François Hollande : «Des vies furent sauvées en Algérie grâce à Michel Rocard»
Dans son éloge à Michel Rocard, ce jeudi à Paris, le président français est revenu sur le rôle joué par le défunt dans la révélation des exactions commises par la France coloniale en Algérie, à l’insu de l’opinion publique française. «Le premier combat de Michel Rocard fut pour la décolonisation et contre la guerre d’Algérie», a souligné François Hollande, pour qui Rocard a «toujours été mobilisé pour une cause juste» et «ne concevait pas sa vie sans engagement». «Jeune inspecteur des finances détaché en Algérie, il met au jour les conséquences dramatiques de la décision du gouvernement de l’époque de regrouper des centaines de milliers de paysans dans des camps», a rappelé le chef de l’Etat français dans son oraison funèbre prononcée devant un parterre de responsables politiques, toutes obédiences réunies. «Il transmet son rapport au cabinet du garde des Sceaux, Edmond Michelet, et le donne à la presse. Le retentissement est énorme. Michel Rocard manqua de se faire révoquer. Mais grâce à lui, les camps furent fermés et des vies furent sauvées. Il comprit, ce jour-là, que la politique pouvait être davantage qu’une incantation, une dénonciation, mais une action», a déclaré François Hollande, en parlant de l’homme qui «portait un idéal auquel il n’a jamais dérogé, celui de la paix et de la liberté».
Alors qu’il n’était qu’un inspecteur des finances, Michel Rocard réussit, en 1959, pendant que le plan Challe contre les maquis de l’ALN battait son plein et que les ministres socialistes y étaient pleinement «embarqués», à bouleverser la donne et à galvaniser une partie de l’élite française, qui était encore tiraillée par le choix à faire entre «sa mère» et «la justice». Son rapport accablant remis au délégué général en Algérie alertait sur la situation dramatique dans les camps de regroupement, où plus d’un million d’Algériens, dont plus de la moitié étaient des enfants, étaient menacés par la famine et, dans un autre chapitre, évoquait les conditions carcérales en Algérie, en faisant état de l’usage systématique de la torture dans les centres de détention. Communiqué à la presse, quelques jours plus tard, ce document n’a pas laissé indifférents les milieux intellectuels, eux-mêmes bâillonnés par un système répressif et peu soucieux des exigences de liberté et de démocratie. C’est cette alerte qui donna naissance au célèbre manifeste des intellectuels et hommes de culture français contre la «guerre d’Algérie», parmi lesquels Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.
M. Aït Amara
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