Tamazight langue nationale et officielle : une avancée importante en 2016

La promotion de tamazight au rang de langue officielle dans la Constitution de février dernier, après avoir été consacrée langue nationale (art. 3 bis) à la faveur de la révision de la Constitution en 2002, aura été l’une des décisions politiques marquantes de l’année 2016. Le statut de langue nationale et officielle pour tamazight est «une avancée importante dans la mesure où elle donne une base juridique qui ouvre l’espace des possibilités de son développement», a indiqué à l’APS Mohand Ouamer Oussalem, enseignant à l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi-Ouzou et un des acteurs du printemps berbère (avril 1980). Un avis partagé par Abderrezak Dourari, directeur du Centre national pédagogique et linguistique de l’enseignement de tamazight (CNPLET), qui soutient que la promotion juridique et constitutionnelle de la langue amazighe au statut de langue nationale et officielle est un «pas immense dans la bonne voie».

Toutefois, les deux universitaires pensent que «beaucoup reste à faire» pour la concrétisation de cette décision qui «demeurera une avancée de jure et non pas de facto tant qu’une institution académique sérieuse n’aura pas mis en place l’effectivité progressive de cette décision constitutionnelle sur le terrain et que l’Etat national n’aura pas été mis en conformité avec la demande démocratique et citoyenne», estime M. Dourari. M. Oussalem relève qu’ «il ne faut pas que cette décision reste au plan du remède symbolique de cette revendication identitaire».

Concernant les outils de promotion de tamazight, la mise en place d’institutions pour sa promotion au rang de langue nationale et officielle est, selon M. Oussalem, une «bonne décision» à condition que celle-ci «dépasse les limites propres au fonctionnement administratif» et que les institutions mises en place «puissent engager un vrai travail de recherche scientifique (collecte, description…) sur lequel s’appuieraient des actions et des dispositifs qui permettraient à long terme la sauvegarde de cette langue».

Le directeur du CNPLET va lui aussi dans le même sens en soulignant la nécessité de la mise en place d’une «académie à fonctionnement scientifique, laquelle tient compte du cadre philosophique politique qui est celui de l’Etat algérien intégré et de la demande sociale (le marché des langues)». Ce professeur des universités en sciences du langage et en traductologie explique que dans le cas de la mise en place d’une académie relevant de la présidence de la République, le CNPLET, qui est une institution relevant du ministère de l’Enseignement supérieur à statut d’établissement public administratif (EPA) qui ne peut recruter des chercheurs, «pourra avec un statut amendé servir d’interface de pilotage de la mise en pratique des décisions de cette académie dans le domaine pédagogique au profit de l’amélioration de l’attractivité de l’enseignement de cette langue».

Consolider l’enseignement de tamazight

La consolidation de l’enseignement de tamazight et son amélioration sont d’autres aspects à prendre en charge afin d’assurer l’épanouissement de cette langue qui évolue dans «un contexte très difficile dû à la concurrence d’autres langues, notamment l’arabe et le français», estiment des universitaires et militants de cette cause. M. Dourari a observé que l’enseignement de tamazight, en dépit des «grands efforts méritoires» qui ont été fournis par l’actuelle équipe ministérielle en matière d’ouverture de postes et de classes à travers le territoire national, reste marqué par des «lacunes fondamentales, notamment concernant la(les) norme(s) à enseigner qui n’est pas faite et n’est pas pensée dans sa globalité».

En outre, la formation des enseignants de tamazight continue, relève-t-il, à «ne pas tenir compte de la réalité plurielle de cette langue». «Combien d’enseignants possède-t-on en zenata, en chaouia, en mozabite, en touareg, en tagragrent… ? Combien d’enseignants ont-ils été formés pour l’enseignement dans les caractères arabes, tifinaghs… ? Quel est le profil scientifique et linguistique des enseignants sortis des départements de tamazight ? Les manuels actuels couvrent-ils la diversité linguistique et culturelle des variétés de tamazight ? Quels textes authentiques ont été regroupés au profit de la didactique de cette langue ? Quels liens existent-ils entre l’enseignement de tamazight et l’enseignement des autres langues nationale et étrangères ?», sont autant de questions qui attendent d’être résolues, a-t-ilajouté. Il est aussi «nécessaire» de réfléchir à la question du volume horaire d’enseignement de tamazight, qui est actuellement de trois heures par semaine, ce qui est «très insuffisant» (si on se place dans une vraie perspective d’inverser la tendance au recul de la langue) et de réfléchir à en faire une langue d’enseignement pour certaines matières, au moins durant les deux premières années du cursus scolaire, afin de poser les bases de la langue, souligne M. Oussalem.

La menace de disparition de tamazight «n’est pas levée»

La langue amazighe évolue dans un contexte de «pression» tellement forte que «la menace de disparition de cette langue, qui aujourd’hui n’est correctement parlée (notamment au plan syntaxique) que chez les monolingues, qui sont de moins en moins nombreux, n’est pas levée», a averti M. Oussalem. Il relève à ce propos que beaucoup de locuteurs éprouvent «d’énormes difficultés» à s’exprimer dans leur langue y compris sur des sujets «extrêmement simples». Il explique que souvent ce locuteur se réfère à une structure d’une langue apprise à l’école (généralement l’arabe ou le français) et essaye de coller dessus un lexique et un vocabulaire amazighs en recourant à un «transcodage qui déstabilise et déstructure complètement tamazight, en particulier dans la traduction des formes courtes et des métaphores, les processus de métaphorisation étant différents d’une langue à une autre».

Cette situation fait qu’aujourd’hui, tamazight se trouve dans une situation d’«intense compétition» entre les différents parlers, à savoir l’arabe scolaire, l’arabe populaire, le français et le code-mixing (mélange de codes) parlé par les jeunes et les moins jeunes, en plus de la concurrence imposée dans les systèmes scolaires et administratifs où elle est absente ou faiblement présente. Ceci, voit-il, amène à l’importance d’entamer un travail de collecte en sortant sur le terrain, notamment dans les régions où des variétés de tamazight sont encore plus au moins préservées, pour «réaliser des corpus qui pourront par la suite servir à la préservation de cette langue», a-t-il soutenu.

Comment (2)

    Kamel
    15 janvier 2017 - 16 h 38 min

    bla bla bla

    bla bla bla
    Le constat on le connait.
    La question est qu’est ce que l’état algérien a fait de concret pour redonner à la langue amazighe la place qui est le sienne en algérie à savoir la langue matrice de tous les algériens.
    Tout le monde a bien compris qu’il n’y a pas de volonté de volonté réelle de rendre justice a celle langue, car ceux qui aujourd’hui s’autoproclament sauveur de tamazight sont les anciens criminels qui ont juré sa mort.
    Le problème c’est que tant que cette langue n »aura pas sa place, il n’y aura pas de stabilité et de réconciliation nationale.
    Puisque l’état algérien n’a pas voulu du printemps berbere, porteur de valeurs universelles, et bien il risque de subir le printemps arabe. porteur de valeurs destructrices.

    Bouzorane
    15 janvier 2017 - 16 h 36 min

    Article intéressent mais la
    Article intéressent mais la cause principale du recule de tamazight n’a pas été mentionnée…. De plus en plus de parents amazighophones ne transmettent pas leur langue à leurs enfants et se mettent à utiliser une autre langue, l’arabe en l’occurrence… C’est de cette manière que tamazight se perd… Il n’y a plus de transmission inter-générationnelle… Il est urgent de stopper l’hémorragie!… Il est urgent de mettre en place une politique de sensibilisation pour encourager les gens à transmettre leur patrimoine linguistique…. Cette campagne de sensibilisation doit surtout viser les femmes….Car le plus souvent, ce sont les mamans qui décide de ne pas transmettre tamazight à leurs enfants, sans doute sous la pression des médias (séries télévisées moyen-orientales, prêches religieux….)

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