La justice ordonne la dissolution de l’entreprise éditrice de La Tribune

La Tribune
Sit-in des journalistes de La Tribune à la Maison de la presse, en août dernier. New Press

Par Sadek S. – Le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a ordonné ce matin la dissolution de la société OMP éditrice du quotidien La Tribune et la désignation d’un liquidateur. Dans un communiqué rendu public en début d’après-midi, les héritiers Ameyar, fondateur de La Tribune, se sont dit anéantis par cette décision. Ceci, disent-ils, «est d’autant plus choquant que la loi impose des conditions strictes pour parvenir à cette limite extrême qui fait perdre leurs emplois à des dizaines de travailleurs chargés de famille». Aussi, les héritiers Ameyar posent la question de savoir si le juge du référé, juge provisoire qui ne statue que dans l’urgence et qui ne peut examiner les conditions exigées par la loi, peut prononcer la dissolution d’une société.

A rappeler qu’au lendemain du décès en juin dernier de Bachir Cherif Hassan, le directeur de La Tribune, deux actionnaires ont demandé au juge du référé la liquidation de la Sarl OMP après avoir invoqué la situation financière difficile que traverse l’entreprise.

A rappeler qu’une centaine de journalistes de différentes rédactions se sont retrouvés le 21 août dernier à la maison de la presse Tahar-Djaout pour soutenir le collectif de La Tribune et dénoncer la décision de deux actionnaires minoritaires de faire cesser la parution du titre. Ce rassemblement avait été l’occasion de prises de parole de journalistes qui avaient refusé la mort de ce journal, appelant la société civile à s’impliquer, dès lors qu’il s’agit de défendre aussi la liberté, au-delà de ce journal.

Pour rappel, le collectif de La Tribune avait rendu public la veille un communiqué dans lequel il avait rappelé sa détermination «à résister pour défendre le titre qui a compté dans le paysage médiatique algérien du pays». Il s’était dit considérer qu’«aucune décision d’ordre commercial ne peut et ne doit priver le citoyen de son droit à son journal chaque matin». Les journalistes de La Tribune avaient ajouté que «la perte de La Tribune dans l’indifférence peut constituer un précédent grave annonciateur de mauvais jours pour toute la presse nationale qui s’est imposée, malgré son jeune âge, comme une force citoyenne, contribuant grandement à l’élargissement des espaces démocratiques et de la libre pensée en Algérie».

S. S.

Comment (3)

    Algérie martyrisée!
    6 septembre 2017 - 20 h 08 min

    des conditions de jugement plus que louche , une justice saisie par des actionnaires minoritaires … mais on est où???? il semble que ce soit hala pour tous ces khorots arabisants , liquider un titre francophone, voilà une bonne nouvelle pour les khorots intégristes kharabistes au mépris de la loi républicaine dont tout le monde semble se fiche! c’est juste écœurant de mauvaise foi et de lâcheté!!!! bonne chance à la tribune espérons qu’il soit sauvé!

    MELLO
    6 septembre 2017 - 16 h 24 min

    Excuse moi , mon cher Mahdi de vouloir empreinter ce billet de toi sur notre ami Kheireddine Ameyar , resté vivant au fond de nous-mêmes;
    –  » C’était vers les coups de 19 heures, un jeudi 9 juin 2000. Nouredine Azzouz, attristé, abattu, et tout aussi fébrile, m’appelle à la maison. « Il l’a fait » (Darha!). Je demande: « Qui, quoi, Kho? ». Il me répond: « Kheireddine a passé l’arme à gauche ». Je suis assommé. Je mesure la gravité de la situation. Ameyar, Kheireddine, « la grosse gueule », le journaliste, le « native son » d’Alger, le fils de la Casbah, le supporteur invétéré de l’USM Alger, le rare journaliste algérien avec sa barbichette à la John Custer et ses lunettes à la John Lennon, qui appréciait plus la chique que la cigarette (comme un véritable « Belda »), n’est plus. Gros moment de stupeur.
    Je suis abattu, moi aussi. C’est un moment de grande tristesse pour moi. Car cet homme, qui aimait l’Algérie jusqu’à se tuer, était devenu un grand ami, un exemple, qui me demandait souvent conseils pour la confection de sa Une, celle de La Tribune, alors que j’étais retourné depuis 1993 à l’APS, à la « maison » après une escapade qui m’a fait découvrir les cruautés de la jungle médiatique, le monde hors des remparts psychologiques et politiques aseptisés de l’Agence…. À l’époque où La Tribune était encore en gestation, avec une équipe très ambitieuse constituée des plus belles plumes, je dis bien et je pèse mes mots, des plus belles plumes jusqu’à aujourd’hui, que la corporation possède. Il y a d’excellents journalistes en Algérie. Mais ceux-là, ce sont mes amis, et je m’arroge donc le droit de dire qu’ils sont les meilleurs. Mais, lui, il voulait plus. C’est à ce moment, c’était au printemps 2000, que j’ai senti combien était profonde la blessure de cet homme. Il m’a paru soudain blasé. Il dit qu’il en a marre de tout. Une grande tristesse transparaissait des mots qu’il me lançait. Je n’ai osé, je ne me rappelle plus, allumer une cigarette. Je le respectais beaucoup. J’appréciais les conversations avec lui. Et il m’a parlé de son désespoir de voir l’Algérie aller dans le bon sens. Son dépit de ne pouvoir faire quelque chose pour le pays. Sa rage de voir que tout allait de travers. Je n’ai pas beaucoup connu assez l’homme, mais assez pour dire que Kheireddine Ameyar était dans son genre un passionné, un vrai patriote, un homme qui avait l’Algérie au cœur. Mais, je ne mesurais pas suffisamment à cette époque, qu’il était vraiment au fond de l’abîme. Dans le plus noir des désespoirs. Un signe qu’on n’avait pas « saisi », il avait commandé durant cette période un dossier sur le… suicide. Et il est parti à jamais juste après la publication de ce dossier? Était-ce un message? Comment le décrypter, après tant d’années? Ameyar était un puits de savoir. Un journaliste accompli. Et, à côté de lui, il y avait une belle équipe, comme dans le football, ceux de la défense, avec les papiers et analyses politiques sur l’actualité chaude de cette époque (nous sommes entre 1991 et 1993), les attentats terroristes qui menaçaient la stabilité du pays alors qu’à l’extérieur la passivité complice compliquait la situation interne, les caisses du pays étaient presque vides et se profilait alors l’ajustement structurel du FMI. Et puis comme Ameyar refusait les carcans, il a voulu avoir son propre journal, sa propre idée du journalisme qu’il tenait à concrétiser en construisant un grand titre de la presse nationale. C’est de là qu’est née l’idée de la création de La Tribune ».
    Maintenant que l’école a fait son oeuvre, une oeuvre de destruction massive, personne ne lit , personne ne comprend le véritable problème de LA TRIBUNE, ce quotidien qui se situe au dessus de la mêlée. En cela, La Tribune reste jusqu’à aujourd’hui pionnier, un exemple, car rare sont les journaux algériens, dans les instants même où cette chronique est écrite, qui respectent ce principe sacro-saint de la déontologie: la signature d’un papier, une dépêche. De cœur et d’esprit je suis avec LA TRIBUNE.

    Bouchemat
    6 septembre 2017 - 14 h 47 min

    je ne peux que m’incliner , à la mémoire du défunt Khireddine Ameyar, fervent défenseur de la libre expression.

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