Massacre de Sanaa : un tournant dans la guerre au Yémen

Une des victimes du carnage. D. R.

Les chasseurs saoudiens ont commis un véritable massacre collectif en bombardant, samedi 8 octobre, une cérémonie funéraire qui se déroulait dans une salle à Sanaa, provoquant plus de 600 victimes parmi les personnes venues présenter leurs condoléances au ministre de l’Intérieur yéménite suite au décès de son père. Selon des sources officielles citées par l’agence de presse yéménite Saba, le bilan encore provisoire s’élève à 90 martyrs et 566 blessés dont la majorité est dans un état grave.

Des corps de victimes carbonisés et déchiquetés

Selon des photos et des vidéos publiées sur les sites d’information yéménites, des victimes ont été brûlées, carbonisées et d’autres déchiquetées par la violence des raids de l’aviation saoudienne lancés contre la grande salle des cérémonies Al-Rowaishan, dans la capitale yéménite. Les bombardements n’ont même pas épargné les secouristes qui tentaient d’évacuer les blessés et de sortir des corps des décombres. Parmi les victimes figure le maire de Sanaa, Abdel Qader Hilal.

Selon des Yéménites vivant en Algérie, encore sous le choc et révoltés par «le caractère abject de l’attaque saoudienne ciblant des civils lors d’une cérémonie religieuse, les Saoudiens ont franchi un seuil de violence intolérable qui va pousser tous les Yéménites à se retourner contre eux et à rejoindre les rangs de l’armée pour les combattre».

Ce n’est pas la première fois que les raids de la coalition saoudienne provoquent des massacres collectifs de civils, lors de cérémonies de mariage ( 115 victimes à Zamar en octobre 2015) ou encore dans les lieux publics comme les marchés, les mosquées, les écoles, les stades, et ce, au mépris des lois internationales sur la protection des civils en zones de guerre, sans que cela ne soulève un tollé d’indignation de la communauté internationale, qui dénonce «le massacre de civils» selon le  «deux poids, deux mesures».

Au regard des réactions immédiates des autorités yéménites, ce massacre va marquer un tournant dans la guerre faite au peuple yéménite par la coalition arabe menée par l’Arabie Saoudite et soutenue par les Etats-Unis et d’autres puissances occidentales. Cette guerre, déclenchée le 26 mars 2015, a déjà fait plus de 10 000 victimes, dont près de 4 000 civils, selon les estimations des Nations unies. Un blocus total (air, mer, terre) est toujours en vigueur, provoquant les maladies et la famine qui frappe des milliers d’enfants. Quatre personnes sur cinq ont besoin d’une assistance humanitaire et trois millions de personnes ont été déplacées alors que toutes les infrastructures civiles ont été détruites.

Le Conseil politique suprême (CPS), la plus haute autorité au Yémen, a tout de suite réagi en affirmant, en substance, que «l’acte criminel commis par l’alliance américano-saoudienne d’agression ciblant la salle de cérémonie ne passera pas sans une réponse». Il appelle à «étudier et utiliser tous les moyens et options pour répondre à ce crime et à d’autres», à combattre «l’ennemi sur tous les fronts» et «déclarer la révolution totale contre l’ennemi et ses mercenaires».

Plus rien ne sera comme avant

De son côté, le porte-parole officiel de l’armée yéménite, le brigadier Luqman, cité par l’agence de presse yéménite Khabar, a déclaré qu’«après ce crime, rien ne sera plus comme avant», lançant un appel à la mobilisation générale, en demandant à tous ceux qui ne sont pas encore convaincus des réalités de l’agression arabo-américaine de rejoindre le front pour faire face aux envahisseurs et répondre aux crimes en cours qui ciblent l’ensemble du peuple yéménite». Selon lui, «l’alliance des forces de l’agression, qui a été impuissante à atteindre tout objectif militaire sur tous les fronts, cible les civils pour décourager les comités de l’armée et du peuple de leur devoir national contre l’agresseur».

En effet, les observateurs de la scène militaire ont relevé, ces derniers mois, que les forces de la coalition, en dépit des raids incessants faisant plusieurs victimes quotidiennement dans les différentes régions du nord du Yémen, n’ont pas enregistré d’avancée notable sur le terrain. Par contre, les forces nationales yéménites ont repoussé plusieurs attaques et infligé des pertes et des revers à la coalition, et avancé en profondeur dans les villes frontalières (Jizane, Assir, Nejran) grâce à leurs missiles, qui peuvent atteindre les autres villes saoudiennes : Riyadh et Djeddah.

Cette force de missiles a prouvé sa capacité la semaine dernière, dans le détroit de Bab el-Mandeb, source des convoitises, notamment des Emirats arabes unis qui occupent une partie du sud du Yémen, en détruisant pour la première fois un navire de guerre, le destroyer émirati Swift et tuant 22 de ses marins. Sanaa considère cette présence comme une violation de sa souveraineté nationale et une menace pour la navigation internationale dans la mer Rouge et le golfe d’Aden.

C’est dans ce climat de regain d’action militaire et de difficultés économiques du royaume saoudien qui l’ont poussé à couper les vivres au gouvernement Hadi, son allié, que l’envoyé spécial de l’ONU, Ismail Ould Cheikh Ahmed, a repris langue avec les parties en conflit en vue de renouer les fils du dialogue et parvenir à un accord de paix. Mais le massacre de ce samedi risque de tout remettre en cause !

Ould Cheikh Ahmed avait annoncé le 7 octobre à Mascate (Oman), où il a rencontré la délégation de Sanaa, que «dans deux semaines, un véritable plan de paix de l’ONU pour parvenir à une paix complète et globale» serait fin prêt, qu’un accord pour une trêve de 72 heures avait été conclu et qu’un cessez-le-feu pourrait être annoncé au cours des prochains jours. Mais le carnage de ce samedi a pris de court Ould Cheikh qui a eu à souligner sur sa page Tweeter que «le ciblage d’une salle de deuil à Sanaa contredit aux lois internationales» et que les auteurs doivent être punis, soulignant «la nécessité de mettre fin à la guerre dans le pays dès que possible».

Le front anti-saoudien s’élargit

Même Washington a indiqué qu’il pourrait réviser son soutien à Riyadh. «La coopération sécuritaire avec l’Arabie Saoudite n’est pas un chèque en blanc», a déclaré Ned Price, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche. «Au vu des raids de samedi et d’autres incidents, nous avons débuté un examen immédiat de notre soutien, déjà fortement réduit, à la coalition emmenée par l’Arabie Saoudite au Yémen», a-t-il dit.

La réaction du peuple yéménite ne s’est pas fait attendre. Ils étaient des milliers à protester ce dimanche devant le bureau de l’ONU à Sanaa contre le carnage en scandant  «Mort aux Al-Saoud» et exigeant la fin de leur offensive au Yémen. «Après ce massacre, nous sommes plus déterminés à affronter les agresseurs», a martelé Mohamed Ali Al-Houthi, du mouvement Ansar Allah. «Ouvrez les fronts (de guerre) avec l’ennemi saoudien !», «Ouvrez les centres de formation (militaire) !», a-t-il lancé à la foule en colère.

Selon une source yéménite informée, la tribu des Khowlan, à laquelle appartient le ministre de l’Intérieur, un proche du Congrès populaire général de l’ex-président Ali Abdallah Salah a annoncé que 10 000 hommes allaient rejoindre sur le champ les rangs de l’armée yéménite pour combattre aux frontières avec l’Arabie Saoudite, mouvement qui risque de s’élargir.

Le massacre de la salle Al-Rowaishan marque ainsi un tournant dans la radicalisation du conflit armé au Yémen, pouvant faire pression sur l’Arabie Saoudite pour arrêter la guerre contre son voisin le Yémen ou prendre encore le risque de prolonger les pertes en vies humaines des deux côtés, mais aussi le risque pour les Al-Saoud de perdre leur trône, déjà chancelant.

Houria Aït Kaci
Ancienne directrice de l’agence de presse AAI

Comment (8)

    L'ivraie de l'Arabie
    12 octobre 2016 - 19 h 04 min

    La monarchie saoudite a fait
    La monarchie saoudite a fait une Omra ou un hadj ? L’Islam à l’envers, même Israël ne fait pas de tels cartons !
    C’est l’Arabie Heureuse ! La colère divine est scientifiquement compréhensible, L’Arabie Heureuse s’en prépare les conditions, et La Monarchie s’évaporera… Ibn Khaldoune l » a dit « Idha 3ouribate khouribate ».

    SLIMANE DZ
    12 octobre 2016 - 14 h 39 min

    les saoudiens incapable d
    les saoudiens incapable d’affronter l’Iran face a face , sont allez déverser toute leur haines et leur faiblesses sur les pauvres malheureux du Yémen , cela fait presque plus d’une année qu’ils sont en train de massacrer les yemenites , bombardement sans fin -embargo de nourriture et médicament sur le pays -creation d’une guerre civil entre le peuple- division entre ethnie chiite et sunites et cela bien sur avec armement et complicite US ; ou sont l ‘onu la france et leur conseil de securite ou sont les droits de l’homme ; pire chez les pays arabes et musulman , il n’y a eu aucune denonciation d’aucun imam ou politique que se soit al a mecque ou a nouakchout eux qui d’habitude hurlent dans les rues et brulent les drapeau us au moidre evenement ; le silence dans des cas pareil et punis par dieux et par la loi.

    QUI ?
    12 octobre 2016 - 10 h 06 min

    qui peut devant tel constat ,
    qui peut devant tel constat , nier la guerre des saouds ( wahabites ) contre des musulmans chiites du yemen ?
    saoud & Co , go to hell !

    RsElHanout
    12 octobre 2016 - 8 h 42 min

    Le peuple du Sahara
    Le peuple du Sahara occidental doit agir de la meme facon que le peuple du Yemen s’il veut vraiment acquerir son independance, a savoir porter la guerre au coeur du pays de l’ennemi.

    MOMO
    11 octobre 2016 - 19 h 18 min

    DES ARABES QUI TUE DES ARABES
    DES ARABES QUI TUE DES ARABES .BANDES D ASSASSINS SEOUDIENS .ALLEZ VOUS FROTER AU IRANIENS OU A ISRAEL BANDES DE PEUREUX CRIMINELS .

    Lghoul
    11 octobre 2016 - 9 h 51 min

    Mais c’est juste en « frères »
    Mais c’est juste en « frères » qu’ils s’amusent et s’entretuent diront les khorotos.
    Ils sont juste en train de se chatouiller et c’est tout.
    Tant que ne sont pas les « sionistes » qui massacrent , tout est halal meme se pignarder dans le Coeur soi-meme.
    Tient, on peut meme haliser le crime par une simple fatwa.
    La deriniere fatwa des sanguinaires de l’IS est une fatwa contre les CHATS. Oui je vous assure qu’ils ont fait sortir une fatwa pour éliminer tous les chats en Syrie !

    SMCO
    10 octobre 2016 - 17 h 29 min

    Ce n’est pas seulement l
    Ce n’est pas seulement l’Algerie, mais le monde entier devrait s’indigner de ce massacre commis par une monarchie ténébreuse.

    Mohamed El Maadi
    10 octobre 2016 - 13 h 00 min

    L ‘Algerie doit condamner
    L ‘Algerie doit condamner avec force ce massacre et demander a l’ONU de mener une enquete.
    C’est un devoir moral de le faire.Il en va de notre crédibilité et egalement de notre lutte contre l’occupant .Sinon a quoi cela sert de s’elever contre le massacre des israeliens et nous taire devant les actes criminelle de l’arabie saoudite.
    Le monde entier verra notre hypocrisie.

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