Institutions et bonne gouvernance

Par Abderrahmane Mebtoul – Du point de vue historique, le concept de contrat et de bonne gouvernance a évolué, il a été évoqué par Aristote, mais a été formalisé il y a plus d’un demi-siècle par les économistes américains, dont Ronald Coase, en 1937 dans «The Nature of the firm» dans lequel il explique que la firme émerge, car ses modes de coordination interne permettent de réduire les coûts de transaction que génère le marché.
Cette théorie, redécouverte dans les années 70 par les économistes institutionnalistes, et en particulier par Olivier Williamson, débouche sur des travaux qui définissent la gouvernance comme les dispositifs mis en œuvre par la firme pour mener des coordinations efficaces qui relèvent de deux registres : protocoles internes lorsque la firme est intégrée (hiérarchie) ou contrats, partenariat, usage de normes lorsqu’elle s’ouvre à des sous-traitants. Cette analyse approfondit celle du fondateur de la nouvelle économie institutionnelle (NEI), ayant comme chef de file Douglass North.

Ce dernier a démontré que les institutions ont un rôle très important dans la société déterminant la structure fondamentale des échanges humains, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques, et qu’elles constituent un des facteurs déterminants de la croissance économique de long terme, le terme d’institution désignant «les règles formelles et informelles qui régissent les interactions humaines», et aussi comme «les règles du jeu» qui façonnent les comportements humains dans une société. D’où l’importance des institutions pour comprendre la coopération sociale, comment contrôler la coopération des différents agents économiques et faire respecter le contrat de coopération.

Parce qu’il est coûteux de coopérer sur le marché, il est souvent plus économique de coopérer au sein d’une organisation. C’est là l’apport fondamental de Ronald Coase et de Williamson qui permet de comprendre comment émerge le phénomène de la firme qui intègre une série d’activités de manière hiérarchique, économise les coûts de transactions par rapport au marché, tenant compte bien entendu des coûts d’organisation. D’où la nécessité de l’analyse de la gouvernance des contrats au sein de la firme pour faire en sorte que la coopération au sein de la firme soit la meilleure possible.
La structure de gouvernance fait alors référence à la rationalité limitée, l’incomplétude des contrats, mais aussi à la spécificité de certains actifs (non substituables donc), et prend en compte la nécessité d’adapter les organisations. En plus de cette analyse, en introduisant l’importance de la confiance et du «capital social» comme ciment de la coopération, Elinor Ostrom a fait progresser également la gouvernance environnementale.

Dans le sens de plus de décentralisation : implication des acteurs locaux dans la mise en place de la règle, reconnaissance de l’évolution des pratiques et des traditions, méfiance à l’égard des solutions toutes faites imposées de l’extérieur par une réglementation autoritaire alors que la diversité institutionnelle est nécessaire pour comprendre la complexité de notre monde.
Comme suite logique de ces importantes découvertes théoriques, sur le plan opérationnel, l’analyse des liens entre gouvernance et institutions a fait un grand progrès par la mise en relief de l’importance de la révolution dans le système des télécommunications (les nouvelles technologies, dont internet et intranet) et l’intelligence économique, mais avec des visions différentes. C’est que les mutations que connaît l’économie mondiale ont leur équivalent dans le domaine de l’information et de la communication.

Elles ont une répercussion fondamentale sur la bonne gouvernance, sur l’urgence du renouveau du mode d’enseignement, sur tous les mécanismes de gestion tant centrale que locale des institutions et des entreprises : passage de l’organisation hiérarchique dite militaire, puis à l’organisation divisionnelle, puis matricielle et récemment à l’organisation en réseaux, ces organisations cohabitant souvent dans un même espace, mais avec le déclin des anciennes organisations classiques, s’adaptant aux nouvelles mutations économiques du passage de l’ère de la matérialité du XXe siècle à l’ère de l’immatérialité ère du XXIe siècle.

En effet, on observe aujourd’hui une métamorphose complète du paysage médiatique mondial qui est due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l’essor exceptionnel du capitalisme financier et la «révolution numérique» qui a donné aux technologies de l’information et de la communication un essor non moins exceptionnel. Ces nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) changent donc profondément la vie au quotidien des citoyens, le fonctionnement des entreprises, de l’Etat. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables.

Récemment, sous l’impulsion de la révolution du nouveau système d’information, a été réalisée une synthèse de de différentes approches où est mis en relief l’importance de l’intelligence économique et sociale impliquant que la gouvernance requiert pour efficacité, un système d’intelligence stratégique politique reposant sur la décentralisation qui doit permettre, en principe, de combattre l’inefficacité de la gestion centralisée et de faciliter l’engagement citoyen dans le fonctionnement du pays dans une approche de recherche de l’optimalité.

Cette approche plus anthropologique et historique qu’économique ou juridique insiste sur le fait que la gouvernance n’est pas une préoccupation récente, comme on le croit généralement. C’est même là un problème ancien et important, puisque toutes les sociétés ont dû et doivent trouver une organisation et un fonctionnement qui assurent leur reproduction. L’ensemble de ces découvertes théoriques a largement contribué à mieux cerner la bonne gouvernance.

A. M.

Comment (10)

    PLANETE ALAGERIE!
    16 octobre 2016 - 11 h 34 min

    Nous avons l impresion que si
    Nous avons l impresion que si Mebtoul navigue dans une autre planete et l invitons a mettre son cap sur l orbitre algerien! Monsieur mebtoul sait que nous avons un ORDRE NATIONAL DES MEDECINS mais il sait aussi que la politique de sante se fait peut etre sans lui(du moins a voir l etat actuel de notre systeme de sante et le poids de cet ordre qui ne se prononce pas sur grand chose meme pas sur l aptitude reelle ou supposee a activer!!) Monsieur Mebtoul sait aussi que nous avons un FCE par wilaya et il sait aussi que cet FCE N A AUCUN POIDS SUR LE MARCHE DANS LA MESURE OU LA VACHE LAITIERE C EST L ETAT ET QU IL NE FAIT QUE TETER OU ASPIRER C EST SELON!!! dans cette « organisation du non sens  » peut ont raisonnablement parler d eco-energie..d un concept d habitat algerien avec des materiaux adapte a nos moyens et a notre pays et au respect de l environnement! LE nouveau modele dont on parle peut il au moins nous devoiler les projections de la filiere cereales? DE LA FILIERE LAIT ET ALIMENT DU BETAIL? …..

    Anonymous
    14 octobre 2016 - 11 h 11 min

    Voici un exemple flagrant de
    Voici un exemple flagrant de mauvaise gouvernance ayant un impact particulièrement négatif sur le développement économique de notre pays : Le ministère de l’industrie de Bouchouareb a été sollicité pour le développement de l’industrie d’un produit de construction inscrit dans la filière du béton léger et aux qualités isolantes remarquables. Il lui a été répondu que ce travail échoit au ministère de l’Habitat. Alors d’où vient que les briqueteries sont sous tutelle du ministère de l’Industrie et non du ministère de l’Habitat? Sans doute parce que des responsables ont intérêt à protéger le monopole de fait de la brique et ne trouvent aucun intérêt personnel à développer d’autres filières plus compétitives. Quand on sait, par ailleurs, que le coût de l’énergie nécessaire pour fabriquer une brique représente 30 % du coût HT de ce produit et que les briquetiers n’honorent pas les factures de gaz consommé dans leurs fours, sachant que l’Etat providence dédommage SONELGAZ sous forme de subventions versées annuellement, on mesure l’abîme qui sépare la « bonne gouvernance » telle que décrite dans cet article et la triste et dure réalité dont souffrent le peuple algérien et ses valeureux patriotes

    Anonymous
    14 octobre 2016 - 9 h 06 min

    que vient tu faire sur un
    que vient tu faire sur un site algerien Monsieur Boutboul?

    Anonymous
    13 octobre 2016 - 19 h 59 min

    En fait de « bonne
    En fait de « bonne gouvernance », nos institutions sont plutôt enclintes à se complaire dans la « mauvaise gouvernance ». Ainsi par exemple, la nouvelle loi de finances 2017 illustre l’absence totale de prise de conscience du besoin impératif de diversifier nos industries, notamment dans celle du Bâtiment, et partant, de rendre notre économie moins vulnérable à la baisse du prix du pétrole. Il est à craindre, dans ces conditions, que le Programme National d’Efficacité Energétique (P.N.E.E) de 100.000 logements/an qui devait être lancé dès cette année ne soit reporté à une date ultérieure, et ce, en dépit de son urgence absolue et du fait que ce programme aurait pu être réalisé sans apport extérieur tout en permettant de réduire les consommations d’énergie et le coût final des logements par le biais d’une diversification des matériaux et les techniques de construction adaptée à nos propres ressources.

    Anonymous
    13 octobre 2016 - 11 h 34 min

    Dans les circonstances
    Dans les circonstances actuelles, la bonne gouvernance consiste d’abord et avant tout à donner l’exemple sur le plan moral, car il n’échappe à personne que le comportement des gouvernés dépend dans une large mesure de celui des gouvernants. Quand on voit un ministre qui détourne des fonds publics à coups de millions de dollars pour les planquer dans les banques offshore de Panama, et qu’aucun autre gouvernant ne daigne s’indigner d’un comportement aussi excessif, on peut conclure sans hésiter que la gouvernance en Algérie est non seulement mauvaise mais insupportable. Male Bennabi avait écrit, à propos d’une disposition du droit musulman censée régir les rapports entre gouvernants et gouvernés : « Le citoyen doit ouïe et obéissance. Mais il refuse d’ouïr et d’obéir dès qu’il constate une dérogation chez l’homme du pouvoir. A ses yeux, le rapport de réciprocité est alors rompu et ne l’engage plus ». Mais hélas, l’illustre écrivain algérien ne dit pas ce qu’on doit faire dans le cas où nos gouvernants parviennent à endormir le peuple en le soudoyant à l’aide de « subventions » et autres pot-de-vin vin qui ne disent pas leur nom. Espérons néanmoins que la crise pétrolière va empêcher les traitres qui nous gouvernent de poursuivre leur politique de corruption du peuple.

    besbes
    13 octobre 2016 - 1 h 06 min

    Je crois que la vraie
    Je crois que la vraie moralite (de ce deballage de connaissances copiees dans les publications sur les economies mondiales) est que tout ceci n’est que phraseologie vaine..Car repeter (tel un perroquet ) ce que tous le monde sait depuis des lustres est inutile…point final..

    Ahmed
    12 octobre 2016 - 20 h 43 min

    On peut très bien faire l
    On peut très bien faire l’archéologie de ce qu’on appelle la bonne gouvernante et en démonter les soubassements politiques et idéologiques, comme vous tentez (maladroitement) de le faire.

    Pour autant, il faut éviter de sombrer dans l’approximation, les envolées folkloriques et la caricature comme lorsque vous dites que l’économie du savoir et l’intelligence économique sont des « notions ».

    Ou que le concert de marché est utilisé pour mieux cacher la réalité du capitalisme alors que le capitalisme n’a jamais cherché à cacher sa victoire, évoquant même dès les années 1990 avec Francis Fukuyama la « fin de l’histoire » et qu’aujourd’hui aucune économie au monde n’échappe au marché et que les plus grands fervents du capitalisme sont les anciennes populations vivant sous le socialisme – Russie et anciennes républiques soviétiques, anciens satellites soviétiques comme la Hongrie, la Pologne ou l’Albanie, la Chine, le Vietnam, etc.

    Ou encore que les « rapports rentiers » sont des rapports « pré-capitalistes ».

    Un chouia de sérieux et de tenue tout de même.. Ou peut-être faites-vous de l’humour ?

      Abou Stroff
      13 octobre 2016 - 9 h 45 min

      si vous vous adressez à mon
      si vous vous adressez à mon auguste personne, permettez moi de vous indiquer que vous êtes complètement à côté de la plaque. car, pour me comprendre il vous faudra d’abord lire et relire K. Marx. sinon, vous risquez d’être toujours hors jeu malgré votre apparente suffisance.

        Ahmed
        13 octobre 2016 - 13 h 24 min

        Accuser les autres de
        Accuser les autres de « suffisance » parce qu’ils remettent en cause votre démonstration et s’adresser ensuite à soi-même comme « auguste personne » est à l’image de votre raisonnement, c’est-à-dire un raisonnement foireux et bancal.
        Et considérant votre fétichisation de Marx – qui en dépit de la puissance de son analyse du système capitaliste a eu tout faux par la suite – quel est donc le pays imaginaire où il n’existe pas d’économie de marché aujourd’hui. Lorsque vous l’aurez trouvé, partagez donc votre découverte avec nous. L’autre solution serait de nous ramener aux sociétés dites primitives fonctionnant sur le troc. Mais pour cela, il vous faudrait trouver une machine à remonter le temps. Ca viendra probablement avec es progrès de la physique quantique !

    Abou Stroff
    12 octobre 2016 - 10 h 23 min

    devant la faillite de l
    devant la faillite de l’économie orthodoxe (ce que les anglo-saxons appellent « mainstream economics »), les idéologues bourgeois développent de nouvelles notions (du genre bonne gouvernance, économie du savoir, système d’information, intelligence économique, etc) pour essayer d’occuper un « terrain » qui ne se plie guère à leurs modèles aussi réels qu’un cercle carré (pour ne pas dire à leur fantasmes aussi puérils que la présentation succincte qu’en fait le professeur et expert international A. M.). pourtant, il suffit de reconnaitre que le système capitaliste (que les idéologues bourgeois désignent, pour cacher sa vraie nature, d' »économie de marché »-!!!???-) repose sur l’exploitation de l’homme par l’homme et que les rapports sociaux qui supportent cette exploitation forment l’ossature et l’essence de ce système. par conséquent, parler de bonne gouvernance dans le cadre de rapports sociaux capitalistes ne signifie pas autre chose que de réfléchir à la meilleure manière de valoriser la valeur (à travers l’exploitation de la force de travail) sans qu’il y ait une remise en cause du système en tant que tel. moralité de l’histoire: ce débat ne concerne guère l’algérie où les rapports sociaux dominants ne sont pas des rapports capitalistes mais des rapports rentiers (qu’on peut considérer comme des rapports pré ou proto-capitalistes) qui impriment une configuration particulière à la formation sociale algérienne. Si la dernière proposition est juste, ne peut on pas dire que parler ce bonne gouvernance en algérie relève d’une pratique onanique qui ne dit pas son nom ?

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