Le groupe franco-suisse Lafarge reconnaît avoir effectivement financé Daech
Le groupe français des matériaux de construction Lafarge qui a fusionné avec le groupe suisse Holcim, a reconnu avoir versé des fonds à des groupes terroristes en Syrie entre 2012 et 2014. Selon l’enquête interne remise jeudi, et révélée par Le Monde, le groupe admet que la filiale locale, pour protéger sa cimenterie, «a remis des fonds à des tierces parties afin de trouver des arrangements avec un certain nombre de ces groupes armés dont des tiers visés par des sanctions», sans pouvoir établir les destinataires finaux.
«Avec du recul, les conditions exigées pour assurer la continuation du fonctionnement de l’usine étaient inacceptables», regrette aujourd’hui la direction de l’usine. Or, selon Le Monde, ces arrangements ont profité à l’organisation terroriste la plus sanguinaire, à savoir Daech. Une organisation avec laquelle la France est officiellement en guerre. Le plus cocasse dans cette histoire est que le gouvernement français a, à plusieurs reprises, fait des propositions pour lutter contre le financement du terrorisme, alors qu’il a déjà un lourd antécédent dans le paiement des rançons aux ravisseurs, en Afrique notamment.
On apprend aussi que cette entreprise française versait systématiquement des droits de passage aux checkpoints tenus par les terroristes et achetait du pétrole auprès des négociants de Daech qui contrôlaient alors les champs de pétroliers d’une région dans le nord de la Syrie. Cette relation s’est poursuivie jusqu’à ce que Daech s’empare du site en septembre 2014. Et même après, «un intermédiaire a proposé au groupe français de relancer la cimenterie sous la protection de Daech et en échange d’un partage des bénéfices».
Si le rapport ne dit pas dans quelle proportion le groupe français a contribué au financement de cette organisation terroriste pendant une si longue durée, on peut facilement imaginer la cupidité d’un groupe terroriste à la dimension quasi étatique comme Daech. Par ailleurs, il n’est pas à exclure, eu égard à la facilité avec laquelle Lafarge a eu à traiter avec des terroristes pendant plus de deux ans, que d’autres entreprises françaises ou occidentales, ayant activé dans ce pays ravagé par la guerre, aient eu la même conduite vis-à-vis des groupes armés.
Reste maintenant à savoir, après cet aveu, si des poursuites sérieuses seront envisagées contre la direction du groupe Lafarge pour financement du terrorisme soit par la justice suisse, française ou même syrienne, puisque les faits se sont déroulés sur le territoire syrien. On sait que des ONG et le ministère français de l’Economie avaient déjà porté plainte contre le groupe suite à ces révélations, en juin dernier, l’accusant de financement du terrorisme mais en même temps d’«avoir enfreint les sanctions édictées par l’Union européenne contre le régime de Bachar Al-Assad» (sic).
R. Mahmoudi
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