Constitution : «Il faut que ça change pour que rien ne change»

Par Abdelaziz Ghedia – Finalement, et sans surprise aucune, la troisième Constitution du régime bouteflikien a été votée, presque à l’unanimité, le dimanche 7 février, par les deux chambres réunies. Seuls les naïfs croyaient peut-être que les députés allaient oser faire des remarques ou proposer des amendements de (à) certains articles. Ils ne l’ont pas fait. Ils n’ont même pas osé. Pourtant, lui, il a osé. Ils ont commencé d’abord par écouter, dans un silence quasi religieux, un silence de cathédrale (sans vouloir offenser quiconque par cette expression), la lettre que leur a adressée, à l’occasion, le président de la RADP, lettre lue, j’imagine, par le président de l’APN du haut de son perchoir, puis au moment du vote de ladite Constitution, ils se sont levés et levé leurs deux mains pour dire «Oui». Un oui massif et franc, un oui qui s’est traduit, statistiquement, par un score à la soviétique du temps où Brejnev présidait aux destinées du «soviet suprême». Sauf qu’ici, on est en 2016, en Algérie, un pays qui se dirige fatalement et résolument vers un Etat de monarchie absolue. Le roi décide et ses désirs sont des ordres. Ils trouvent vite, ces désirs, des exécuteurs qui les concrétisent ipso facto sur le terrain dans une mise en scène hollywoodienne. Ainsi, dans l’hémicycle qui porte encore le nom d’un illustre chahid, Zighout Youcef, rien n’a été laissé au hasard, rien n’a échappé à l’œil vigilant des organisateurs de cette grande kermesse… royale. Tout le monde était beau, tout le monde était gentil. Toutes les mains se sont levées. En deux temps trois mouvements, le tour est joué, les dés sont jetés. La nouvelle Constitution est adoptée. Les femmes députées pouvaient lancer leurs «youyous» au grand dam de notre diaspora qui espérait, jusqu’à la dernière minute, trouver grâce aux yeux de ces députés grassement rémunérés par les contribuables «algériens de l’intérieur». Il n’en était rien. Malheureusement. Après cette mise en scène tragi-comique, les réseaux sociaux se sont déchaînés. Aussi bien ceux appartenant aux «Algériens de l’intérieur» que ceux des «Algériens de l’extérieur». Sur les pages Facebook, par exemple, le message est pratiquement le même. Identique. A quelques nuances près. On s’en prend violemment aux députés qui ont, de leur plein gré, mais sans leur âme et conscience, puisque, apparemment, ils n’en ont pas, participé au énième viol de la Loi fondamentale du pays. La Toile abonde de qualificatifs péjoratifs à leur égard. Par des coups de fusain numérique, la tête du député se transforme en une tête asinienne. La Toile s’amuse comme elle peut. Elle semble s’adapter à l’adage qui dit «le malheur des uns fait rire les autres». Mais où est le malheur dans tout cela, me diriez-vous ? Eh bien, le malheur, pour moi, est dans les ratages des rendez-vous successifs que l’Algérie a eus avec l’Histoire ! Le pays a eu maintes fois l’occasion de se ressaisir, de passer d’un Etat quelconque du tiers-monde à un Etat démocratique, un Etat de droit où tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs, mais à chaque fois il a failli. Le train des réformes démocratiques marque des haltes à chaque gare, mais on refuse de le prendre. Il siffle trois fois et il repart. Sans nous. Par cette nouvelle Constitution, on a voulu, en fait, nous faire comprendre qu’«il faut que ça change pour que rien ne change»*. Voilà le fin mot de l’histoire. Avec un petit «h» cette fois-ci.
A. G.
* Tirée du film italien Le Guépard

Ndlr : Les idées et opinions exprimées dans cet espace n’engagent que leurs auteurs et n’expriment pas forcément la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.
 

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