les a opprimés ? Qui finance les assassins de leurs libertés politiques et religieuses pour aggraver les tourments et les effets de la guerre totale, impitoyable ? Une guerre menée de façon barbare dans cette région du monde depuis plusieurs années et obéissant à un agenda précis pour les obliger à devenir – peu importe les mots – des «migrants», des «réfugiés», mais surtout, pour bon nombre d'entre eux, des «exilés» forcés, parfois «fabriqués» et aujourd'hui encouragés à jouer leur vie «à la roulette russe», pour échapper, peut-être, à une mort certaine, mais, surtout, à abandonner leur terre natale qui est en même temps celle de leurs ancêtres.
Qui a intérêt à organiser un tel chaos ?
Aussi complexe et sensible que soit cette question, il est clair que le hasard, la fatalité et/ou la négligence ne peuvent pas être sérieusement et objectivement évoqués, encore moins soutenus.
Il ne s'agit pas de faire dans la théorie du «complot». Mais en tenant compte des événements de ces dernières décennies (guerre d'Irak, guerre de Libye, guerre du Liban et aujourd'hui guerre en Syrie), on est en droit d'avoir la légitime suspicion que se déroulent, sous nos yeux, les différentes phases d'un programme qui aurait été, selon certains analystes, réfléchi et bien planifié, laissant entendre la destruction des structures sociétales ou étatiques pour imposer l'idée d'un «ordre nouveau» au Moyen-Orient, englobant également les pays du Maghreb.
C'est l'idée bien connue du Grand Moyen-Orient, soutenue par l'ancien président Georges Bush.
Le principe de cette doctrine stratégique peut être résumé ainsi : le plus simple pour piller les ressources naturelles d'un pays sur une longue période, ce n'est pas de l'occuper, mais de détruire l'Etat. Sans Etat, pas d'armée. Sans armée ennemie, aucun risque de défaite. Dès lors, le but stratégique de cette doctrine : détruire des Etats. Ce que deviennent les populations concernées n'est pas le problème de ceux qui sont à l'origine de sa formalisation et de son exécution sur le terrain. Face à ce terrible chaos qui semble organisé, après la guerre d'Irak et, depuis quelques années, de Syrie, les dirigeants de l'Union européenne se trouvent soudainement confrontés à des situations inattendues. Après les attentats terroristes, commis par des individus agissant sous les couleurs usurpées «d'un islam politique», les pays de l'Union européenne font face aujourd'hui à un afflux massif et continu de migrants fuyant la guerre, via la Méditerranée.
Nous voici donc face à deux problèmes qui servent les armes d'une guerre de l'information :
1. Les attentats terroristes, estampillés «islamistes».
2. Les migrations par centaines de milliers d'âmes qui empruntent les voies maritimes de la Méditerranée pour se retrouver en Europe.
Les migrations en Méditerranée nous sont présentées pour le moment, par les médias et les autorités des pays concernés, comme un problème humanitaire. Ils seront certainement exploités, demain, par les tenants du racisme et de l'islamophobie comme facteur de déstabilisation sécuritaire, culturelle et économique.
Le discours des partis politiques d'extrême droite vise et visera de plus en plus à encourager la haine de l'autre qui pourrait provoquer des troubles sociétaux importants dans certains pays européens, par exemple la France où la marque de «la savonnette électorale» pour les prochaines élections présidentielles est connue. Il s'agit de l'islam.
Aussi, nous n'avons pas le droit de ne pas nous sentir interpellés par les souffrances de ces centaines de milliers d'hommes, de femmes et de leurs enfants. L'instrumentalisation de l'émotion politique et médiatique de leurs douleurs accentue chez eux le fantasme d'avoir fait le bon choix, après avoir risqué de se noyer en Méditerranée, pour obtenir une existence légitime plus paisible que dans le pays qui les a vus naître.
Le manteau du silence finira par couvrir l'écho et les bruits de la guerre des images et de l'émotion. C'est une autre guerre qui reprendra ses droits, en tout cas pour nous en France, à l'approche des échéances électorales.
Cette guerre, c'est de la propagande continue des forces politiques extrémistes et fascistes pour enflammer l'islamophobie. Pour mieux distiller le poison et la culture de la haine, les dirigeants de ces mêmes forces extrémistes affirment, ouvertement et publiquement, que des terroristes, forcément musulmans bien sûr, pourraient s'être infiltrés au milieu de tous ces milliers de migrants pour commettre des attentats.
Comme en écho à leurs supputations, nullement étayées par des preuves tangibles, certains maires de villes françaises moyennes, certes minoritaires, déclarent sans honte qu'ils n'accueilleraient dans leur commune que des migrants chrétiens. Ces élus de la République souffrent d'amnésie. Ils n'ont jamais visité les cimetières de Verdun et ignorent la bravoure et les combats héroïques des soldats musulmans à Monte-Cassino. C'étaient nos grands-parents et nos arrières grands-parents… «Sujets de la République» à l'époque coloniale, mobilisés dans les armées françaises durant les deux dernières guerres mondiales, ils ont servi de «chair à canon» pour défendre les valeurs de liberté et de fraternité, vaincre le nazisme et le fascisme qui a failli souiller à jamais l'honneur de la France et des Français. En réaction aux propos de ces «élites politiques» de peu d'envergure, Claude Bortolone – président du Conseil régional d'Île-de-France déclara : «Après l'étoile jaune, l'étoile verte». La forme dénaturée et appauvrie de leurs «cocoricos patriotiques», intoxiqués au ressentiment antimusulman, révèle leur sottise politique et leur ignorance des valeurs qui fondent la République. Prisonniers de leur racisme, ils cultivent l'image fantasmée d'une France, «mère patrie coloniale», qui doit écraser la différence, au nom du principe de laïcité, et refuser de s'excuser pour ses fautes passées. C'est à se demander si ces contempteurs du «modèle fasciste» connaissent un peu d'histoire. La laïcité n'a pas été pensée en France pour intégrer les immigrants. Historiquement, elle a d'abord été programmée pour arracher les racines catholiques du pays. C'est dans une querelle franco-française qu'elle a émergé. C'est bien tardivement qu'on a cherché à la circonscrire dans la perspective de l'intégration, avec un certain succès. La République et ses valeurs seront toujours plus fortes en considérant tous ses citoyens sur un même pied d'égalité. En tant que diaspora algérienne en France, nous continuerons à nous concentrer sur l'essentiel. La France va peut-être mal, mais finira par se redresser. Beaucoup d'Algériens nés en France participent désormais à la vitalité de sa vie intellectuelle et à son développement économique et culturel. L'histoire de leur naissance en a décidé ainsi.
Alors, comme dit le proverbe arabe, les chiens aboient et la caravane passe…
Alliance nationale des associations des Algériens de France

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