Des Tunisiens habitant près des frontières menacent d’émigrer en masse en Algérie
Des centaines de Tunisiens ont menacé d’émigrer en nombre en Algérie si leur gouvernement ne prend pas en charge leurs préoccupations sociales qui ont atteint des seuils alarmants depuis quelques mois. Ils l’ont exprimé lors de récentes manifestations organisées dans certaines villes frontalière avec l’Algérie, où des manifestants brandissaient des banderoles sur lesquelles est écrit en arabe : «Béji, twelha bina, wa illa Djazayer awla bina !» (Béji (Caid Essebsi, ndlr), occupez-vous de nous, sinon nous demanderons asile à l’Algérie).
Cette franchise et cette clarté dans le slogan n’ont d’égal que l’extrême détresse dans laquelle vivent les populations tunisiennes de ces régions déshéritées et dont la situation s’est dégradée depuis l’insurrection de 2011 qui a renversé le régime de Zine El-Abidine Ben Ali. Les manifestants réclament du pain, du travail et de la sécurité dans leurs villes, livrées à la violence et à la délinquance.
Ces régions de l’est et du sud, devenues ces dernières années un terrain fertile pour la prolifération des groupes terroristes et des trafiquants, sont le théâtre d’émeutes cycliques qui menacent de replonger le pays dans une nouvelle insurrection. Cette alerte lancée par les Tunisiens montre, par ailleurs, que l’Algérie est, quoi qu’on en dise, devenue une sorte d’Eldorado pour nos voisins de l’Est et de l’Ouest.
La fermeture des frontières terrestres avec le Maroc depuis vingt ans a engendré une situation tout aussi alarmante dans les villes marocaines frontalières qui comptaient essentiellement sur les flux touristiques algériens pour survivre économiquement. Le refus de l’Algérie de céder au chantage des Marocains pour la réouverture de ces frontières met le palais et son Makhzen dans une situation délicate face à la montée des tensions qui se sont étendues depuis quelques mois aux villes du nord où les émeutes commencent à prendre une forme insurrectionnelle inédite.
Cela dit, même dans pareille situation, les habitants de ces villes ruinées économiquement continuent à bénéficier des marchandises et autres produits algériens, comme le carburant, qui y sont acheminés clandestinement par des trafiquants qui en font un commerce juteux. Le même mouvement de trafic est signalé du côté est, où toute sorte de produits alimentaires, y compris ceux de première nécessité, passent frauduleusement par la frontière algéro-tunisienne.
Dans les deux cas, les autorités tunisiennes et marocaines ferment souvent les yeux parce qu’elles savent que c’est grâce à ce trafic que les deux pays arrivent à maintenir un semblant de paix sociale dans ces régions poudrières.
R. Mahmoudi
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