Boudjedra, le maillon faible

Boudjedra Ennahar Arav
Rachid Boudjedra. New Press

Par Saadeddine Kouidri – La réaction semble avoir choisi le grand écrivain pour ridiculiser les intellectuels progressistes, croyant aveuglément que ces derniers ne lui seraient pas solidaires, le cas échéant, parce qu’il ne l’a pas été avec Kamel Daoud, mais bien au contraire. Rachid Boudjedra a même tenté de l’enfoncer en rappelant une étape de sa jeunesse, à la période où son confrère était agressé par un chef islamiste !

Cette belle solidarité que nous avons manifestée le 11 juin à Rachid Boudjedra est donc une victoire contre la réaction. Cette réaction a le vent en poupe depuis que le pouvoir l’a mis sur les rails pour dévoyer le soulèvement d’Octobre 88 avec la pratique de la torture sur les jeunes, comme au temps de la colonisation. Comme on le voit, la génération d’Octobre 88, comme celle de Novembre 54, a été torturée. C’est à la suite de tant de violence que le projet du socialisme fut définitivement enterré, pour permettre à la réaction de glisser la génération suivante vers les cieux de la rente.

C’est à juste titre que le rapport au congrès du PAGS en décembre 1990 note que «la grande lutte au sein de toute la société entre l’ancien et le nouveau trouve son expression au sein même de ce capital privé tiraillé naturellement entre ses tendances contradictoires, soit au parasitisme spéculateur soit au développement des forces productives». Et depuis, nous constatons que les islamistes dominent de plus en plus la sphère de l’informel. Ils ont doublement le vent en poupe, car la politisation du religieux est comme une nouvelle idéologie que préconisent les décideurs de ce monde depuis leur lutte contre la République démocratique d’Afghanistan et par la suite toutes les républiques arabes, et jamais contre un royaume. C’est à l’Université du Kansas qu’il a été décidé de faire de la science de la nature : une opinion. La religion dans la sphère politique ne peut pas faire bon ménage avec la fulgurante montée de la science de la nature.

Les dirigeants de ce monde se servent des religions pour évacuer une nouvelle fois les peuples nouvellement indépendants de la sphère politique. Et ce n’est qu’un début, car, pour les autres peuples et particulièrement les leurs, ils vont revenir à une stratégie plus douce, plus pernicieuse, celle de la marche contre la science naturelle, entamée à l’Université étatsunienne en été 1999. L’Etat du Kansas relègue la théorie de l’évolution au profit d’un enseignement des origines emprunté à la bible. Le 11 août 1999, le Conseil de l’éducation fait disparaître les découvertes scientifiques de l’évolution des programmes d’examens de l’Etat. La presse de ce temps rappelait le cas des années 1920, quand le tribunal de Dayton, au Tennessee, avait condamné le professeur John Scopes, au terme d’un long procès, parce qu’il voulait enseigner les thèses de Darwin. Du coup, ils écartaient la théorie du big-bang, acte de naissance de l’univers par les astrophysiciens, et d’autres découvertes scientifiques incompatibles avec la bible. D’autres Etats réagissaient, chacun à sa façon, et certains allaient jusqu’à interdire l’achat de nouveaux livres parce qu’il y avait trop de Darwin. C’est l’occasion de se demander comment est enseigné l’évolutionnisme dans le monde et particulièrement chez nous ? Je peux, quant à moi, juste vous dire que les livres de Darwin ne sont pas disponibles dans nos librairies. Si Marx disparaît, à la tombée du mur de Berlin, de beaucoup de librairies, c’est au tour de Darwin, après la dissolution de la République afghane.

Le marqueur de cette offensive contre les acquis des peuples est dans la trace du terrorisme islamiste. Il marque de nouveau la marche sans interruption depuis l’existence du Vatican à œuvrer dans sa lutte contre les non-croyants. Sa victoire sur le monde communiste lui a fourni des ailes. Le retour au spirituel et non à la pensée devient la mission des intellectuels des trois religions. Ils se sont munis d’une arme diabolique, celle de faire des sciences de la nature une opinion.

L’islam des savants est humaniste et l’islam des ignorants est violent. Le premier recommande le savoir comme il recommande la propreté ; mais où en est-on ne serait-ce que sur ces deux recommandations ?

Si les patrons de ce monde se sont armés de religion pour tromper et asservir les peuples, notre devoir est de nous armer et d’armer les peuples de science et surtout des sciences de la nature, même quand on se réfère au prophète, puisqu’il disait : «Chercher le savoir jusqu’en Chine», tout en affirmant que ses héritiers sont les savants. Ces derniers disent que tout être vivant a une conscience innée et que la vie est un foyer d’action et d’expérience.

S. K.

Comment (17)

    Daya
    23 juin 2017 - 13 h 56 min

    Tout dépend de qui détient le leadership, malheureusement depuis le début de l’islamisme (début des années 80), en Algérie nous avons dans un premier temps contraints de laisser le leadership entre les mains pas très propres et les cervelles obtuses des islamistes, contraints par les armes. Dans un deuxième temps contraints par la politique de le leur laisser. Tant que nous laissons le pouvoir aux médiocres et aux abrutis les choses ne changeront pas, il faudra se résoudre à trancher dans le vif si on veut élever le niveau en Algérie, au point où en sont les choses on ne peut plus se permettre le douga, douga. Comment peut on confier une émission de TV à des zozos pareils ?

    Kouidri
    23 juin 2017 - 8 h 36 min

    Correction de la date indiquée dans la phrase suivante « Cette belle solidarité que nous avons manifestée le 11 juin à Rachid Boudjedra » Ce n’était pas le 11 juin, mais le 3

    Moskosdz.
    21 juin 2017 - 8 h 00 min

    Ce n’est un secret pour
    Ce n’est un secret pour personne aujourd’hui, il est clair que l’intellectuel dérange le sionisme qui se sert de la pègre islamiste pour vider le pays de sa matière grise afin qu’il ne soit peuplé que de brebis bonnes à manipuler comme bon lui semble.

    nek
    20 juin 2017 - 17 h 07 min

    je n’ai rien compris de tout
    je n’ai rien compris de tout ce que vous avez écris. Soit c’est votre écrit qui n’est pas compréhensible, soit c’est ma capacité à comprendre qui est altérée.

    leputois
    19 juin 2017 - 20 h 21 min

    On devrait plutôt comparer
    On devrait plutôt comparer les pays sur le plan de l’exercice démocratique. Mettez des dirigeants honnêtes qui rendent des comptes au peuple qui les élisent et vous aurez un pays développé dans le sens le plus large du terme. Et si on veut asseoir des compétences à tout épreuve, il faut commencer par l’éducation et l’enseignement en général…ce n’est que par là que passe toutes les qualités des autres secteurs le journalisme et la presse entre autres.

    Mazouzi
    19 juin 2017 - 14 h 45 min

    je suis tout à fait d’accord
    je suis tout à fait d’accord avec celui qui compare l’Algérie à la France sur le plan de l’édition en général. Mon ami, vous avez raison mais on dit aussi que raison gardée…il ne faut pas mettre sur le pied d’égalité les 2 extrêmes! Je comprends votre frustration qui est mienne aussi, dés-lors, il faut combattre l’ignorance établi et pousser à une meilleure diffusion en qualité et quantité de la presse écrite. Il ne faut surtout pas oublier de sortir par la petite porte certains journalistes qui, portent mal ce qualificatif et qui font honte à notre paysage médiatique…et ils sont nombreux.

      Mello
      19 juin 2017 - 15 h 22 min

      Comparaison n’est pas raison, oui, alors restons entre nous. A leur arrestation par l’armee coloniale et lors de leur proces devant le tribunal militaire , les femmes et les hommes de la revolution, en guise de reponse aux accusations de terroristes dont on a voulu les charger, eurent a l’unanimite cette reponse : « Non, on est pas des terroristes, on est des revolutionnaires, on veut une Algerie libre et democratique ». La majorite ecrasante de ces militants de la cause independantiste, condamnes a mort, n’avait pas le certificat d’etudes primaire. En depit de leur niveau d’etudes tres bas, ils ont fait preuve d’une intelligence et d’une lucidite politique hors du commun. Mais plus d’un demi siecle apres l’independance, l’Algerie est considerée comme un Etat terroriste (…). Notre pays qui etait un modele dans la production intellectuelle, culturelle et artistique, ne l’est plus aujoud’hui. Il n’y a plus d’elite. Desormais, personne ne craint d’etre malhonnete, l’Algerien ne fait l’eloge de la vertu que lorsque celle ci est a même de redorer son prestige et de renforcer sa position sociale.

    Mello
    19 juin 2017 - 13 h 30 min

    Dans une petite ville du Midi
    Dans une petite ville du Midi de la France, on peut compter facilement jusqu’a mille quotidiens, hebdomadaires, revues specialisees et autres editions destinées a promouvoir le savoir et les valeurs universelles necessaires a l’épanouissement de la citoyennete et de la democratie. A moins de 800 km au sud, un vaste pays , l’Algerie, dont plus de 50% de la population a moins de 30 ans, l’age du savoir. Mais les pratiques morales, intellectuelles et politiques entre les deux rives de la Mediterrannee sont si opposees qu’ on se dit par moment que ce Midi se trouve a des millions d’années-lumière des cotes Algeriennes.
    Il est malheureux de constater que notre pays, tout entier, ne compte pas plus de 300 journaux dont la majorite des responsables et editeurs n’ont aucune relation avec la culture, le savoir et la science de la communication. S’il est vrai que l’art et le genie n’ont pas besoin de tuteurs politiques pour exister, il convient de dire que sans le savoir, sans le genie et sans la science, toutes les sciences, la democratie et la liberte ne peuvent pas etre retablies.

    Anonymous
    19 juin 2017 - 11 h 13 min

    Boudjedra est un grand
    Boudjedra est un grand écrivain. Il a un certain regard propre a lui sur la société algérienne. cette vision est sans doute a travers son prisme personnel façonné par sa propre personnalité. Personnalité construite par sa propre expérience de la vie, son Education et influences intellectuelles ainsi que sa propre synthèse. On peut ne pas être d’accord avec lui sur beaucoup de choses mais une chose est certaine il aime l’Algérie, le peuple algérien et il n’a pas le complexe du colonisé. Le capital de sympathie enregistré lors de l’agression médiatique dont il a été victime, est un support pour un authentique algérien. C’est décevant que des vautours politiques essayent de détourner ce support pour des fins dignes des années rouges et noirs.
    Boudjedra l’indépendant penseur serait-il consentant?

    Anonymous
    19 juin 2017 - 10 h 53 min

    Mon professeur me disait: La
    Mon professeur me disait: La science explique le comment des choses. La religion et la philosophie expliquent le pourquoi des choses. Il a surement inclus dans cette dernière l’idéologie marxiste. C’est amusant d’observer des antagonistes dans « la sphère métaphysique » essayer d’exterminer l’autre à coup d’arguments épuisés de « la sphère physique ». L’intersection des deux sphères est un ensemble vide.

    Dr Knock
    19 juin 2017 - 9 h 40 min

    L’entropie ( dans l’acception
    L’entropie (dans l’acception « manque d’information sur un sujet donné ») élevé au rang de connaissance du non-savoir. La science de l’ascience. Une sorte de théorie des vides vides. Ce qui me fait fulminer c’est ce genre de non-sens : « l’islam des savants est humaniste ». Ce n’est pas vrai, ya boureb ! Les plus grands théologiens sont les plus féroces des misanthropes, à commencer par le plus érudit d’entre eux : Saint Augustin qui a inspiré l’inquisition. Dire qu’une religion est humaniste est un détestable oxymore ! Le rôle des religions c’est au contraire de nous déshumaniser sur la voie de Dieu. C’est transis et repentants qu’on doit arriver dans l’au-delà, et encore en passant par le purgatoire et en expiant nos dernières tentation humaines. L’humanisme est exactement le contraire de la soumission à Dieu : Venant za3ma d’un ex-communiste, c’est épistémologiquement une aberration ! Déjà comme ça dans le noir khlet a3lina, en plus il faut que la religion soit éclairée pour nous débusquer dans nos derniers retranchements ? Chercher à donner un cachet scientifique aux religions, c’est monstrueux! Non, les vrais savants de l’islam n’ont pas le droit d’être humanistes! Et les humanistes n’ont pas le droit…… mais bon, ça, ça ne passera pas la censure. Alors disons inna lillahi wa illayhi radji3oun ou khelli lbaghla tetfahchèche!

      leputois
      19 juin 2017 - 10 h 37 min

      Aucun socle ou assise pour
      Aucun socle ou assise pour assurer ses convictions lorsqu’il s’agit de religions et de sciences (incompatibles). L’abstrait pour l’un où les références sont juste des écrits qui ont probablement évolués depuis, le rationnel pour l’autre où rien n’est affirmé sans la justification palpable. D’autres diront que l’un n’empêche pas l’autre. Oui bien sur , mais là n’est pas le sujet justement. Pour en revenir à « l’islam des savants est humaniste », faut il discerner le terme « savant » de la discipline « théologie »? autrement et en jetant un œil à la fin du premier millénaire on constatera bien qu’on parle par exemple d’Ibn El Haythem éminent astronome, physicien et mathématicien comme l’un des plus grands scientifiques et humanistes….pour le reste je conçois qu’il faille qu’on se rende à Dieu même sans la peau.

      Sirat
      19 juin 2017 - 15 h 32 min

      @ pourquoi s en prendre aux
      @ pourquoi s en prendre aux chemins des autres puisque tous les chemins mènent à Rome??? lu dans le sens opposé,

    zorbalg
    19 juin 2017 - 9 h 39 min

    Quel paradoxe! j’observe que
    Quel paradoxe! j’observe que le chemin le plus court pour aller à Dieu passerait par…Boudj! vraiment!!! et puis cela veut dire quoi intellectuel progressiste 2017? S’afficher 30 secondes par décade pour s’entre’soutenir ? Quand à ressortir une analyse de 90 pour lire un évènement de 2017!!!! Reprenons donc nos esprits. Boudjedra est un écrivain talentueux et le reste, tout le reste, est du khorti!!

    Dr Knock
    19 juin 2017 - 7 h 28 min

    Jamais un raisonnement
    Jamais un raisonnement rationnel, une découverte scientifique qui contrebalance les fondements même de la religion n’a remis en cause l’idée que se font les gens de Dieu. Sinon le Christianisme n’existerait pas aujourd’hui. Aussi croire un seul instant que c’est la vérité sur Dieu qui intéresse les gens c’est tout simplement ignorer que c’est justement le fait de ne pas savoir qui fait croire. Et je dirai même plus : c’est le fait de ne pas vouloir savoir qui fait croire. L’Eglise a fait abjurer Galilée , puis l’a ignorée pendant des siècles , avant d’admettre qu’il avait raison, sans rien remettre en cause. Non, non et non ! Le problème n’est pas dans le fait de rationnaliser ou pas les religions mais de laisser ceux qui veulent rationnaliser en dehors des religions le faire à leur guise. Rationnaliser l’idée de l’existence de Dieu est aussi fumeuse que l’idée de rationnaliser son inéxistance. Comment démontrer qu’une chose qui n’existe pas n’existe pas et réciproquement. L’athéisme doctrinal est aussi foireux que la bigoterie . La solution ce n’est pas de concilier science est religion ou de parler de l’islam des lumières, car s’il y avait eu autant de lumière que ça les gens auraient bien vu que dans l’endroit éclairé il n’y a rien. Boudjedra est avant tout victime de sa duplicité, comme vous ici . La mosquée de Paris a déclaré que l’Aid c’est dimanche prochain : voila un coup porté à théorie de la nuit du doute. L’a3qouva non pas à une nuit du doute par an mais au doute permanent.

      leputois
      19 juin 2017 - 8 h 35 min

      Il y a une bonne dose de
      Il y a une bonne dose de création d’entropie là l’ami. Comment démontrer qu’une chose qui n’existe pas n’existe pas et réciproquement? ça peut alors vouloir dire, en se basant sur le fait que c’est ne pas vouloir savoir qui fait croire, y’aurait il alors un événement auquel Dieu ne serait pas associé? En attendant, on ne cherche nullement à concilier science et religion (d’ailleurs non conciliables à mon avis sur certains sujets), on ne sortirait pas de l’auberge comme on pourrait s’en douter. Eh ben tiens, y aurait il une religion qui aurait esquissé quelque chose sur les dinosaures et les ères préhistoriques? le précambrien, le paléozoïque, le secondaire, le tertiaire…? Ou bien faut il ne pas savoir tout court et on afficherait alors la même position sur tout le reste? Aucune dissimulation de pensée, l’ami…

    leputois
    19 juin 2017 - 6 h 47 min

    Ainsi le créateur aurait
    Ainsi le créateur aurait livré ses créatures à elles mêmes pour s’entre déchirer malgré qu’il ait prôné le savoir et la propreté et qui s’avèrent insuffisants. Alors se pose bien la question (qui est dans l’article) comment les patrons de ce monde réussissent ils .à s’armer de religions pour tromper les peuples? Et si je comprend bien la contre mesure voudrait qu’on s’arme de sciences pour s’en sortir bien qu’une frontière palpable s’érige constamment entre la science et les religions. Je ne sais pas, j’avoue que je suis un peu perdu et que je ne comprend vraiment pas.

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