La lumière hiémale qui tomba dans la noirceur de la satrapie

Novembre Soummam
La modeste maison où s'est déroulé le Congrès de la Soummam. D. R.

Par Arezki Hatem – Le 20 août 1956 fut un tournant décisif dans la lutte pour l’émancipation du peuple algérien du joug colonial car la rencontre historique tenue dans la vallée de la Soummam, cette féconde région de par son sol arable et ses valeureux combattants et combattantes, avait drapé le soulèvement du peuple algérien de l’étoffe des grandes révolutions ayant émaillé l’histoire de l’humanité. Oui, une révolution qui s’est hissée même aux cimes des luttes révolutionnaires qui ont marqué de leurs indélébiles empreintes le mouvement émancipateur des peuples colonisés.

L’impératif de doter le soulèvement naissant de structures et d’une organisation politico-militaire en mesure de le hisser au rang d’une révolution capable de brasser large au niveau local et international, de mener aussi un combat qui s’annonçait des plus ardents face à une puissance colonisatrice rompue à la pratique de la répression de masse et dotée d’un arsenal militaire à la pointe de la technologie de l’époque, ou succomber au sort des soulèvements dont le manque d’organisation et de stratégie, mènent toujours aux précipices de l’éphémère.

Après les salves de la dignité, l’impératif de doter le mouvement insurrectionnel d’une armature pérenne.

Le 1er novembre 1954 était né dans l’urgence, une sorte d’une naissance prématurée mais vitale pour sortir le peuple de son abyssale léthargie, de lui insuffler l’espoir d’une liberté prisonnière du mythe de l’invincibilité de la France coloniale, une idée renforcée des années durant par les échecs consécutifs de tous les soulèvements ayant précédé la Révolution de Novembre. Mais de jeunes Algériens, la plupart à la fleur de l’âge, pétris dans le creuset du Mouvement national, prirent leur destin en main et décidèrent de passer à l’action armée, seul chemin qui mènera l’Algérie au rivage de l’indépendance. Ajouter à cela le fourvoiement de l’élite politique du Mouvement national qui pataugeait dans de vaseuses de luttes pacifiques et prêtait l’oreille aux mensongères réformes que promettait la France coloniale. La détermination des hommes de Novembre a magistralement réussi à lézarder en profondeur l’épaisse chape de plomb qui réduisait les Algériens à courber l’échine devant un colonisateur si mu par son assurance de rester jusqu’à la fin des temps sur la terre algérienne que les coups, les mitrailles du 1er Novembre lui rappelèrent que dans le substrat révolutionnaire du peuple algérien subsistait toujours la sève de la liberté.

Ainsi donc s’esquissait, au fil des premiers pas de la Révolution, l’urgence vitale d’organiser un congrès rassembleur de toutes les tendances politiques ayant rejoint la Révolution et les pères fondateurs du mouvement insurrectionnel. Abane Ramdane, architecte du Congrès de la Soummam et grand rassembleur de toutes les sensibilités politiques du Mouvement national sous le toit du FLN, avait tenu un rôle prépondérant dans la réussite de cette union nationale dans la lutte contre la colonisation. Certes, il n’était seul dans l’élaboration du nouveau modus operandi de la lutte, mais il a tenu un rôle central dans la réussite du Congrès de la Soummam malgré tous les obstacles dressés, malheureusement, par des frères de lutte pour faire échec à l’initiative de Abane et ceux qui partageaient sa vision de la Révolution. Et il est notable de dire aussi que sans la conjugaison des efforts de valeureux révolutionnaires à l’image de Ben M’hidi, Zighout, Krim, Ouamrane, Bentobbal et autres enfants de Novembre, le Congrès de la Soummam ne serait jamais une réussite.

La primauté du politique sur le miliaire et l’intérieur sur l’extérieur, une conception moderne et démocratique de la lutte armée. Ces deux principes nés des résolutions du Congrès de la Soummam furent le summum de la vision stratégique de leurs rédacteurs, car ainsi ils lancèrent le train de la Révolution sur des rails sûrs et à sa commande un équipage déterminé à le faire aboutir au quai de l’indépendance. Hélas, les adeptes de la primauté du militaire sur le politique – une vision dangereuse et génératrice de violence politique et du pouvoir personnel – ont réussi à remettre en cause les principes fondateurs du Congrès de la Soummam, tantôt par de machiavéliques manœuvres politiques, tantôt par l’assassinat politique dont fut victime Abane Ramdane, la cheville ouvrière de la rencontre d’Ifri. Après la mort de Larbi Ben M’hidi et l’assassinat de Abane Ramdane, l’espoir d’une Algérie démocratique post-indépendante a été enterré, ouvrant la voie à des dérives dont nous subissons à ce jour les désastreuses conséquences.

A. H.

 

Comment (4)

    BERKANI
    28 août 2017 - 18 h 57 min

    Si certaines réformes que promettait la France coloniale étaient « mensongères » d’autres, par contre, furent réelles mais assorties d’un engagement de fidélité et de loyauté à son égard.
    C’est le cas par exemple de la promotion dite « Lacoste » en vertu de laquelle un ingénieur algérien des travaux publics de l’Etat pouvait devenir Ingénieur en Chef, gagnant ainsi près de 25 années d’ancienneté.
    A l’époque coloniale, les ingénieurs algériens se comptaient sur les doigts d’une main et rares furent ceux qui acceptèrent de vendre leur dignité. Certains parmi eux perdirent leur emploi dans la fonction publique après la fameuse grève des fonctionnaires et durent s’exiler. A leur réintégration, ils n’eurent droit qu’à une reconnaissance d’une ancienneté calculée depuis la date de leur licenciement et celle de leur réintégration. Et le comble fut qu’ils se retrouvèrent sous les ordres de ceux qui avaient profité de ladite promotion.

    Nasser
    27 août 2017 - 18 h 44 min

    durant ces132 années d’occupation des jeunes hommes et jeunes femmes donnèrent leur jeunesse et pour certains leur vie pour nous libérer de l’ occupant, nous avons un incommensurable devoir ,celui de ne pas les oublier et une dette , celle de redonner les lettes de noblesses à leur rêve d’ une Algérie démocratique et plurielle. il appartient aux historiens d’ écrire notre histoire,de recueillir les témoignages avant que les mémoires s’ éteignent à jamais et que les falsificateurs nous la confisque. les nouvelles générations ont besoin de connaitre le passé pour ce débarrasser des usurpateurs afin de construire leur avenir en Algérie et non celui de fuir leur pays

    MELLO
    27 août 2017 - 16 h 02 min

    Monsieur Arezki Hatem, merci de nous avoir fait revivre cette grande épopée menée par des hommes qui avaient cru qu’une colonie pouvait devenir une Nation libre et indépendante. Faire revivre le congrès de la Soummam c’est ouvrir la voie à l’espoir et redonner à la nation algérienne confiance en elle-même. Le miracle qui a pu s’accomplir en pleine guerre de reconquête coloniale est, aujourd’hui, à la portée des Algériens et Algériennes. Deux hommes, Ben M’hidi Larbi et Abbane Ramdane ont réussi les premières assises de la  » révolution » , parce qu’ils ont su réussir la préparation de ces assises.
    C’était une entreprise de titans pour qui se rappelle les querelles de personnes , les problèmes entre wilayas et les rivalités qui opposaient les dirigeants des différentes formations politiques invitées à ce congrès. Cet anniversaire est là pour nous rappeler que notre nation a vécu de grandes choses dans son histoire. Elle est montée si haut dans l’affection et l’estime des peuples et des hommes libres du Monde entier. Pourquoi est-il descendu si bas ? Probablement aussi parce que la diplomatie totalitaire a réussi à tromper ces derniers et à les retourner contre les aspirations profondes de cette nation, au nom de la lutte contre le terrorisme intégriste. Le congrès de la Soummam appartiendrait-il, pour autant à l’histoire ancienne.? Bien au contraire, son défi exemplaire à la fatalité s’impose plus que jamais au présent puisqu’il peut constituer l’une des clefs pour un avenir de justice de liberté et de réconciliation. Tirer des leçons des expériences passées, apprendre aux jeunes délibérément coupés de nos longues traditions historiques de luttes, à déjouer les techniques policières de provocations et de récupérations subtiles, est aussi une façon de leur rendre un hommage permanent.

    LE NUMIDE
    27 août 2017 - 13 h 48 min

    C’est faux de dire que Abane a échoué. Au contraire l’Idéal nationaliste algerianniste universel de Abane et de ses camarades a réussi. C’est sa conception de la nation algérienne dans ses grandes lignes force qui prévaut aujourd’hui et sous laquelle nous vivons. Cette conception historique de la Nation est certes menacée par les tenants baathistes puis wahhabites (les baathistes sadamiens se sont ensuite convertis au wahhabisme saoudien, c’est la même graine) du projet califal et impérial Ommeyade de destruction de la Nation et son remplacement par la Satrapie, mais ils n’ont pas réussi et ils ne réussiront pas (et ils le savent, car ils réveilleront les enfers du volcan nationaliste anthropologique berbère pire qu’en 1992 qui cette fois va emporter non seulement les mercenariat Carthaginois local, mais aussi leurs émirs et rois arabes à l’échelle mondiale au vu de la situation qui prévaut au Moyen Orient et les guerres dans lesquelles ils pataugent).
    C’est une mauvaise vision d’enseigner Abane comme un perdant, alors qu’il a réussi sur le plan algérien et maghrébin à créer du miracle de la révolution anticoloniale. Idée de la Nation perdue depuis Massinissa et revalorisée et rehaussée de conceptions modernes comme la république et la citoyenneté et de donner ce modèle de la Nation et du Nationalisme aux peuples musulmans et africains jusque là croupis soit dans la conception de la tribu soit de l’empire et du califat… Abane doit être enseigné comme un fondateur de ce qui EST et de ce qui sera dans l’avenir des peuples et des nations Berbères et de l’Humanité, plongée dans les ténèbres de l’injustice et de la soumission… Nous y reviendrons !

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