Exportations alimentaires à intrants subventionnés : plusieurs incohérences constatées

pâtes Exportations
On exporte des pâtes et du couscous dont les intrants sont subventionnés. New Press

Les exportations des produits alimentaires utilisant des intrants subventionnés connaissent certains dysfonctionnements dont le traitement est pris en charge par une Commission intersectorielle qui présentera son rapport à la fin du mois en cours, a indiqué un haut responsable des Douanes dans un entretien accordé à l’APS.

A ce propos, il indique que lors du Conseil interministériel, tenu en juillet dernier sous la présidence du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, consacré à l’examen de la problématique de l’exportation des produits alimentaires utilisant des intrants subventionnés, plusieurs questions ont été évoquées.

Selon le même responsable, «la problématique posée est : qu’en est-il de l’exportation des produits issus de matières subventionnées au-delà des pâtes alimentaires et qu’en est-il du dispositif d’encadrement de l’exportation des produits en question ?»

En outre, ajoute-t-il, «qu’entend-on par subvention : dépense budgétaire (subvention du prix de vente de la matière première) ou même l’exonération douanière et fiscale dont bénéficient certains produits ? Qu’en est-il de l’idée de l’exportation des produits en question moyennant la restitution de la subvention ?».

Faisant une rétrospective de cette problématique, il explique que ce dossier présentait, avant 2009, l’anomalie de l’exportation de produits fabriqués à partir de matières qui sont subventionnés au profit du consommateur en Algérie et non à l’étranger.

«Cette situation a été rattrapée depuis, en obligeant les exportateurs à acheter eux-mêmes de l’étranger ces matières premières et non pas en Algérie auprès de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et de les placer en Douane sous le régime du perfectionnement actif, en assurant une traçabilité de façon que les produits exportés soient en rapport avec les quantités importées, dans une proportion arrêtée par le ministère du Commerce».

Dans ce sens, fait-il valoir, «la douane a veillé à la bonne exécution du mécanisme pour s’assurer que les produits à l’export ne soient pas subventionnés». Par la suite, en 2016, le gouvernement a décidé, dans une approche de promotion des exportations, d’admettre l’idée d’autoriser l’exportation des pâtes alimentaires, moyennant la restitution de la subvention, avec l’institution d’un comité interministériel pour arrêter le mécanisme de la restitution de cette subvention», détaille le représentant des Douanes.

Ce comité a rendu ses conclusions au Conseil interministériel ad hoc et dans lesquelles il a relevé que les inputs utilisés en proportion importante dans les pâtes sont les blés durs, et que les produits exportés, selon les statistiques, sont les pâtes et le couscous.

Il a également été mentionné que des opérateurs-importateurs sous le régime du perfectionnement actif ne bénéficient pas de subvention étant donné qu’ils ne s’approvisionnent pas auprès de l’OAIC mais achètent directement auprès de fournisseurs étrangers. Ils ne sont donc pas concernés par le mécanisme de la restitution. Ainsi, sont concernés par la restitution de la subvention les opérateurs-exportateurs qui s’approvisionnent auprès de l’OAIC ou achètent au marché local.

Se basant sur les données techniques de l’OAIC, il est dégagé une formule de calcul du montant à restituer à chaque exportation des produits en question, note la même source.

Il est aussi proposé que l’OAIC accepte de vendre du blé aux exportateurs au prix de revient non subventionné pour éviter la restitution en aval.

Questionné sur les propositions formulées par les Douanes dans le cadre de la Commission intersectorielle, installée après la tenue du Conseil interministériel de juillet dernier, le même responsable fait savoir que les suggestions sont celles des autres parties prenantes de cette Commission «avec un penchant vers l’achat du blé par l’exportateur au prix coûtant (réel) auprès de l’OAIC et éviter, tant que possible, le mécanisme administratif de restitution».

Par ailleurs, cette Commission intersectorielle, présidée par le ministre des Finances, a été chargée d’élargir l’examen de cette problématique à d’autres produits exportés dont les intrants sont subventionnés, et ce en plus des pâtes. Selon les chiffres des Douanes, le nombre d’opérateurs-exportateurs des pâtes alimentaires est de 20.

Quant au montant des exportations des pâtes alimentaires, il a été de 4,32 millions de dollars en 2016 (6,8 tonnes) contre 5,7 millions de dollars (9,6 tonnes).

R. E.

Commentaires

    Djamel BELAID
    9 août 2017 - 10 h 41 min

    Cet article a le grand mérite de montrer les mécanismes de régulation existant pour le marché des céréales et les cadres patriotes qui tentent de sauvegarder l’intérêt de l’économie nationale. 1 – LE MECANISME DE RESTITUTION: On notera l’existence d’un mécanisme des « restitutions ». Celui-ci est lié à la différence entre le prix du quintal de blé dur à la production (4 500 DA) et le prix du quintal (2500 DA) cédé aux minoteries par l’OAIC. 2 – DROIT A ATTRIBUTION DE RESTITUTIONS: Chacun aura noté que ce droit à restitution s’exerce au profit des propriétaires de minoteries. Cela permet de mettre à la disposition du consommateur la semoule, le couscous et les pâtes alimentaires à des prix abordables. Cela permet également aux transformateurs de dégager des marges très appréciables à tel point qu’une foule d’investisseurs privés s’étant équipés de moulins se pressent aux portes de l’OAIC pour bénéficier de quotas de blé à moudre. 3 – POUR DES RESTITUTIONS AUX AGRICULTEURS – TRANSFORMATEURS: Du fait de ce différentiel de prix, les agriculteurs sont automatiquement exclus du secteur de la transformation. En effet, il est plus intéressant pour eux de vendre leur production de blé dur à l’OAIC que de le moudre et de vendre de la semoule. Certes, grâce au soutien des prix, ils sont assurés pour le moment de vendre leur récolte à 4500 DA/quintal. Mais la faiblesse actuelle des rendements en non-irrigué et l’augmentation du prix des engrais et produits phytosanitaires fait que la marge des céréaliers les moins performants s’érode. Conséquences, ils peuvent être tentés d’accorder plus d’importance à la production de moutons au détriment des céréales. Rappelons que dans les zones les plus sèches, l’élevage de moutons est bien plus rémunérateur que la culture de blé en mode extensif. Afin de consolider la marge de ce type de céréaliers, la solution pourrait être de les encourager à se regrouper en Groupement d’Intérêt Economique. Ainsi il pourraient s’équiper en matériel afin de moudre leurs grains et de vendre de la semoule. Mais, il faudrait pour cela qu’ils bénéficient des fameuses « restitutions ». 4 – QUEL AVANTAGE POUR LE BUDGET DE L’ETAT ? Les pouvoirs publics ont tout intérêt à une telle solution. En créant de la valeur ajoutée, les céréaliers pourront protéger et améliorer leur marge. De ce fait, les pouvoirs publics auront moins besoins de soutenir les prix à la production. Mais pour cela, ils doivent transférer une partie de la rente céréalière actuellement détenues par les minoteries vers les céréaliers. 5 – MINOTERIES, DES CAPACITES EXCEDENTAIRES : On pourrait rétorquer que les capacités des minoteries étant actuellement nettement excédentaire, il ne sert à rien de vouloir créer une nouvelle catégorie de céréaliers-minotiers. Rappelons que l’enjeu est crucial et que les caisses de l’Etat se vident à vue d’oeil. Considérons également deux aspects. Le premier étant que si le revenu par hectare tiré par les céréaliers-minotiers venait à augmenter, ceux-ci seraient plus enclin à intensifier leur production. Le deuxième, les CCLS sont les organismes collecteurs de grains. Elles pourraient donc se charger de développer une activité de minoterie. Pourquoi ne pas imaginer comme dans le cas des coopératives paysannes françaises un tel prolongement de leur activité ? Cela pourrait se faire en s’équipant de neuf, en passant des contrats avec des minoteries à l’arrêt ou en envisageant le rachat de certaines d’entre-elles. Les CCLS auraient ainsi des filiales. 6 – POUR UNE ATTITUDE PATRIOTIQUE DES MINOTERIES PRIVEES: Parallèlement , il ne devrait plus être accepté par les pouvoirs publics que les minoteries privées se contentent d’écraser majoritairement des grains de blé importés. C’est aux minoteries de créer des réseaux d’appui technique à la production et de conseiller les fellahs afin qu’ils améliorent leur technique de production. Certes, le groupe Benamor, Sopi et Métidji développent des embryons de réseaux d’appui aux producteurs. Mais ce type d’approche, développé par des laiteries vis à vis de leurs éleveurs, devrait être généralisé et amplifié dans le cas de la production de blé. 7 – L’AVENIR DE LA FILIERE BLE : On le voit donc, avec la bonne répartition des « restitutions » se joue l’avenir de la céréaliculture, notamment de la filière blé dur. Saurons nous consolider cette filière par une politique de contractualisation entre fellahs et transformateurs privés mais aussi par développement de céréaliers-transformateurs comme cela se fait ailleurs. De leur côté, les agri-leaders céréaliers et les élites rurales se doivent de prendre des initiatives. A eux de créer des associations professionnelles et des G.I.E (pour par exemple grouper leurs commandes d’engrais ou de produits phyto-sanitaires). A eux de se battre pour être plus présent au sein des conseils des CCLS et de formuler des suggestions de réformes dans des instances locales ou telles le FCE et les think-tank nationaux. Car en cas d’échec, la filière céréales pourrait être balayée par les blés étrangers arrivant comme cela a été le cas au Maroc suite à l’adhésion à l’OMC. Djamel BELAID. Ingénieur agronome.

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