Le Qatar face à deux scénarios : un coup d’Etat militaire ou une invasion étrangère
Le piège que l’Emirat du Qatar s’est pendant des années attaché à tendre aux différents pays arabes indociles, pour les détruire de l’intérieur, a fini par se refermer sur lui-même. C’est le premier enseignement qu’on peut tirer de cet incroyable bouleversement que connaît la région du Golfe depuis hier. Après l’annonce de la rupture des relations diplomatiques, l’Arabie Saoudite et ses alliés visent maintenant à l’isoler de son entourage immédiat et à l’étrangler économiquement. Les scènes de panique devant les grandes surfaces, prises d’assaut par des citoyens qataris pour s’approvisionner en produits de première nécessité, marquent peut-être le début de l’effondrement de ce petit Emirat gazier. La prochaine étape sera fatalement le renversement du régime. Il restera à savoir comment cela va se produire et à quel prix.
Selon le journaliste égyptien Mohamed Bikry, réputé être le porte-voix officieux du maréchal Abdelfattah Al-Sissi, qui intervenait lundi sur une chaîne de télévision panarabe, le projet d’invasion du Qatar par la nouvelle coalition dirigée par Riyad pour imposer un nouveau régime à Doha serait imminent. Le même scénario qui a été appliqué au colonel Kadhafi, à Bachar Al-Assad, et avant eux à Saddam Hussein, pour les pousser à se démettre. Or, le gouvernement qatari, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, tout en se disant attaché à la fraternité et aux vertus du dialogue, refuse de se soumettre à des injonctions venant d’autres pays sur sa politique étrangère ou ce qu’il appelle «le pouvoir de décision national».
Ce qui accrédite cette thèse, c’est la position équivoque américaine qui a l’habitude d’arbitrer les conflits dans cette région. Le chef de la diplomatie, Rex Tillerson, s’est contenté, dans sa première réaction, d’appeler au dialogue et à la raison pour préserver les intérêts de chacun. Il n’a pas, a priori, condamné cette campagne d’isolement international qui frappe un pays allié, ni annoncé des dispositions susceptibles d’empêcher une dangereuse escalade qui peut être désastreuse. Cette mollesse a été perçue par les observateurs comme «un feu vert» aux alliés arabes pour intervenir militairement au Qatar. Pour eux, cette attitude de Washington prouve que la décision d’isoler le Qatar a été prise en commun accord avec l’Administration américaine et que le sort du Qatar a été scellé à l’occasion du voyage de Trump en Arabie Saoudite, en avril dernier, pour un mystérieux sommet qui a rassemblé la quasi-totalité des pays musulmans.
Le président américain s’est clairement prononcé pour une «guerre totale» contre l’Iran et «ses alliés». Le Qatar est depuis deux ans soupçonné de tisser des alliances avec le régime iranien et ses amis dans la région (Hezbollah, Hamas, Houthis…) et de continuer à soutenir la confrérie des Frères musulmans. Cela dit, ce qui est réellement reproché au Qatar, c’est d’avoir lamentablement échoué dans la gestion du «printemps arabe».
R. Mahmoudi
Comment (55)