Interview – L’historien belge Roger Maudhuy explique pourquoi Molenbeek est devenu une «fabrique de terroristes»

La majorité des Marocains établis à Molenbeek sont originaires du Rif, une région connue pour la production du kif. D. R.

Algeriepatriotique : Vous venez de publier un livre que vous avez intitulé Molenbeek, vingt-cinq ans d’attentats terroristes. Pourquoi ce titre ? Le terrorisme islamiste existe-t-il depuis un quart de siècle en Belgique ?

Roger Maudhuy : En 1989, l’imam et le bibliothécaire de la mosquée du Cinquantenaire, à Bruxelles, ont été assassinés par balles. Abdelkader Belliraj a avoué ce double crime, et quelques autres, à la police marocaine. Il a été condamné à la perpétuité. Ce Belliraj a habité Molenbeek, ainsi que d’autres quartiers du «Croissant». L’affaire Belliraj est délicate : il fut un informateur des services secrets belges, dans un monde où grenouillent agents doubles, agents triples et autres agents provocateurs. Il affirme que les Marocains lui ont arraché ses aveux – d’ailleurs circonstanciés et conformes aux faits – sous la torture. Ce qui trouble le Parquet fédéral belge, qui refuse de le poursuivre en Belgique. Ce qui fâche la défense d’une de ses victimes, le Dr Wybran, abattu sur le parking de l’hôpital où il travaillait. Le Dr Wybran était une grande figure de la communauté juive belge, et c’est pour cette raison qu’il a été exécuté.

Vous avez rappelé que les assassins de Shah Massoud en 2001 étaient partis de Molenbeek. Ce quartier a donc toujours été une base arrière pour les terroristes islamistes. Y a-t-il eu des alertes ? Les services de renseignement ont-ils mis en garde les responsables politiques ?

L’affaire Belliraj, plus de dix ans plus tôt, constitue déjà une belle alerte. Même si les diverses déclarations à ce sujet sont souvent contradictoires, oui, on doit admettre que police et services secrets ont pris conscience de l’ampleur du phénomène et ont averti les autorités politiques.

Comment ce quartier pourvoyeur de «djihadistes» a-t-il pu exister en plein cœur de la capitale belge ?

Bonne question ! Il faut connaître Molenbeek : cette ville de 100 000 habitants est coupée en deux par une frontière invisible. D’un côté le Molenbeek «blanc», peuplé de Belges, d’Italiens, de Grecs, de Polonais et même d’un peu d’Africains. De l’autre, le Molenbeek «arabo-musulman». Ces communautés-là ne cohabitent pas, elles coexistent. Je connais des Molenbeekois qui n’ont plus mis les pieds dans le quartier arabe depuis des années. Ce Molenbeek «arabo-musulman» est essentiellement marocain, et même rifain. Les nouveaux arrivés, par immigration «normale», regroupement familial ou mariage, ont une tendance naturelle à s’installer auprès des leurs. Ils font leurs courses dans des commerces marocains, vont à la mosquée marocaine… C’est ainsi un véritable ghetto qui s’est créé et qui se renforce. Le bourgmestre, Philippe Moureaux, est souvent désigné comme le seul et unique responsable de cette situation. C’est oublier que non seulement un bourgmestre n’est pas seul, mais qu’en plus, il a tenté une mixité sociale en réhabilitant des immeubles pour installer des Belges «de souche». Cela a déplu à certains Marocains, ancrés dans la délinquance, qui a provoqué des émeutes. Molenbeek a connu un essor démographique important : environ 70 000 habitants en l’an 2000, 100 000 aujourd’hui. La plupart des nouveaux venus sont issus du Maroc. Savez-vous que 63% des New Yorkais sont nés aux Etats-Unis, mais que 62% des habitants de l’agglomération bruxelloise sont nés à l’étranger ?

Comment la délinquance dans ce quartier s’est-elle transformée en intégrisme islamiste, puis en terrorisme ?

Molenbeek est le centre de multiples trafics. J’ai habité Molenbeek. Un jour, je suis entré dans le café des frères Abdeslam. Non seulement il régnait là une odeur de haschisch, mais en plus, dans un coin, se trouvait un pot d’échappement. Et dans un autre coin, des cartons avec des polos Lacoste. Presque tous les terroristes issus de Molenbeek sont passés par la case prison, pour des vols, des trafics, des recels… Et c’est en prison qu’ils ont été radicalisés. Les témoignages que j’ai recueillis auprès de gardiens de prison et d’ex-détenus sont édifiants.

Les autorités belges ont-elles laissé faire ou n’ont-elles pas vu venir ?

Sans doute un peu des deux. Le bourgmestre de Molenbeek a voulu jouer la carte des grands frères et des imams pour remettre les jeunes dans le droit chemin. Il disait et répétait qu’il préférait voir un jeune à la mosquée plutôt qu’en prison. L’avis de certains de ses collaborateurs est qu’il a été dépassé, qu’il n’a pas pris conscience du fait qu’à côté des imams présentables, il s’en trouvait d’autres qui l’étaient beaucoup moins. Et qui même vendaient de la littérature d’extrême-droite. Un de mes témoins, un jeune Arabe, m’a fait passer pour un militant d’extrême-droite auprès de libraires et d’imams, qui m’ont aussitôt proposé, avec le sourire, des livres signés par Hitler, Faurisson, etc.

Qui habite ce quartier devenu un «ghetto islamiste» ? Quelle est son histoire ? Pourquoi Molenbeek précisément ?

Molenbeek est une commune qui a été frappée par la désindustrialisation. C’était une commune riche, qu’on surnommait le «Manchester belge», et qui s’est retrouvée avec des usines et des ateliers abandonnés. Il y a 589 communes en Belgique. Molenbeek est la deuxième commune la plus jeune et la deuxième commune la plus pauvre ! Alors, ces jeunes, issus du Rif pour la plupart, une région du Maroc qui vit du trafic de haschisch et où la violation des lois semble être une pratique tout à fait établie, ces jeunes, ils se tournent vers la délinquance. Ils vont chercher l’argent là où il est. Les frères El-Bakraoui, Abaaoud, Bilal Hadfi, tous sont d’anciens délinquants, qui à une époque se moquaient bien de a religion et ne pensaient qu’à boire, à fumer et à s’amuser.

En évoquant ce quartier que le monde entier a découvert depuis les attentats de Paris, vous parlez de «Croissant». Ce mot a-t-il quelque relation avec le symbole de l’islam ? Ne risque-t-il pas d’y avoir un amalgame ?

L’agglomération bruxelloise est composée de 19 communes indépendantes, dont Molenbeek. Elle connut aux XIXe et XXe siècles une forte industrialisation, principalement le long du canal de Charleroi. Petit à petit, usines et ateliers ont été abandonnés, créant autant de chancres urbains. Cette partie de l’agglomération, quand on regarde une carte, a un peu la forme d’un croissant, d’où le nom le «Croissant». Donc, si même une partie de ce «Croissant» est peuplée d’Arabes et de Turcs, le nom n’a rien à voir avec l’islam. Une partie de Molenbeek, la plus déshéritée, fait partie de ce «Croissant», de même que des parties de Schaerbeek, Forest ou d’Anderlecht, par exemple. Et la question est : pourquoi Molenbeek ? Des communes voisines avaient les mêmes atouts pour devenir des «bases djihadistes», mais c’est Molenbeek qui, si je puis dire, a tout raflé. Pourquoi ? J’apporte des réponses dans mon livre. Je ne prétends pas les connaître toutes.

Vous parlez dans votre livre d’une coopération entre les services belges et marocains. Cette collaboration a-t-elle failli, puisque des attentats ont eu lieu, faisant de nombreuses victimes ?

Il y a eu une époque où la collaboration était bonne, puis il y a eu dégradation. Il ne faut pas oublier que les cerveaux des attentats de Madrid et de Casablanca sont eux aussi issus de Molenbeek.

Le Maroc est le premier exportateur de cannabis dans le monde. Or, la relation entre le crime organisé et le terrorisme islamiste est établie. La Belgique – et l’Europe de façon générale – combat-elle le trafic de drogue en provenance du Rif marocain de façon sérieuse, selon vous ?

J’ai discuté avec un élu belge, Européen convaincu, qui me disait regretter que l’Europe, quand elle négocie quelque accord avec le Maroc, ne mette pas sur la table le problème du Rif et de ses trafics. Le haschisch rapporte beaucoup d’argent, les banques du Rif voient affluer des flots d’argent liquide. Le Rif a aussi son histoire particulière. Bien des Marocains rencontrés à Bruxelles tenaient à me dire que le Maroc et le Rif, ce n’est pas du tout la même chose. On arrête des petits trafiquants, des revendeurs dans la rue, des guetteurs… C’est sans doute bien, mais ce n’est pas suffisant.

Une dernière chose à dire ?

Oui. J’ai habité plusieurs années à Molenbeek. Bien avant les attentats de Paris, en novembre 2015, j’avais commencé mon enquête. J’ai rencontré plus de 350 personnes, délinquants, commerçants, policiers municipaux, élus, gardiens de prison, militants associatifs, imams, enseignants, cafetiers, médecins, retraités, etc. J’ai voulu faire comme Maigret, le commissaire de Simenon : m’imbiber de l’atmosphère molenbeekoise. Et j’ai ainsi donné la parole à des gens à qui on ne la donne jamais, à des gens qui ne se parleraient jamais entre eux. Par petites touches, j’ai brossé une vaste fresque de Molenbeek. Et je le dis, non sans regrets : Molenbeek n’a pas changé. Ou plutôt si, mais en pire : aujourd’hui, circulent les pires thèses complotistes. Bien des jeunes jurent que certains attentats sont le fait de services secrets, comme le Mossad ou la CIA. Non, Molenbeek ne change pas : demain, après-demain, dans six mois, un autre attentat peut avoir lieu, à Paris ou à Barcelone, à Naples ou à Corfou, où on reparlera de Molenbeek.

Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi

Comment (4)

    Wallace
    13 juillet 2016 - 7 h 23 min

    Si je devais « resume » cette »
    Si je devais « resume » cette » interview serait la technique du « maroqin (e) » d,appauvrir une commune qui était l,une des plus riches de Belgique au profit du « commandeur des esclaves ».
    Partout ou les maroqins s,installe laisse derrière eux ruine et désolation.
    La crasse ou les maroqins se regroupent,vivent et se complaisent dans leur « milieu naturel »!

    Ziad Alami
    12 juillet 2016 - 17 h 31 min

    Merci a Mr Roger Maudhuy qui
    Merci a Mr Roger Maudhuy qui vient de nous expliquer comment la predatrice famille allaouite allochtone a fait de ce beau pays qu’est le Maroc le pays de la misere, du marocain un dealer puis un terroriste et de la marocaine une prostituee puis une bonne a toiut faire

    Anonymous
    12 juillet 2016 - 6 h 58 min

    Ahurissant.
    Ahurissant.

      Mon opinion
      12 juillet 2016 - 19 h 13 min

      Salam,

      Salam,
      Vous avez tout à fait raison:  » Ahurrisant ». On comprend de plus en plus le jeu incroyablement néfaste du makhezen totalement occulté par les merdias sionistes occidentaux pour détruire les pays opposés au sionisme. Le makhzen aime exporter la merde chez les autres et contrôle efficacement sa population d’ une main de fer, employant tortures, meurtres et toute la panoplie du dictateur pour épargner à son royaume tout le mal qu’ il fait aux autres. L’ Algérie subit depuis des décennies cette politique ignominieuse du makhazen et ont intensifié le mal lors de notre décennie noire. Je crois en Dieu et pense que tout mal finit par se payer, non loin est le retour de bâton sur cette monarchie qui nous a salie par son lobbying bien introduit dans les chancellerie montrant une mauvaise image de notre pays, et trahie aux yeux du monde pour assouvir au final que des instincts bassement matériels. Soyez maudits hormis ceux qui ne le méritent pas.

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