Exclusif – Le producteur-réalisateur du documentaire «Le Sabre et la Kalachnikov» se confie à Algeriepatriotique

Djelloul Beghoura. D. R.

«En donnant des clés de compréhension qui montrent que la matrice du terrorisme ce sont l’idéologie et les objectifs des mouvements fondamentalistes, le documentaire comble un vide face à l’incompréhension et à la sidération de l’opinion en France et dans le monde», affirme Djelloul Beghoura, producteur et réalisateur du documentaire sur la décennie noire en Algérie, diffusé sur France 2 et TV5 Monde, dans l’interview exclusive qu’il a accordée à notre site.

Algeriepatriotique : Votre documentaire Le Sabre et la Kalachnikov coïncide avec une recrudescence du terrorisme islamiste en Europe. Quel est l’objectif de ce travail de recherche ?

Djelloul Beghoura : Les attentats que vous citez, au-delà de l’émotion légitime qu’ils ont soulevée dans les opinions publiques, ont déclenché une déferlante médiatique sans précédent en France et en Europe, avec ses excès, ses amalgames et ses raccourcis insupportables entre islam et violence, islam et terrorisme, islam et barbarie. Vous-même, dans votre question, vous utilisez le terme «terrorisme islamiste». Il ne faut pas oublier que, depuis longtemps, le terrorisme qui sévit dans le monde, surtout au Proche-Orient, en Afghanistan, dans le Sahel et dont les premières victimes sont les musulmans, n’est pas «islamiste». Il est l’expression d’une idéologie politique totalitaire, le salafisme, qui instrumentalise l’islam, avec comme objectif la conquête du pouvoir. Il était évident que, devant cette actualité tragique qui associe l’islam à la violence et au terrorisme, nous ne pouvions rester spectateurs.

Nous avions prévu de traiter des thèmes d’actualité dans le cadre de la programmation de l’émission de France 2. Le documentaire répond à cette volonté d’être à l’écoute de l’actualité, tout en ayant du recul et en prenant de la hauteur. L’objectif est donc de sortir des simplifications liées à l’actualité pour remonter aux sources de cette doctrine qui a dévoyé le message de l’islam, de décrypter sa stratégie et ses objectifs. Nous avons également réalisé une émission spéciale diffusée le 31 juillet 2016 après l’attentat de Nice, le 14 juillet, et l’assassinat d’un prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray.

Je pense qu’en donnant des clés de compréhension qui montrent que la matrice du terrorisme ce sont l’idéologie et les objectifs des mouvements fondamentalistes, le documentaire comble un vide face à l’incompréhension et à la sidération de l’opinion en France et dans le monde, après les attentats meurtriers en 2015 et 2016. En dehors de France 2, TV5 Monde s’est intéressée au projet dès le début. Le fait que la chaîne internationale programme le documentaire en multidiffusion dans le monde entier, depuis le 4 janvier jusqu’au 20 janvier, va donner une résonnance encore plus importante au documentaire.

Le documentaire rejoint celui réalisé il y a quelques années par feu Malik Aït Aoudia et Séverine Labat et corrige certaines contrevérités propagées par les zélateurs du «qui tue qui». Comment ce documentaire a-t-il été perçu en France ?

Dans un des chapitres du documentaire intitulé A l’assaut du pouvoir, le documentaire revient sur ce qu’on appelle «la décennie noire» en Algérie. Il replace la tragédie qui a frappé le pays dans un processus historique plus large, la stratégie de prise de pouvoir par le fondamentalisme religieux dans les pays musulmans. Le signal a été donné par la victoire de l’Ayatollah Khomeiny en Iran en 1979. Cette victoire, même si elle s’est déroulée dans un pays chiite, a galvanisé les mouvements fondamentalistes dans les pays musulmans.

En Algérie, le mouvement fondamentaliste qui a déjà pénétré la société a commencé à montrer sa force au début des années 1980. L’explosion démocratique d’Octobre 88 a ouvert une brèche dans laquelle le Front islamique du salut (FIS) s’est engouffré, en utilisant la même stratégie que celle des mollahs iraniens pour monter à l’assaut du pouvoir. On connaît la suite de l’histoire. La promesse démocratique d’Octobre 88 a enfanté d’une tragédie de dix ans.

Pour ce qui est des théories sur «qui tue qui» et sur le combat contre le terrorisme, l’histoire jugera sur les faits. Et les faits parlent d’eux-mêmes. Le documentaire le montre, en mettant en parallèle ce qui se passe aujourd’hui dans le monde avec les talibans, Daech, les attentats, la barbarie terroriste et ce qui s’est passé en Algérie. L’une des personnalités qui s’expriment dans le documentaire, William B. Quandt, un ancien membre du Conseil de sécurité des Etats-Unis, dit que ce qu’on appelle le «printemps arabe» a commencé en Algérie. Je crois qu’il a raison.

En replaçant l’histoire de cette tragédie dans une perspective géopolitique globale, on comprend mieux pourquoi et comment l’Algérie a failli basculer dans la «dawla islamiya», l’«Etat islamique», et on perçoit mieux la nature du combat mené par le peuple et l’armée algériens contre le terrorisme international, un combat qui démontre, aujourd’hui plus que jamais, à quel point il est nécessaire.

Vous avez interviewé des personnalités ayant été directement impliquées dans les événements qui ont ensanglanté l’Algérie dans les années 1990. Sur quelle base s’est fait le choix de ces intervenants ?

Toutes les personnalités qui se sont exprimées dans le documentaire sont des personnalités connues et reconnues. Que ce soit les acteurs de l’histoire, les spécialistes ou les chercheurs, nous avons souhaité la participation de personnalités de premier plan. Le thème abordé et le contexte dans lequel le documentaire a été réalisé nous imposaient ce parti-pris. Ceci était aussi valable pour le chapitre sur l’Algérie. Les quatre personnalités qui se sont exprimées ont été des acteurs majeurs de l’histoire de la tragédie des années 1990-2000.

Je crois que leurs témoignages, en particulier ceux du général Touati et de Ali Haroun, apportent un éclairage inédit sur une période cruciale de l’histoire de l’Algérie, celle de l’arrêt du processus électoral de janvier 1992 et ses conséquences. Nous aurions souhaité avoir le point de vue d’un dirigeant du FIS important, en l’occurrence Ali Belhadj, qui vit en Algérie. Nous l’avons approché par son entourage pour le rencontrer et discuter d’une interview éventuelle. Il n’a pas donné suite à notre demande.

Experts militaires et officiers du renseignement s’accordent à dire que les dirigeants politiques sont quelque part responsables de la propagation du terrorisme en Europe, car ils ont refusé de prendre en considération leurs mises en garde. Etes-vous du même avis ?

Il est évident qu’en Occident, le danger que représentent les mouvements fondamentalistes a été sous-estimé. Beaucoup de militants et de dirigeants de ces mouvements ont été accueillis à bras ouverts dans les années 1990 en France, en Belgique, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et Londres, appelé «Londonistan». Il est d’ailleurs curieux que pour combattre les «apostats» et les régimes dictatoriaux, les pourfendeurs des «kouffar», des mécréants de l’Occident impie ne vont pas s’exiler ni se réfugier en Arabie Saoudite ; ils se mettent sous l’aile protectrice de ces «kouffar» et de ces mécréants.

Aujourd’hui, il y a une prise de conscience en Occident, y compris chez les politiques et dans les cercles qui, parfois de bonne foi, ont été complices de la propagation des thèses des mouvements fondamentalistes.

L’opinion publique française, et plus généralement occidentale, arrive-t-elle à séparer l’islam de la violence islamiste ?

Même si les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont marqué les consciences, l’opinion publique en France et en Occident n’était pas obsédée par l’islam, tant que le terrorisme était un phénomène interne aux pays musulmans et tant qu’il touchait principalement des victimes musulmanes. Pendant les années noires, l’Algérie a connu cette solitude dans le malheur.

Depuis les attentats en France, en Belgique et encore ces derniers jours en Allemagne, l’islam est devenu une source de débat pour la majorité des commentateurs, d’inquiétudes pour certains et de rejet pour une frange islamophobe de l’opinion. Il ne faut pas se voiler la face, un sentiment d’hostilité sourde taraude une frange de la société, et la peur des attentats nourrit ce sentiment. Surtout qu’il y a, en France et ailleurs, quelques pyromanes pour alimenter les peurs en associant l’islam à la violence et au terrorisme.

Les médias français ont-ils eux aussi joué un rôle négatif dans le traitement de la question du terrorisme, selon vous ?

Je crois qu’il ne faut pas généraliser. Comme dans tous les pays, il y a en France des médias qui font bien leur métier, qui résistent aux pressions, qu’elles soient économiques ou politiques, qui respectent leurs lecteurs, leurs auditeurs ou leurs téléspectateurs. Il y a aussi des médias qui jouent le jeu dangereux de la surenchère et des amalgames, surtout à propos de l’islam. L’islam qui, au passage, est devenu un filon éditorial et médiatique. Il n’y a pas un jour en France où il n’y a pas un nouvel ouvrage sur tous les avatars qu’on colle à l’islam : l’islamisme, le terrorisme, le djihadisme, le salafisme…

Depuis les attentats de janvier 2015, on assiste à la naissance d’une flopée de spécialistes de l’islam, d’islamologues, de théologiens, d’exégètes… Même Eric Zemmour s’est autoproclamé «exégète» du Coran ! Et je ne parle pas de toutes les absurdités et de toutes les dérives qui circulent sur la Toile. Je crois qu’il faut garder la tête froide et prendre les médias français et les autres pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’on aimerait qu’ils soient.

L’islam, je dirais l’islamité, parce que l’islam n’est pas qu’une religion, avec un dogme et un rituel, c’est aussi plus de quatorze siècles d’histoire et de civilisation, c’est 1,5 milliard de fidèles à travers le monde, c’est un message, une spiritualité et des valeurs. Et ce ne sont pas quelques illuminés enfermés dans la vision mythifiée d’un islam fossilisé dans les sables du désert d’Arabie qui vont effacer cette vérité.

Interview réalisée par Mohamed El-Ghazi

Comment (10)

    Medi
    7 janvier 2017 - 22 h 16 min

    Wahoo !

    Wahoo !
    Je n’ai pas reconnu immédiatement ce visage. C’est grâce au nom qui a marque ma jeunesse
    avec l’émission Mosaique.
    Djelloul Beghoura présentait cette émission de divertissement et d’informations des immigrés des pays du Maghreb qui passait tous les dimanches matin sur FR3.
    Je me souviens également l’avoir vu dans un film.
    C’est avec une certaine émotion que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaitre que je le retrouve ici.

    SABRINA BOUCHERIT
    6 janvier 2017 - 10 h 24 min

    JE PENSE QUE LE
    JE PENSE QUE LE DOCUMENTAIRE DE QUALITE QUE NOUS AVONS EU HIER ET LE 04 JANVIER MERITE DES COMMENTAIRES A LA HAUTEUR DE SA REALISATION. AUSSI QUE CEUX QUI N’ONT RIEN A DIRE NOUS EPARGNENT LEURS DEBILITES. J’EN APPELLE A LA VIGILANCE DES MODERATEURS. SABRINA

    Benhabra brahim
    6 janvier 2017 - 2 h 03 min

    C est la meme attitude
    C est la meme attitude aujourdh ui de la presse occidentale et principalement francaise .En 90 pour l Algerie c etait l armee qui avait fait un coup d etat militaire??!!…tiens donc alors qu en fait c etait les islamiste qui avait reussi un coup d etat « civil ».Aujourd hui pourquoi n avez vous pas remarquer que toute la presse francaise ,a l unanimite parle de « l armee de B El ssad »……………………………,et non de L armee syrienne??!!…Ces francais sont d une etroitesse d esprit inqualifiable car pour eux il s imagine que cela est comparable a …………………………………………….la guerre civil d Espagne(1936…..1939).Sauf que cette fois ci ni les tenants ni les aboutissants ne sont les meme.Allez leur faire comprendre……………..alhamdouliallah les algeriens avons un dicton!!…….elli karssou lahnech??!!….ikhaf(se mefie) ma tarfa.

    Gavroche Algérien
    5 janvier 2017 - 20 h 39 min

    A Anonymous (non vérifié) 05
    A Anonymous (non vérifié) 05 Jan 2017 – 20:27, le gros lâche qui n’ose même se signer par son pseudo, je dis ce qui suit: Les Amazigh ont été arabisé par l’Islam, certains Algériens ont su gardé leurs langues ancestrales, d’autres l’ont perdu en s’arabisant. Gros couillon que tu es, c’est le genre de personne comme toi qui pollue le cerveau des algériens. Tu es certainement un inculte raciste, voir fasciste et voir parmi ceux qui ont cassé ces derniers jours Mais la richesse d’un pays c’est sa diversité, comme le disait notre défunt Kateb Yacine « Le français qui est notre butin de guerre » et cette langue fait aussi parti de la culture algérienne qu’on l veuille ou non. ALORS RETOURNE HIBERNER DANS TES FOSSILES.MOI je revendique toutes les identités de mon pays et j’en suis fier et je supportif de notre République et de ces évolutions même si elle est imparfaite avec ces défauts comme dont tu fais parti.

    Cheikh kebab
    5 janvier 2017 - 19 h 43 min

    Les islamistes sont les doit
    Les islamistes sont les doit disant musulmans qui utilisent politiquement l’islam a des fins de pouvoir,un islam selon leur interprétation,sacrée,figée,mais qu’ils veulent imposer au 21 eme siècle,tout en profitant des inventions des autres sans y avoir participé! Ils veulent vivre et nous faire vivre hors du temps,au moyen âge dans un monde de 2017! Ils ne savent rien faire en dehors de réciter des versets qu’ils ne comprennent pas. Ce qui m’a toujours interpelé c le concours de recitage du coran lors des soirées ramadan: des enfants récitent et sont récompensés selon leur voix,la récitation,mais sans comprendre ce qu’ils disent ou lisent,et sans leur expliquer!! Un exercice de récitation qui est en train de détruire notre système scolaire. On ne demande pas a l’enfant de comprendre,on lui demande de répéter,sans comprendre et sans chercher a comprendre!!

    MoskosDZ
    5 janvier 2017 - 18 h 53 min

    Toute personne normalement
    Toute personne normalement équilibrée rêve de conquérir le monde avec sa science,sa médecine,sa technologie,son savoir faire etc…à l’inverse,c’est par sa sauvagerie et son ignorance que la pègre islamiste cherche à le conquérir.

    zarzor
    5 janvier 2017 - 17 h 57 min

    @Djelloul Beghoura

    @Djelloul Beghoura
    « Et ce ne sont pas quelques illuminés enfermés dans la vision mythifiée d’un islam fossilisé dans les sables du désert d’Arabie qui vont effacer cette vérité. »

    L islam est seulement un ,normalement vous devriez le connaitre « ??
    Ou vous êtes avec, ou vous êtes contre !!
    Les deux a la fois ne fonctionnent pas .Pourquoi voulez vous nous dédouaner un autre ?
    apres toute ses ruines ?

    Gavroche Algérien
    5 janvier 2017 - 17 h 08 min

    En Algérie nous avons 3
    En Algérie nous avons 3 dangers que nous devons combattre et le devoir d’être vigilant: 1/bien-sur le fascisme islamiste MAIS aussi 2/ le Régionalisme fascisant de certains groupuscules et le dernier 3/ qui est l’extrême gauche fasciste. Même ossature politique et stratégie pour arriver au pouvoir. Compatriotes, soyons vigilants et unis car ces 3 idéologies peuvent nous amener à la désunion, la dictature dure, à la privation des libertés, aux reculs sociales et économique, en résumé à la destruction de l’Algérie et de notre culture diverses et variée qui fait la richesse de notre pays et de notre peuple Amazigh de culture Berbère, Arabe et Musulmane. Soyons sur nos gardes et nous nous laissons pas désinformer et manipuler.

      Anonymous
      5 janvier 2017 - 19 h 27 min

      Un peuple amazighe de culture
      Un peuple amazighe de culture arabe?

      C’est n’importe quoi, l’amazighité n’est pas de culture arabe, elle est amazighe africaine tout court, maintenant si pour toi être arabophone dialecte algérien s’entend, c’est de la culture arabe, tu fais fausse route, c’est cette idée reçue qui mène à la confusion totale des esprit. Un amazighe n’est pas de culture arabe, même si il s’exprime en « arabe » il a sa propre culture millénaire amazighe. L’islam n’est pas une culture, il n’est pas non plus arabe, il est universel, c’est une religion qui respecte toutes les cultures du monde et a sacralisé l’interdiction de non respecter les cultures et les couleurs des peuples. Il faut que le peuple algérien dans son ensemble intègre cette réalité dans son esprit. La culture riche amazighe millénaires du peuple algérien n’a rien à voir avec la culture arabe dans tous les domaines à commencer par les arts culinaires, vestimentaires, artistiques et j’en passe, nous n’avons rien à voir avec les arabe du Moyen Orient.

        Anonymous
        6 janvier 2017 - 9 h 38 min

        Oui cela existe, on appelle
        Oui cela existe, on appelle cela prépondérance de la civilisation du moment : arabe francisé, français américanisé, africain francophile, culture latine, culture espagnole etc…Les soudanais sont égyptiennes. Généralement ces double-cultures sont enrichissantes. Amazigh africaine cela existe aussi, il suffit d’aller faire un tour au Sahel : Mali, Niger. une tribu africaine de la Corne de l’Afrique prétend avoir pour ancêtre des berbères. Mais cela nous emmène très loin en arrière dans le temps. Il y a même des arabe enjuivés…Apprenons à écouter ce que disent les interviewés et à lire les pages de AP. Salutations à Djelloul de la part de l’Émir Abdelkader à Amboise.

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