Paris n’est plus la première ville francophone du monde

Par Ilyes Zouari – La ville de Kinshasa vient de dépasser Paris pour devenir la plus grande ville francophone du monde. Cette évolution confirme la montée en puissance de l’Afrique francophone et de ses capitales. La France continue, toutefois, à briller par son absence en République démocratique du Congo.

Dans son rapport «Les villes du monde en 2016», l’ONU nous indique que la ville de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), comptait 12,1 millions d’habitants au 1er juillet 2016. La métropole congolaise fait donc désormais partie du club très restreint des «mégapoles», terme désignant les agglomérations de plus de 10 millions d’habitants. Le critère de l’agglomération (ou unité urbaine) est, en effet, le seul à être retenu par ce rapport afin de pouvoir mesurer l’importance réelle d’une ville et de la comparer à celle d’autres villes. Tout découpage administratif et arbitraire ne constituant pas une base de comparaison valable.

Kinshasa, plus grande ville francophone du monde

Avec une croissance démographique annuelle de 4,2% en moyenne sur la période 2000-2016, la population «kinoise» dépasse, désormais, celle de l’agglomération parisienne, estimée à 10,9 millions. Chose tout à fait logique lorsque l’on sait que la RDC est aujourd’hui le premier pays francophone du monde avec plus de 78 millions d’habitants. Egalement surnommée «Congo-Kinshasa», afin de la différencier du «Congo-Brazzaville» voisin, elle est, par ailleurs, le plus grand pays d’Afrique subsaharienne (2,345 millions km2) et le second du continent, très légèrement derrière l’Algérie (2,381 millions km2). Vaste comme plus de la moitié de l’Union européenne tout entière et abritant de gigantesques parcs nationaux, la RDC est aussi le seul Etat africain à s’étendre sur deux fuseaux horaires.

Ce statut de première ville francophone du monde se confirme, également, lorsque l’on se base sur le nombre de locuteurs du français, probablement supérieur à 11,1 millions. Dans son rapport «La langue française dans le monde, 2010», l’OIF avait, en effet, indiqué que 92% de la population kinoise parlait le français, d’après une enquête de la TNS-Sofres. Kinshasa se présente donc, aujourd’hui, comme une ville parfaitement bilingue, où le français côtoie le lingala, langue maternelle de la grande majorité des habitants et parlé par la quasi-totalité de la population. Parmi les plus de 200 langues présentes sur le territoire congolais, le lingala est, d’ailleurs, l’un des quatre idiomes à avoir le statut de langue nationale (avec le kikongo, le tshiluba et le swahili), et constitue l’une des deux langues véhiculaires du pays, aux côtés du français, langue officielle.

Enfin, il convient d’ajouter que la capitale française, deuxième plus grande ville d’Europe, après Moscou (12,3 millions) et toujours devant Londres (10,4 millions), contrairement à ce qu’affirment certains avec une insistance curieuse, se fait distancer encore davantage si l’on tient compte de la grande agglomération transfrontalière francophone que constituent les deux villes de Kinshasa et de Brazzaville. Séparées par le seul fleuve Congo, ces deux capitales, les plus proches du monde, totalisent à présent une population de 14,0 millions d’habitants.

Une francophonie africaine en force

Cette évolution traduit ainsi la montée en puissance de l’Afrique francophone et de ses capitales. En plus de Kinshasa, ce vaste ensemble, grand comme 3,1 fois l’Union européenne et regroupant 380 millions d’habitants, abrite, désormais, la troisième ville francophone du monde, en l’occurrence Abidjan et ses 5,0 millions de citadins. La capitale ivoirienne précède ainsi les villes de Montréal (4,0 millions) et de Dakar (3,7 millions). Vient ensuite Casablanca (3,5 millions), ville «arabo-berbéro-francophone» où l’on peut «vivre en français», langue de l’enseignement, de l’administration, des affaires et des médias, aux côtés de l’arabe. L’application de ce critère assez strict et de bon sens, qu’est celui de la capacité de vivre en français sur un territoire donné, permet ainsi de bien identifier les pays et territoires véritablement francophones, et d’éviter par-là même toute confusion contreproductive avec la liste des pays membres de l’OIF (organisation désormais davantage politique que culturelle, et réunissant en son sein une majorité de membres non francophones).

Cette émergence démographique vient donc s’ajouter à l’émergence économique de l’Afrique francophone, qui s’affirme comme l’un de principaux relais de la croissance mondiale. Et en particulier sa partie subsaharienne, qui constitue la zone la plus dynamique du continent. En effet, et après avoir connu une croissance annuelle de 5,1% en moyenne sur la période quadriannuelle 2012-2015, cet ensemble de 22 pays a enregistré une croissance globale de 3,7 % en 2016, tandis que le reste de l’Afrique subsaharienne observait un hausse de 0,8% de son PIB (3,8% sur la période 2012-2015). Concentrant, cette même année, 9 des 13 pays africains ayant affiché une croissance supérieure ou égale à 5%, cet espace a réalisé les meilleures performances du continent pour la troisième année consécutive et pour la quatrième fois en cinq ans, notamment grâce à la meilleure résistance de la majorité des pays francophones pétroliers et miniers à la chute des cours. En 2016, la croissance s’est ainsi établie à 5,6% au Cameroun et à 3,2% au Gabon (ou encore à 3,6% en Algérie, plus au Nord), tandis qu’elle était quasi nulle en Afrique du Sud et en Angola (0,4%) et négative au Nigeria (-1,7%).

Une absence quasi-totale de la France en RDC

Mais le désintérêt assez marqué de la France pour l’Afrique subsaharienne francophone, où elle est aujourd’hui commercialement devancée par la Chine, et même par le Maroc dans certains domaines, est encore plus criant en RDC, où l’Hexagone brille par son absence. Ce dernier ne pèse ainsi que pour 3% du commerce extérieur de ce pays qui a réalisé une croissance annuelle de 8,1% en moyenne sur la période 2012-2015, et dont la Chine fournissait 20,6% des importations et absorbait 43,5% des exportations en 2015. Par ailleurs, la RDC ne bénéficie chaque année que de moins de 2% de l’enveloppe globale consacrée par la France à l’Aide publique au développement (APD). Occasion de rappeler, au passage, que la somme totale allouée par l’Hexagone aux 25 pays de l’Afrique francophone au titre de l’APD (2,8 milliards d’euros en 2015, Maghreb inclus) est près de trois fois inférieure à sa contribution nette au budget européen (7,9 milliards en 2015). Contribution qui bénéficie à un ensemble de pays deux fois moins peuplés que l’Afrique francophone, et se tournant, de surcroît, d’abord vers les industries allemandes et autrichiennes…

Enfin, il est également à noter que la part des étudiants originaires de la RDC ne représente que 1% de l’ensemble des étudiants africains présents en France. Ou encore, que la part des projets réalisés dans ce pays par les collectivités et structures intercommunales françaises, au titre de la coopération décentralisée, est inférieure à 1% du nombre total des projets qu’elles réalisent sur le continent.

Ce désintérêt est d’autant plus regrettable que la RDC pourrait compter 124 millions d’habitants en 2030, soit près de deux fois plus que la France métropolitaine (68 millions). Cette même année, et toujours selon l’ONU, la nouvelle capitale démographique du monde francophone, Kinshasa, devait franchir la barre des 20 millions d’habitants et devenir ainsi l’une des plus grandes mégapoles du monde. Certes, encore moins peuplée que Tokyo toujours première (37,2 millions, contre 38,1 aujourd’hui), mais près de deux fois plus peuplée que Paris (11,8 millions). Cette dernière aurait, d’ailleurs, probablement pu conserver, à cette date, son statut de première ville francophone si la France n’avait pas été, démographiquement, l’«homme malade» de l’Europe et du monde entre 1750 et 1945. Deux siècles «perdus» au terme desquels la population de la France n’avait augmenté que de moitié, tandis que celle de tous les autres pays européens (à l’unique et tragique exception de l’Irlande) avait triplé, quadruplé ou quintuplé…

I. Z.

Comment (5)

    Antar
    26 mai 2017 - 16 h 03 min

    c’est quoi cette idiotie,
    c’est quoi cette idiotie, kinshasa première ville francophone avant Paris. L’assemblée nationale doit voter une loi pour transférer le siège de l’Académie Française et ses membres vers cette nouvelle ville des lumières!!!!!!!!!!

    Mello
    25 mai 2017 - 12 h 06 min

    Pourquoi une telle evolution
    Pourquoi une telle evolution qui ne respecte aucun modele de développement pour une ville qui etouffe . Plus de la moitie de la ville reste inaccessible aux etrangers pour cause d’insecurite. Tous les etrangers qui y vivent n’ont le droit de circuler ou de flaner que dans des espaces qui leurs sont indiques. Le niveau de vie est excessivement cher car la majorite des produits sont importes, y compris la viande qui dans les 20 $ le kilo. La police congolaise de cette ville reste la plus corrompue du monde et ne vous facilite pas le sejour.
    Etre la premiere ville francophone du monde dans ces conditions, je prefere rester dans mon quartier des trois horloges qui me semble plus accueillant.

      leputois
      25 mai 2017 - 12 h 35 min

      Tout à fait et moi aussi
      Tout à fait et moi aussi juste à côté, sur la pointe, avec mon chapeau de paille, une canne, un moulinet, des hameçons et quelques vers de roche et on passe un excellent après-midi.

        Mello
        25 mai 2017 - 14 h 23 min

        Notre belle pointe Pescade
        Notre belle pointe Pescade est juste a cote pour nous recevoir , plus Algerienne que jamais. Pas besoin d’etre francophone ou francophile pour etre heureux dans notre coin baigne par les odeurs maritimes avec cette brise du soir.

          hamid gourou
          27 mai 2017 - 23 h 04 min

          attention à la jalousie on
          attention à la jalousie on peut venir par mer ou par les airs pour vous etouffer tellement cette belle vie et la joie qui l’accompagne n’existe nulle part ailleurs. Ne vous exhibez pas trop

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