L’Algérie face à la 4e révolution économique

Par Abderrahmane Mebtoul – Quels sont les défis futurs de l’Algérie face à la 4e révolution économique ? Les changements d’organisation périodiques démobilisent les cadres du secteur économique public et même les investisseurs locaux et étrangers, montrant clairement la dominance de la démarche administrative et bureaucratique au détriment de la démarche opérationnelle économique, assistant à un gaspillage des ressources financières et à un renforcement de la dynamique rentière et bloquant tout transfert de technologie.

Le blocage essentiel de l’investissement local et étranger est le terrorisme bureaucratique qui se nourrit du manque de visibilité et de cohérence dans la réforme globale. En effet, cette situation est imputable fondamentalement au manque de visibilité et de cohérence dans la démarche de la réforme globale (absence de consensus politique et neutralisation des rapports de force) n’ayant jamais abordé de manière claire le futur rôle de l’Etat face aux mutations tant internes qu’internationales.

D’où l’importance des dossiers éminemment politiques, comme celui des hydrocarbures, lieu de la production de la rente, du système financier, lieu de distribution de la rente, et celui du partenariat-privatisation couplé avec celui d’un système socioéducatif performant, lieu de la production de la plus-value. Celle-ci engendrera de nouvelles forces sociales soit rétrogrades si l’on s’oriente vers un nouveau monopole privé, soit porteuses de progrès si l’on instaure une totale transparence pour une économie de marché véritablement concurrentielle.

Le défi futur est d’avoir une vision stratégique qui fait cruellement défaut, donc s’inscrivant dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux, sa place naturelle est dans l’espace africain et méditerranéen. Force est de constater qu’au moment où les entreprises mondiales, grandes et PMI/PME, s’organisent en réseaux correspondant à une phase historique, où l’entreprise se concentre sur ses métiers de base en externalisant bon nombre d’activités secondaires, où l’industrie manufacturière connaît une crise rarement égalée au niveau mondial, l’Algérie continue de fonctionner sur des schémas périmés.

On devra impérativement éviter des expérimentations théoriques avec des coûts faramineux pour le pays, l’expérience de ces micro-unités de voitures, dont la majorité risquent la faillite à terme, après avoir bénéficié des avantages fiscaux et puisé dans les réserves de change pour leurs composants, toute unité fiable devant vivre à l’avenir sur son compte devises. Comme il ne faut pas rêver, et induire en erreur les autorités du pays, car il sera difficile d’exporter le ciment dont de grands investissements ont été réalisés en Afrique et où l’on assiste à des surcapacités dans le monde, surtout avec les nouveaux modes de construction fondés sur l’efficacité énergétique.

Que deviendra le pays si l’on n’a pas préparé dès maintenant l’ère hors hydrocarbures devant créer le cadre propice afin d’éviter des tensions sociales à terme pour deux raisons. Première raison, la croissance de la population active, c’est-à-dire que le flux annuel de demandes d’emploi et une réduction du taux de chômage actuel implique un taux de croissance élevé pour atténuer à terme les tensions sociales.

Il existe des lois économiques universelles applicables à tous les pays : le taux d’emploi dépend du taux de croissance et des structures des taux de productivité. On ne crée pas des emplois par des lois et décrets : c’est l’entreprise qui crée l’emploi. Or, Sonatrach ne créant pas d’emploi est déjà en sureffectif. Pour créer trois millions d’emplois, il faudra un taux de croissance entre 2017/2020 minimum de 7-8% minimum par an, à moins que le gouvernement ait des solutions innovatrices loin des actions de distribution de salaires fictifs au nom de la solidarité où des milliers de jeunes s’adonnent temporairement à désherber les routes ou à faire et refaire des trottoirs.

Les résultats des organismes chargés de l’emploi, l’Andi, l’Ansej autant que la Cnac, sont mitigés malgré les nombreux avantages accordés. Or la population en âge de travailler augmente chaque année de près de 3,4%. Deuxième raison, le projet de loi de finances fait une projection sur les trois prochaines années sur la base d’un prix de référence du baril à 50 dollars en 2017, 55 en 2018 et 60 dollars le baril en 2019, avec un cours de la devise nationale de 108 dinars le dollar et une inflation moyenne de 4%. Le taux de croissance serait de 3,9% en 2017, de 3,6% en 2018 et de 4,3% en 2019.

Dans son rapport du 11 janvier 2017 de la Banque mondiale (BM), les prévisions de croissance pour l’Algérie sont en baisse, passant de 3,6% en 2016 à 2,9% en 2017, 2,6% en 2018 et 2,8% en 2019, en raison du recul des dépenses dans les infrastructures, principal moteur de la croissance et du climat des affaires. Comparé aux dépenses sur la population, des pays similaires en voie de développement dépensant le tiers de l’Algérie ont des taux de croissance plus importants. Ces dépenses ont été rendues possibles essentiellement grâce aux recettes exceptionnelles des hydrocarbures.

Qu’en sera-t-il si les cours stagnent à 50-55 dollars ou encore moins entre 40 et 45 dollars ? Il y a donc risque de tensions sociales croissantes en cas d’amenuisement des ressources financières, ne posant certes pas de problèmes pour trois années devant utiliser minutieusement les 112 milliards de dollars de réserves de change fin 2016. S’impose une stratégie d’adaptation de la future politique du gouvernement, ballottée entre deux forces sociales, la logique rentière épaulée par les tenants de l’import et de la sphère informelle malheureusement dominante, et la logique entrepreneuriale minoritaire.

En fait, le transfert de technologie ne saurait se limiter à l’aspect technique, mais renvoie à l’organisation de la société algérienne face aux mutations tant internes que mondiales. La nouvelle politique doit s’attaquer à l’essence, c’est-à-dire à l’inefficacité de la dépense publique, vecteur de concentration des revenus au profit de couches spéculatives, qui ne peut qu’entraîner une détérioration plus poussée du pouvoir d’achat des Algériens.

Evitons les utopies, comme cette généralisation de la règle 49/51, où l’Algérie supporte tous les surcoûts. Cette règle ne doit être appliquée qu’aux secteurs stratégiques. Une minorité de blocage de 30% pour les segments non stratégiques, dont les pertes d’erreur de politique économique peuvent se chiffrer en dizaines de milliards de dollars, d’où l’importance du nouvel organe de veille souhaité par l’ensemble des partenaires économiques et sociaux lors de la tripartie du 6 mars à Annaba où a été dénoncé le blocage à l’investissement.

Les choix de développement des filières doivent coller avec la structure socioéconomique et culturelle du pays. Les emplois créés dans le secteur lourd à forte intensité de capital coûtent entre 4 et 10 fois plus que dans une PMI. Ceci résulte en une industrie peu créatrice d’emplois dans un pays à forte croissance démographique. La dépendance technologique propre à l’outil économique existant ne peut plus s’accorder de l’absence d’ouverture du capital vers les groupes internationaux et du contrôle rigide du commerce extérieur.

Pour les entreprises privées, les performances sont encore freinées par le savoir-faire entrepreneurial limité, mais aussi par la difficulté d’accès aux technologies modernes et par des normes de qualité obsolètes. En plus de la mobilisation de l’épargne domestique (faible bancarisation), où une grande partie des activités se traitent en cash, avec l’importance de la sphère informelle contrôlant 40/50% de la masse monétaire en circulation, l’on doit mettre en place des réseaux pour une meilleure attractivité du pays aux IDE ainsi qu’un fonds concernant la communauté émigrée possédant à la fois un savoir-faire et du capital-argent. Ceci devrait être géré par le système bancaire qui reste à moderniser par la création d’outils permettant de favoriser l’équipement, donc le développement de l’entreprise (par exemple : crédit-bail, escompte des traites, nantissement des marchés publics). Etant une question de sécurité nationale, il y a donc urgence de corriger l’actuelle politique d’investissement et de mieux articuler les institutions ministérielles, étant souhaitable que les dossiers de la pétrochimie et celui des énergies renouvelables relèvent des prérogatives tant en amont qu’à l’aval du ministère de l’Energie pour plus d’efficacité et de cohérence.

Il existe, pour l’Algérie, des possibilités pour augmenter le taux de croissance du fait d’importantes potentialités, malgré les tensions budgétaires, supposant une nouvelle gouvernance stratégique des institutions et des entreprises, parallèlement à la mise en place d’un nouveau modèle de consommation énergétique, thème abordé lors du Forum mondial du développement durable qui s’est tenu à Paris ce 13 mars. Les infrastructures, ayant absorbé l’essentiel de la dépense publique en Algérie, ne sont qu’un moyen du développement, et qu’il faille méditer l’expérience malheureuse de l’Espagne qui a misé sur ce segment qui a vu son économie s’effondrer, car ayant négligé les technologies se fondant sur le savoir.

C’est l’entreprise dans le cadre des valeurs internationales, sans aucune distinction publique, privée nationale et internationale, qui crée la richesse, et ce, face aux nouvelles mutations technologiques, culturelles, financières mondiales, devant entraîner un profond changement géostratégique et une recomposition du pouvoir mondial, horizon 2017/2030.

Soyons pragmatique, personne n’ayant le monopole de la vérité, l’erreur étant humaine, mais la pire des erreurs est de continuer dans l’erreur. Signe de la bonne gouvernance, sachons écouter les avis divergents productifs devant éviter tant la sinistrose que l’autosatisfaction déconnectée des réalités locales et mondiales.

A. M.

Comment (11)

    lehbilla
    19 mars 2017 - 6 h 32 min

    Mettez hors d’etat de nuire
    Mettez hors d’etat de nuire la mafia au pouvoir et pour peu que les nouveaux dirigeants soient integres je vous promet une revolution a la lehbilla qui propulsera le pays au rang des premieres puissances economiques au monde. Et ce rien qu’avec la matiere grise algerienne.

      Abou Stroff
      19 mars 2017 - 7 h 00 min

      lehbilla, je te salue! en
      lehbilla, je te salue! en poursuivant ton raisonnement, on pourrait, entre autres et grâce à la « matière grise » algérienne, transformer le minaret de 299 mètres de la mosquée de boutef (que construisent les chinois à partir d’une étude allemande) en rampe de lancement de fusée à air comprimé (ce qui nous permettra d’écarter toute explosion au départ de la fusée) ou d’utiliser le dit minaret pour des sauts à l’élastique (sans élastique) pour tous ceux qui voudraient avoir des sensations fortes avant de se mettre à grignoter les pissenlits par la racine. ceci dit, je crois que … beaucoup de nos augustes économistes ne comprennent pas ou feignent de ne pas comprendre que le problème algérien n’a rien d’économique mais s’inscrit, tout bêtement, dans le cadre du système basé sur la distribution de la rente et sur la prédation qui nous avilit et nous réduit à de simples tubes digestifs ambulants vivant aux crochets de ceux (la force de travail étrangère, particulièrement) qui travaillent et produisent. tant que le dit système n’aura pas été détruit par la neutralisation des couches rentières qu’il sert en premier lieu, toutes les recettes que proposent nos augustes économistes se réduiront à de l’onanisme qui ne dira pas son nom.

        lehbilla
        19 mars 2017 - 9 h 13 min

        Mon cher Abou Stroff, reçois
        Mon cher Abou Stroff, reçois mes meilleurs salutations,

        Effectivement il n’est pas des plus compliqués que d’user du Minaret de 299,99 mètres de la mosquée de boutef comme rampe de lancement cosmique à air comprimé. ce qui diminue singulièrement le temps du voyage au paradis pour certains. Les autres pourront bien sur en user pour des sauts à l’élastique sans élastique ou sans s’attacher pour les plus fortes des sensations à avoir avant de plonger dans le néant. Nos économistes cependant sont plutôt économes de réflexions ou peut être s’agirait il d’autres choses que nous ne connaissons pas. Car, me semble t’il, et comme tu l’as si bien précisé, il n y a qu’un seul et unique problème dans le pays, générateur de tous les autres problèmes et autres difficultés saupoudrées de crapuleries et de machiavélisme. Une toile mafieuse aux nœuds bien noués et aux mailles bien tracées orchestrant un système de prédation bien huilé et une distribution de la rente qui a fait de nous tous des tubes digestifs ambulants à 37°C.

          Le paresseux
          19 mars 2017 - 11 h 21 min

          Pour le saut du haut du
          Pour le saut du haut du minaret mais sans élastique je le propose à tous ceux qui reçoivent prétendument depuis 60 ans la rente de « moujahid » ou de « chouhada » pour savoir définitivement si ils sont de la race des martyrs, pourquoi pas l’ANP et tous les pensionnaires de la Mouradia. Qu’en pensez vous ?

    Algerien pur et dur
    18 mars 2017 - 4 h 06 min

    Quatrieme revolution
    Quatrieme revolution economique? Qu’est ce que j’ai rate? Etais je endormi?

    Paresseux
    17 mars 2017 - 14 h 18 min

    Mr Mebtoul, ne te fatigues
    Mr Mebtoul, ne te fatigues plus à faire des analyses certes pertinentes mais qui ne servent à rien malheureusement, car le problème est ailleurs, il faut changer ce système de fond en comble et après on pourra discuter de stratégies économiques.

    Anonymous
    17 mars 2017 - 10 h 10 min

    il n’est plus de secret pour
    il n’est plus de secret pour personne que notre économie est profondément gangrenée par le corruption. Celle-ci s’est développée avec le système fondé sur la vente en l’état et sans valeur ajoutée des produits er des services et qui a fait émerger une armée d’intermédiaires âpres au gain facile. Ce système s’est étendu même au domaine politique où l’on voit des fonctions de députés vendues à prix d’or par des jeunes voyous affilieés à des gouvernants et sur la base d’une liste préparée à l’avance. Pour commencer, ne serait-il pas possible de sortir une loi interdisant la revente des licences d’importation et prévoyant des sanctions sévères à l’encontre des contrevenants ainis que la suppression des licences en cause ? Pauvre Algérie ……..

    Anonymous
    17 mars 2017 - 8 h 07 min

    Professeur, vous avez touché
    Professeur, vous avez touché entre autres à deux points très importants pour le développement du pays en cette période crucial :
    Les réserves de change et l’utilisation de la communauté émigrée « possédant à la fois un savoir-faire et du capital-argent ».
    A mon humble avis, les resserves de change générées principalement par les ressources naturelles de la nation, doivent être gérées par l’Etat pour l’intérêt du pays et cela quelque soit les pressions des partenaires internationaux qui critiquent les procédés de licences d’importation etc…
    Une fois les produits et le niveau de dépenses pour l’importation établis, la délivrance des licences et la traçabilité des produits et transactions doivent être transparentes.
    Cela pour les réserves « nationales » de change. Dans le marché algérien, il y a aussi la demande d’autres produits nécessaires ou du genre « kach bakhta ». Les gens doivent être libre de dépenser leur argent comme ils le veulent mais pas en allant puiser sur les réserves de change « national ». Il y a d’autres moyens « gagnant-gagnant ». Les réserves de change « privées ». L’ouverture de l’importation à tout le monde pourvu qu’ils ne touchent pas aux sacrées réserves. Le développement de l’import-export serrait booster et l’Etat ne dépensera pas un $ mais récoltera des taxes d’importation et des impôts. Les « binationaux » pourraient s’investir dans l’économie (puisqu’ils sont exclus de la politique). Reste ceux qui génèrent des profits en devises à l’exportation, une partie équitable leur revient pour importer ce qui veulent. Leur part doit aussi être déterminée d’une manière transparente car leur exportation est aussi liée aux ressources naturelles de la nation.

    m.larbi
    17 mars 2017 - 1 h 48 min

    C’est le même constat que l
    C’est le même constat que l’on fait depuis 30 ans. Autrement dit, on tourne en rond. L’Algérie n’a jamais fait face à aucune révolution économique. Elle ne fera pas plus face à la soi-disant 4éme révolution de ce genre ou de quelque révolution que ce soit du reste. Elle a juste eu un président qui a fait 4 mandats les pieds dans l’eau de Sidi Fredj. Il a dépensé 1000 milliards de dollars depuis 1999 et on a toujours des problèmes de pommes de terre et d’ail. Dans les années 70, la chine était plus pauvre que l’Algérie. L’Inde aussi. Elle survivait grâce aux dons de la communauté internationale. Aujourd’hui ces 2 pays occupent la première et la 4ème places des pays les plus riches au monde. Le secret ? Une bonne gouvernance et un système éducatif performant. Le reste n’est que soliloques!

    Anonymous
    16 mars 2017 - 23 h 52 min

    mR Mebtoul il faut dire la
    mR Mebtoul il faut dire la vérité
    l’état ne fait que bricoler ces soi disant l’Andi, l’Ansej autant que la Cnac n’ont été créés que pour acheter le silence des jeunes et non pour créer des emplois , c’est une fuite en avant, on va droit au mur, le chômage des jeunes universitaires est effarant c’est une véritable bombe à retardement

    Anonymous
    16 mars 2017 - 17 h 42 min

    A propos de « nouveaux modes
    A propos de « nouveaux modes de construction fondés sur l’efficacité énergétique », que faut-il penser des 11 projets pilotes du programme Eco-bât lancé en 2009 et censé révéler des moyens innovants et capables de réduire la consommation énergétique ? En guise de résultat et après 8 années de silence sidéral, et bien que les isolants thermiques, soient pour la plupart importés et archi connus de longue date dans notre pays, on n’a rien trouvé d’autre à annoncer que « l’emploi d’isolants thermiques a été concluant » !!!!….. . Une montagne qui accouche d’une souris avec des milliards de D.A jetés par la fenêtre. …..Voir l’article de ALGERIE PATRIOTIQUE du 23 janvier 2017 intitulé « Les appareils à haute consommation énergétique seront interdits »

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