Défaite en Syrie, attentats meurtriers, lâchage par l’Occident : Erdogan joue et perd
Le rangement tardif de la Turquie du côté de la Russie dans la guerre en Syrie, après que l’armée syrienne a balayé les terroristes soutenus par l’Occident à Alep, suffira-t-il à Erdogan pour sauver son régime chancelant ? Rien n’est moins sûr. La multiplication des attentats, après les nombreuses épreuves vécues par les Turcs, ne fait qu’aggraver la situation dans ce pays qui avançait à grands pas, n’eût été l’aveuglement politique du président islamiste Tayyip Recep Erdogan qui a ouvert plusieurs fronts sans qu’il ait les moyens de sa politique. L’image utopique d’un leader de l’AKP qui avait, un temps, servi d’exemple à l’Occident en tant qu’«islamiste modéré» capable d’allier régime théocratique et démocratie, s’est vite estompée lorsqu’Erdogan a tombé le masque et révélé la vraie nature de son régime dictatorial.
L’attentat meurtrier qui a fait plusieurs dizaines de morts dans la nuit du Nouvel An à Istanbul, dans une discothèque, sera-t-il l’élément déclencheur qui fera se soulever le peuple turc contre le gouvernement de plus en plus oppressif d’Erdogan et de son parti ? Les réactions intempestives et violentes d’Erdogan depuis le coup d’Etat raté ont fini par harasser l’élite turque qui se voit, depuis cette tentative de putsch, victime d’une véritable chasse aux sorcières. Des milliers d’éléments de l’armée et des autres forces de sécurité ont été jetés en prison sans aucune preuve de leur implication dans le coup d’Etat, et des journalistes sont malmenés dès lors qu’ils dénoncent la dérive absolutiste et despotique du sultan d’Ankara.
Les Turcs sont pris en sandwich entre l’oppression d’un régime qui panique et la menace terroriste de plus en plus manifeste et qui ira crescendo. Une situation périlleuse aggravée par les tâtonnements politiques d’Ankara qui ne sait plus dans quel sens diriger sa politique extérieure depuis que l’Union européenne a définitivement fermé la porte devant une hypothétique adhésion de la Turquie à cet ensemble lui-même menacé d’implosion. Plus grave, la chute des faucons pro-sionistes lors de la dernière présidentielle américaine et l’avènement de Donald Trump à la Maison-Blanche a achevé d’isoler le régime turc. Les dernières décisions de l’establishment américain à l’égard de l’Arabie Saoudite sont un signe qui ne trompe pas sur le futur mouvementé qui attend ces deux alliés (Ankara et Riyad) qui ont tout misé sur une transformation en profondeur du Moyen-Orient qui eût accentué leur hégémonie avec l’aide des Etats-Unis et de leurs vassaux européens.
Mais les choses ne se sont pas passées comme prévue en Syrie. L’intervention militaire de la Russie a faussé tous les calculs et la défaite des groupes islamistes armés dans ce pays a renversé la donne, poussant les soutiens aux groupes armés en Syrie à se désengager les uns après les autres et à chercher un exutoire qui ne dévoile pas trop leur implication directe dans les atrocités commises par les groupes terroristes en Syrie sous la protection des services secrets de ces pays, dont les gouvernements se sont rendu coupables de graves crimes.
Le régime d’Ankara, qui a participé à la destruction de la Syrie et de nombreux autres pays arabes avec zèle, sera le plus impacté par le retour de flamme. Sa situation géographique en tant que point de jonction entre le Moyen-Orient et l’Europe et la présence de millions de réfugiés syriens sur le sol turc en font le pays le plus exposé à la menace terroriste et à l’instabilité intérieure.
Les jours d’Erdogan semblent comptés et son appel du pied à la Russie n’y changera rien. Moscou œuvre à sauvegarder ses intérêts et ne se souciera guère de ce que son interlocuteur s’appelle Erdogan, Evren ou Gulen…
Karim Bouali
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