Contribution d’Arslan Chikhaoui – Brexit : une ligne dure de la feuille de route de May

Mme Theresa May. D. R.

La Première ministre britannique Theresa May avait rendu publique, le mardi 17 janvier 2017, sa stratégie en douze points sur le Brexit (sortie du Royaume-Uni de l’UE). Sa déclaration, qui a été faite la veille de l’investiture du nouveau président des Etats-Unis d’Amérique, n’est pas fortuite. C’est le premier concerné par son message dans le but de sceller une alliance stratégique et affronter en position de force les Eurocrates. Elle a adopté une ligne dure de sa feuille de route qui repose sur cinq piliers :

– Recouvrement de la souveraineté politique, économique, de défense et de sécurité du Royaume-Uni ;
– Ré-échafaudage d’un Etat-nation ;
– Recouvrement du rôle d’acteur global majeur indépendant du Royaume-Uni sur la scène internationale ;
– Reconquête des marchés traditionnels du Commonwealth et conquête des nouveaux marchés des pays émergents ou en voie d’émergence (Asie, Afrique, MENA) ;
– Constituer progressivement un havre fiscal sans en être un paradis fiscal.

A cette ligne dure de Mme May, le désarroi a gagné les Eurocrates. En effet, de son côté, le président du Conseil européen, Donald Tusk, avait réagi à la déclaration de la Première ministre britannique, qui a laissé percevoir une amertume et surtout un manque de sérénité présageant un avenir incertain à l’Europe unie. Il a constaté dans sa réaction : «Le processus est triste, le moment est surréaliste, mais nous avons enfin des annonces plus réalistes sur le Brexit. Les Vingt-Sept sont unis et prêts à négocier après l’activation de l’article 50.» De l’autre côté, Guy Verhofstadt, le chef de file des libéraux au Parlement de Strasbourg, désigné «Monsieur Brexit» par l’institution, avait salué «l’effort de clarté de Theresa May», mais a dénoncé «l’illusion qu’on peut sortir de l’union tout en conservant ses avantages». La confirmation que le désarroi a gagné les arcanes des instances de Bruxelles repose sur le fait que nombre d’Eurocrates appellent à s’opposer catégoriquement à ce que Londres entame des négociations avec des pays tiers en vue d’accords de libre-échange bilatéraux avant que la séparation n’ait été formellement entérinée, et cela, pour tenter d’empêcher Mme Theresa May d’entamer notamment des discussions avec le nouveau président américain, Donald Trump.

Bien que la Cour suprême britannique ait confirmé mardi 24 janvier 2017 que l’activation du processus du Brexit devra être validée par le Parlement britannique, les obstructions des anti-Brexit qui n’avaient pas accepté les résultats, pourtant obtenus démocratiquement, semblent s’éloigner à l’horizon. En effet et selon des observateurs avertis, les parlementaires de la Chambre des communes ne s’opposeraient pas en majorité à cette volonté du peuple exprimée lors du référendum du 23 juin dernier. Quant à la Chambre des lords, elle pourrait être tentée de faire un peu de résistance. Mme May avait anticipé dans sa déclaration pour éviter un blocage en rassurant les parlementaires de faire valider par les deux chambres l’accord final qui sera conclu avec l’UE.

Malgré le fait que la Première ministre conservatrice Theresa May ne dispose que d’une étroite majorité à la Chambre des communes, elle ne devrait pas avoir de difficultés à faire voter le Parlement en faveur du déclenchement des négociations prévues en mars 2017. La promesse des Travaillistes, le principal parti d’opposition, de ne pas bloquer le lancement effectif du Brexit en est une preuve, comme l’a affirmé le chef de ce parti, Jeremy Corbyn : «Le Labour ne va pas compromettre le processus d’activation de l’article 50.» Le ministre du Brexit, David Davis, confiant, lui emboîte le pas en déclarant : «Je suis certain que personne ne cherchera à utiliser le projet de loi pour tenter de contrecarrer la volonté des Britanniques ou pour retarder le processus. Il ne peut y avoir machine arrière. Le point de non-retour a été franchi le 23 juin dernier.»

Pour certains observateurs avertis, le Brexit ne va pas être stoppé par cette décision de la cour, mais plutôt les députés et lords pourraient contraindre le gouvernement à faire des rapports réguliers devant les deux chambres sur le développement des négociations. Toutefois, le choix d’une ligne dure de la feuille de route du Brexit énoncée la semaine dernière par Mme Theresa May pourrait susciter une relative résistance des députés qui, tout en admettant qu’une sortie de l’UE est inévitable, ne sont pas disposés à lui donner un chèque en blanc. Jeremy Corbyn, par exemple, a déjà annoncé la couleur que son parti allait déposer des amendements demandant des garanties sur un accès au marché unique et sur la protection des droits des travailleurs. Dans le même sillage, le Parti national écossais (SNP) de Nicolas Sturgeon, représenté par 54 députés sur les 650 de la Chambre des communes, envisage également de déposer des amendements au projet de loi.

En fin de compte, si la position de Mme Theresa May est considérée par ses proches et des observateurs avertis comme adéquate, elle dépendra de la façon dont les vingt-sept autres dirigeants européens perçoivent la force et l’unité de l’UE elle-même. Ils devront décider si le maintien de bons liens avec le Royaume-Uni l’emporte sur le désir de s’assurer que le Royaume-Uni obtienne un accord relativement mauvais pour décourager les autres de vouloir quitter l’UE. Cela dépendra également de la façon dont l’Europe émerge des élections à venir, surtout des trois pays fondateurs, à savoir la France, l’Allemagne et les Pays-Bas, ainsi que de la tourmente politique qui continue en Italie. Le traitement que réserve le président américain Donald Trump à l’UE et à ses membres pris individuellement jouera incontestablement un rôle clé. A mon sens, nous pourrions voir une UE beaucoup plus faible d’ici la fin 2017, ce qui aurait des implications majeures pour les négociations Brexit.

Dr Arslan Chikhaoui
Membre du Conseil consultatif du WEF (Forum de Davos) ainsi que du Forum Defense & Security de Londres
Alumnus du NDU-NESA Center for Strategic Studies de Washington

Comment (7)

    La Cigale
    29 janvier 2017 - 21 h 06 min

    Cette dame La Première
    Cette dame La Première ministre britannique Theresa May et son homologue Donald Trump ont tout à fait raison de protéger d’abord leurs pays en faisant passer l’intérêt national avant les intérêts collective des autres nations.
    Dire le contraire c’est être à la fois un gros menteur et un hypocrite de première.
    Quand les choses ne vont plus ont se protège d’abord soit même puis ont vois ce que l’ont peut faire ou pas pour les autres dans la mesure du possible seulement.

    timour
    29 janvier 2017 - 17 h 31 min

    M. le Docteur Chikhaoui vous
    M. le Docteur Chikhaoui vous affirmez: » La confirmation que le désarroi a gagné les arcanes des instances de Bruxelles repose sur le fait que nombre d’Eurocrates appellent à s’opposer catégoriquement à ce que Londres entame des négociations avec des pays tiers en vue d’accords de libre-échange bilatéraux avant que la séparation n’ait été formellement entérinée, et cela, pour tenter d’empêcher Mme Theresa May d’entamer notamment des discussions avec le nouveau président américain, Donald Trump »… Ignoriez-vous ou faites-vous semblant d’ignorer que les statuts régissant l’U.E. interdisent les pays membres de conclure des accords individuels avec d’autres pays autres que ceux de l’U.E. Il ne s’agit pas de désarroi comme vous dites mais de respecter un traité. Et les Etats et non les Eurocrates (qui ne veut rien dire) ne demandent que le respect des termes de ce traité. Donc quand la G.B. aura quitté l’U.E. elle pourra signer tout ce qu’elle veut avec Trump mais pas avant. Ce qui est normal. Il n’y a pas panique mais un rappel au réglement. C’est tout.

    karimdz
    29 janvier 2017 - 13 h 54 min

    La grande bretagne a toujours
    La grande bretagne a toujours été un vrai faux membre de l union, elle n a jamais abandonné sa monnaie du reste et a toujours su profité de ses bienfaits et ne cherche que ses intérêts tout comme les états unis. Sur le plan de la solidarité ou des sacrifices, ce pays a toujours été à la traine quand il ne s opposait pas carrément aux décisions. La grande bretagne était l exception qui échappait à la règle.

    Maintenant que l Europe est en mauvaise posture, comme le dit si bien le fameux dicton, courage fuyons…

    ANTI-OTAN
    29 janvier 2017 - 12 h 07 min

    L’OTAN EST LE MAL ABSOLU C
    L’OTAN EST LE MAL ABSOLU C’EST L’ARMÉE DE SATAN ( N’en déplaise à certains!)

    Felfel Har
    28 janvier 2017 - 22 h 00 min

    A Washington, nous avons
    A Washington, nous avons assisté à un cirque où Mme. May se prenait pour Tatcher et Mr. Trump pour Reagan. Elle avait l’air pathétique cette sorcière en donnant des leçons de géostratégie au balourd de Trump. Elle lui a demandé de reconsidérer son plan de dissolution de l’OTAN et d’abandon des sanctions contre la Russie, rien que ça! C’est à croire que son pays, patrie de la perfide Albion, est en mesure de dicter sa conduite à la puissante Amérique. Bientôt, ce sera le tour de Netanyahou de venir dicter à Trump sa politique étrangère au Moyen Orient, surtout en Iran. La France, toutou docile, a vite fait d’annoncer sa participation à des manoeuvres navales dans le Golfe Persique. Les charognards ont décidément la dent dure. Les judéo-chrétiens ne renonceront pas si vite à leurs privilèges. Ils se battront bec et ongles pour les perpétuer. Heureusement que Poutine leur met des bâtons dans les roues. J’espère qu’il saura tempérer leur ardeur.

    Amarc de Kaffé
    28 janvier 2017 - 21 h 03 min

    C’est une enième distribution
    C’est une enième distribution des cartes Géo-politiques et stratégiques, il s’agit de retrouver la domination des anglos-saxons mise à mal par l’émergence de la Reine du Midi, la Chine, et sur le plan militaire , la Russie.
    Les Européens ont été proprement « baladés » par l’administration américaine qui pour asseoir sa souveraineté les a afflaiblis et divisés. La mission de Trump et de May est de reprendre les renes comme jadis ?
    Comme chacun sait, les plans humains valent ce qu’ils valent, les impondérables sont innombrables et bien malin celui qui pourra prédire l’avenir proche.

    Amigo
    28 janvier 2017 - 20 h 35 min

    Il ne faut pas immaginer un
    Il ne faut pas immaginer un divorce dur , au contraire les gens sont pragmatiques des Deux cotes et finiront par trouver une relation adaptee . Je crois que la Grande Bretagne est acctuellement saturee par une immigration de citoyens europeens issus d anciennes colonies Portugaises ,hollandaises , francaises , et surtout de beaucoup de refugies Qui Ont obtenus la nationalite d autre pays europeens et qui finissent par se rabattre vers le royaume uni . Si le probleme de la libre circulation venait a être reamenager la Grande Bretagne pourrait reintegrer l Europe economiquement car Elle me peut pas de permettre de perdre son leadership Dans l industrie des services notamment financiers et d assurances .

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