La faute à Darwin

Darwin
Résultat de l'évolution des espèces ? Sélection naturelle ? D. R.

Par Saadeddine Kouidri – Durant l’émission intitulée «L’homme peut-il devenir Dieu ?» diffusée le 14 septembre sur France 5, Yuval Noah Hariri est présenté comme l’intellectuel le plus influent de la planète. Ses deux livres Homo deus et Sapiens sont édités à des millions d’exemplaires. Il était parmi les invités de François Busne qui lui a demandé : «L’être humain n’est pas un individu, écrivez-vous, mais un algorithme… Qu’est-ce qui vous permet de poser une telle affirmation ? Nous on pensait qu’on était des individus dotés de volonté et de liberté et vous nous dites : pas du tout et c’est la faute à Darwin. Qu’est ce qui s’est passé et que sommes-nous ?» Réponse de l’historien : «Oui, fondamentalement, c’est le résultat final de la pensée darwinienne, l’individualisme, le libre-arbitre ne sont que des mythes. Ce n’est pas ma vision personnelle, c’est une belle vision, c’est la vision dominante aujourd’hui dans les sciences de la vie et dans la plupart des sciences d’ailleurs.»

Suite à cette réponse, la question qui coule de source, à mon avis, était : «Pourquoi l’auteur de deux best-sellers attribue-t-il l’individualisme qui est, comme nous le savons tous, le produit de la société capitaliste, à Darwin ?» La question ne lui a pas été posée ! On se la pose ici.

Darwin a écrit en 1859 L’Origine des espèces, un ouvrage dans lequel il expose la théorie de l’évolution qui devient la base de la science de la nature où il donne le nom de «sélection naturelle» à cette «conversion des différences et des variations individuelles favorables et à cette élimination des variations nuisibles». Son manuel booste la vie intellectuelle en général.

La sélection naturelle est perçue en premier lieu comme l’élimination du plus faible. Cette première compréhension reste dominante à ce jour, alors qu’en 1871 Darwin écrit La Filiation de l’Homme où il démontre que la sélection naturelle finit par s’humaniser grâce aux instincts sociaux jusqu’à voir surgir ce comportement qui relève de ce joyaux de la morale qui dit «fais à autrui ce que tu voudras qu’on te fit». Grace à cette morale, la sélection naturelle darwinienne n’est plus dans l’élimination, mais dans l’évolution pour la protection des plus faibles. C’est le premier signe de la civilisation. Dès lors, on peut dire que le revers à l’élimination de la sélection naturelle est entamé. L’instinct social serait le hiatus, sélectionné par la nature, pour permettre l’entame de la civilisation.

Si on ne fait pas la différence entre le darwinisme dont la compréhension a mené certains philosophes et scientifiques à l’eugénisme et la morale, on ne comprendra jamais pourquoi des antifascistes, à une période, se meuvent en tortionnaires. Ce cas est illustré par ces officiers supérieurs de l’armée française, résistants antinazis pendant la Seconde Guerre mondiale et tortionnaires, dans les luttes du mouvement de libération de Vietnamiens, d’Algériens, etc. Ou cet autre exemple : des officiers supérieurs des services secrets torturant des enfants en Octobre 1988.

Ne pouvant empêcher son enseignement, ne pouvant interdire complètement ses livres on a tout simplement propagé l’anti-darwinisme, ou ce qui est appelé le darwinisme social. Le dernier éditeur de L’Origine des espèces a préféré revenir en 2008 à la première édition, celle de 1859, à cause des erreurs introduites, mais aussi aux ajouts dus aux pressions des idéalistes que subissait l’auteur.

On peut dire aujourd’hui, vu les résultats catastrophiques de l’expérience communiste, que Darwin a été mal lu au temps de l’URSS et, parallèlement, a été idéalisé par des philosophes pour nuire à ses observations et à ses théories scientifiques, particulièrement à la théorie de l’évolution, et pour satisfaire les gardiens du temple Divin qui se logent dans la papauté et entretiennent l’Idéologie des maîtres du moment. C’est la raison pour Freud de lier le nom de Darwin à celui de Copernic.

Mettre les pieds dans le plat de l’époque avec cet extrait : «Les sauvages de la Terre eux-mêmes attachent une si grande valeur à leurs animaux domestiques qu’ils préfèrent, en temps de disette, tuer et dévorer les vielles femmes de la tribu, parce qu’ils les considèrent comme beaucoup moins utiles que leurs chiens.» Je serais tenté de paraphraser cet extrait de la page 85 de L’Origine des espèces de l’édition GF 2008 et revenir à l’actualité. Aujourd’hui, les capitalistes attachent une si grande valeur au pétrole qu’ils préfèrent, en temps de pénurie, bombarder et ensevelir les Palestiniens, les Irakiens, les Libyens, les Syriens, les Somaliens, les Yéménites… parce qu’ils les considèrent comme beaucoup moins utiles que leurs activités économiques.

«A mesure que l’homme avance en civilisation et que les petites tribus se réunissent en communautés plus larges, la plus simple raison devrait aviser chaque individu qu’il doit étendre ses instincts sociaux et ses sympathies à tous les membres d’une même nation, même s’ils lui soient personnellement inconnus. Une fois ce point atteint, il n’y a plus qu’une barrière artificielle pour empêcher ses sympathies de s’étendre aux hommes de toutes les nations et de toutes les races. La sympathie portée au-delà de la sphère de l’homme, c’est-à-dire le sentiment d’humanité envers les animaux inférieurs, semble être l’une des acquisitions morales les plus récentes.» On constate que la conception qualifiée de gladiatrice hier et d’individualiste aujourd’hui est dénoncée dans ce paragraphe, tiré de La Filiation de l’Homme.

Pour notre grand évolutionniste, le social est une propriété émergente du biologique. Il est naturellement incompatible avec l’individualisme. Quant à la société capitaliste, elle le cultive pour nucléariser la société et empêcher toute solidarité. Le but est de maintenir la règle de l’obéissance chère à l’église qui permet la servitude et l’exploitation de l’Homme.

Nous devons quant à nous cultiver la solidarité grâce aux sciences pour pouvoir préserver la dignité dans la société car les économies aujourd’hui sont entre les mains d’hommes puissants dépourvus de sentiment qui poussent les désespérés à croire qu’on ne peut vivre dans ce cas qu’en étant un dieu.

Nous savons que l’Homme a des imperfections et un manque flagrant d’expérience, à cause de cette évolution rapide qu’il ne peut maîtriser avec des moyens archaïques. En domptant le numérique et les sciences actuelles comme il le fait aujourd’hui et en exigeant une politique conforme aux intérêts de la majorité, il a aujourd’hui plus qu’hier la possibilité de dépasser le système capitaliste. Ce n’est plus une utopie sachant que le monde est depuis des décennies à la limite de la survie, à cause de l’armement nucléaire entre les mains d’un Trump et pas seulement. A cause aussi de l’exploitation effrénée et la pollution qu’elle entraîne. Face à cette situation, le marchand de rêve propose l’éternité et non la vie. L’écrivain est dans son droit. On ne peut lui en vouloir. C’est sa liberté.

A signaler que sur le plateau de l’émission de François Busne, on a assisté au lynchage de la seule invitée qui voulait assumer son athéisme avec une lâche neutralité de l’animateur.

S. K.

Comment (10)

    Don Quichotte
    4 octobre 2017 - 17 h 21 min

    Article excellent.
    Il n’y a rien à ajouter.
    Suis en plein accord avec son auteur: SK

    ilias
    24 septembre 2017 - 22 h 36 min

    Tout comme pour le philosophe hobbes qu’on lui fait dire »l’homme est un loup pour l’homme », et on s’arrête, la même méprise est faîte pour darwin quand on lui fait dire que l’évolution se fait par la selection naturelle… , et on ajoute comme une évidence le recours immédiat au levier unique de la force/puissance vitale de l’être vivant.Ces 2 troncatures de textes faîtes : notre compréhension de la philosophie anthropologique de Hobbes tout comme celle de la théorie de l’évolution de Darwin, sont complètement faussées.
    Pour hobbes, la sauvagerie animale n’est prépondérante chez « l’homme » que dans la phase historique de vie solitaire de l’être anté ou proto-humain.Et cette vie solitaire se déroule dans l’état de nature à ressources réduites de recherche, coûte que coûte, de sa propre survie.
    De par la nécessité d’avoir une force collective et certains outils de multiplication de la puissance de ses capacités musculaires et morphologiques de son corps face à des êtres vivants de taille et de force très supérieure à la sienne, l’homme est sorti de son état de nature pour se socialiser avec ses semblables pour pouvoir entamer la chasse et la cueillette de sa subsistance.Hobbes dit clairement ceci : l’homme est un loup pour l’homme DANS L’ETAT DE NATURE.
    Dans une vie sociétale, il agit autrement avec de la coopération, la solidarité et l’échange de compréhension au sein du groupe, de la tribu ou de la communauté primaires.
    Pour darwin, le levier principal de la selection naturelle est sans conteste la création de capacités d’adaptation de l’espèce au travers d’une relation dialectique avec ses individus face aux formes de déploiement des autres espèces d’être vivant, à son égard.
    Ce n’est pas la force brute qui impose dans le phénomène de la selection naturelle, mais c’est bien les subtilités de l’adaptation au milieu environnant :
    __ pour subvenir à sa nutrition face à la rareté des ressources diponibles d’un côté, et
    __ le dépassement des risques et dangers encourus dans la lutte pour la survie avec les autres espèces.

    Anonyme
    24 septembre 2017 - 8 h 41 min

    Allah à créer se monde , l’espace , les galaxies youtes les espèces vivantes , les atomes et les nano atomes, Qu’Il repliera comme un parchemin le jour que Lui seul a décidé.
    « Il n’échappe à ton seigneur ni le poids d’un atome sur terre ou dans le ciel, ni un poids plus petit ou plus grand qui ne soit déjà inscrit dans un livre évident ». [Yunus : 61]. Ce verset témoigné de la précision du Noble Coran quant au coté scientifique. Et Il le recréera quand Il le voudra.

      zaatar
      24 septembre 2017 - 10 h 14 min

      D’après la science l’ami Anonyme il n y aura pas de repli comme un parchemin. La mise en évidence de l’énergie noire a tout chamboulé d’un coup. En effet, la technologie ayant évoluée on est plus précis maintenant dans la mesure des vitesses des objets célestes. Et comme tout le monde croyait que la gravité ralentissait les objets de l’univers, tout le monde pensait que ça va vers un ralentissement puis une contraction. Il n’en est rien. La vitesse mesurée croit sans cesse. ce qu i veut qu’il y a une force qui contrebalance la gravité au point de faire augmenter les vitesses des galaxies. Cette force provient d’une énergie que l’on ne connait pas et que l’on a appelée énergie noire. Par contre les différences de vitesses ont bel et bien été mesurées…ce qui se traduit par une expansion infinie…et donc pas de repli…Ce sont là les mesures concrètes faites par les astronomes avec les dernières techniques mises au point.

    BEKADDOUR Mohammed
    23 septembre 2017 - 17 h 26 min

    Le titre de l’émission, (Que je n’ai pas suivie), laisse entendre de ses auteurs que Dieu Existe, qu’ils le connaissent, que l’homme, créature parmi d’autres, est susceptible d’égaler Dieu, auquel cas, imaginez le nombre de « Dieu » qui serait sur Terre… Depuis La Renaissance en Europe, juste après La Reconquista, et la régression des musulmans, Europe vit comme la Chèvre de Monsieur Seguin, la photo qui accompagne l’article a quel sens ! l’invention de l’imprimerie, la diffusion de la Bible, jusque là réservée, l’exercice de la raison, le développement des découvertes, l’anarchie des pensées libres, le doute, ont enfanté d’impensables crimes, et mis la Terre dans l’état qui est le sien, et ça ne semble pas prêt à la bonne conclusion, tiens, ces « migrants », qui vont vers nulle part, c’est aussi Darwin, mais en Eddar Ouine ?

    LE NUMIDE
    23 septembre 2017 - 15 h 21 min

    les seuls qui veulent se prendre pour des dieux sur Terre actuellement sont les Pontifes du Sionisme judaique juif et les Prêtres du Whabisme islamiste arabe .. Alors que toute l’Humanité se dirige vers un processus philosophique humaniste ou la relativité du monde est un corolaire de l’empirisme de la Raison , pour entrevoir une forme d’espoir mesuré et pacifié de l’homme , au lieu de la Démesure vorace du Messianisme , on voit ces deux théologies sémitiques de la Terreur , de la Puissance , de l’Idolâtrie et du Mensonge avancer avec le masque du Totem et du Tabou sur les cadavres et sur les décombres d ‘un monde en faillite , en criant : place à Dieu ! C’est quoi ce Dieu ? leur Dieu du Dollar et de la Terreur sans l’Homme et sans la liberté des hommes

      Abdelhamid
      24 septembre 2017 - 5 h 39 min

      Et surtout sans la femme

      zaatar
      24 septembre 2017 - 7 h 59 min

      Erreur l’ami le Numide, C’est tout le monde qui voudrait se prendre pour Dieu et si les moyens leur étaient donnés ils écraseraient tout le reste de la planète. la nature de l’homme est ainsi faite, il suffit de remonter l’histoire pour s’apercevoir que les luttes pour la domination de l’autre sont quasi incessantes et toujours plus aiguës et subtiles en même temps. Les guerres et les compétitions pour la domination de l’autres évoluent aussi et prennent d’autres aspects au fur et à mesure de l’évolution de l’homme sur la planète et son impact sur le développement de son environnement. Mais il garde en lui ce gène caractéristique qui fait de lui le prédateur numéro un sur la planète et le compétiteur le plus aguerri dans le souci d’asseoir sa domination sur toute la planète. Elle est dans chaque être humain. Et tous activent dans ce sens et chacun se range à sa place en fonction des moyens dont ils disposent dans la lutte pour la domination d’autrui. Les juifs activent avec leurs armes. Et s’ils pouvaient anéantir tout le reste du monde ils le feraient sans hésiter. Les musulmans pareils. Les asiatiques, les européens…tous sans hésiter. Et vous conviendrez qu’en ce moment c’est le rapport de force entre les différentes factions qui atténue les ambitions de chacun…alors la malice, l’hypocrisie, la traîtrise, s’invitent dans la bataille…c’est à qui jouer le mieux des biceps et de la cervelle.

    Zaatar
    23 septembre 2017 - 13 h 48 min

    Entièrement d’accord par le fait que l’homme est un sous-algorithme. Il est clair que toute la matière est régie par les forces de la nature. ces dernières agissent sur la matière de différentes façons, selon les valeurs des paramètres de l’environnement. Avec le fait que toute l’énergie initiale de la création qui ne peut ni disparaitre ni être recréée mais juste être transformée (la valeur totale est la même, c’est juste son utilisabilité qui change), l’algorithme de tout être ou de toute association de matière a une fin… c’est à dire rien n’est éternel, et l’évolution est constante induite par les contraintes de l’environnement sur la matière et réciproquement….
    Moralité de tout cela, lorsque l’énergie totale ne sera plus utilisable (mais elle existera toujours) alors ça sera la fin des haricots pour tous les êtres de l’univers.

    Karamazov
    23 septembre 2017 - 10 h 29 min

    Je pense que la théorie de la sélection naturelle ne signifie pas la disparition des plus faibles sinon il ne resterait qu’une seule espèce dans la nature :la plus forte.
    Non, la sélection naturelle n’élimine pas les plus faibles, mais les moins combatifs et les moins déterminés; les roublards, les rusés, les tire-au-flanc, les resquilleurs survivent aussi.
    Et enfin, il ne faut pas réduire la nature à l’homme et réciproquement.

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