Interview – Le Cour Grandmaison : «Le Sila pratique une censure inacceptable»

Olivier Le Cour Grandmaison
Olivier Le Cour Grandmaison. Photo/ Ghada Hamrouche

L’universitaire français Olivier Le Cour Grandmaison n’y va pas de main morte pour qualifier le commissaire du Salon international du livre d’Alger. L’auteur de L’Empire des hygiénistes. Faire vivre aux colonies, qui a décidé de boycotter le Sila par solidarité avec deux écrivains algériens «exclus», affirme ne pas vouloir «se laisser intimider par l’oukase méprisable» des organisateurs de ce rendez-vous littéraire de plus en plus critiqué.

Algeriepatriotique : Vous avez décidé, avec d’autres universitaires et historiens, de boycotter la prochaine édition du Salon international du livre d’Alger, en signe de solidarité avec deux de vos confrères algériens qui s’en trouvent exclus. Avez-vous eu des explications sur cette interdiction ? Pensez-vous que, par votre geste, les organisateurs de cette manifestation puissent rectifier le tir ?

Olivier Le Cour Grandmaison : L’information relative à l’exclusion de Daho Djerbal et de Aïssa Kadri d’une table ronde à laquelle je devais participer m’a été communiquée par les intéressés eux-mêmes. Peu après, j’ai pris connaissance des articles publiés dans la presse algérienne et de la position salutaire de la Ligue algérienne des droits de l’Homme. Il est clair que cette décision arbitraire est un acte de censure inacceptable qui fait suite à la signature, par les intéressés, d’un appel à une élection présidentielle anticipée en Algérie. Telle serait donc la «faute» terrible commise par Daho Djerbal et Aïssa Kadri qui justifierait la décision du commissaire du Salon international du livre d’Alger ? C’est grotesque et ce serait dérisoire si cela ne portait pas atteinte à des droits et libertés démocratiques fondamentaux.

Hamidou Messaoudi, le commissaire du Sila, mérite bien son titre à ceci près qu’il faut y ajouter l’adjectif politique. Commissaire politique, donc aux ordres du pouvoir ou les devançant par servilité et pour continuer d’être en cour. A la bonne heure. Il semble confondre la direction d’un événement culturel majeur et attendu avec celle d’une brigade de gendarmerie. Dans ces conditions, je ne pouvais que refuser d’être associé à ce qui n’est plus qu’une mascarade de débat pluraliste. Les atteintes portées à la liberté d’expression sont partout inacceptables et elles doivent être partout dénoncées. Dont acte. Le fait que M. Messaoudi, en dépit des protestations nationales et internationales, justifie son acte de censure, et le silence persistant des autorités, prouvent qu’une telle décision est soutenue en haut lieu, comme on dit, ce qui est de mauvais augure.

Au-delà des cas de Djerbal et de Kadri, il s’agit, à n’en pas douter, d’envoyer un signal à toutes celles et à tous ceux qui ne se satisfont pas de la situation actuelle en Algérie, en leur signifiant très clairement que la moindre prise de position critique sera sanctionnée d’une façon ou d’une autre. Raison de plus pour ne pas se laisser intimider par l’oukase méprisable de ce commissaire.

A l’occasion du 56e anniversaire des événements du 17 Octobre 1961, plusieurs ONG françaises ont récemment rappelé au président Macron ses engagements sur la reconnaissance par la France des crimes de la colonisation. Pourquoi, à votre avis, hésite-il à passer aux actes, alors que sa déclaration à Alger avait fait naître de réels espoirs ?

Précisons tout d’abord que l’Appel au rassemblement à la mémoire des centaines de victimes algériennes tuées à Paris et dans la région parisienne le 17 octobre 1961 par des policiers placés sous l’autorité du préfet Maurice Papon est un appel unitaire signé par de très nombreuses associations, syndicats et organisations politiques. Relativement au président de la République, qui trahit, en effet, les espoirs qu’il avait fait naître lors de sa déclaration à Alger en tant que candidat, il se comporte, en ces matières, comme tous ses prédécesseurs. Des mots forts assurément, puisqu’il avait qualifié la colonisation de crime contre l’humanité, auxquels succèdent le silence et l’inaction. Scénario hélas classique qui se répète année après année. En ce domaine, comme en beaucoup d’autres, il n’est pas possible de satisfaire tout le monde. Emmanuel Macron a donc choisi de céder devant une partie de son électorat et, au-delà de ce dernier, de donner des gages à la droite sur des questions qui suscitent toujours de vives polémiques. Alors que plusieurs courriers ont été envoyés il y a peu à la présidence de la République dans lesquels les signataires, j’en étais, demandaient à être reçus pour traiter de la question de la reconnaissance des crimes coloniaux, nous n’avons eu ni réponse ni même un accusé de réception. Après le silence, le mépris donc ; belle preuve, une fois encore, de la pusillanimité des responsables politiques français qui, à la différence de nombreux homologues étrangers, refusent de reconnaître les massacres, les spoliations, les déportations et j’en passe, commis à l’époque coloniale en Algérie et dans les autres territoires de l’empire.

Face à l’offensive que mènent les nostalgiques de l’Algérie française, qui sont souvent liés à l’extrême-droite, on sent comme un reflux des dirigeants actuels sur ce débat. Où en êtes-vous dans la campagne que vous menez pour débaptiser les rues portant le nom du général Bugeaud et déboulonner ses statues ?

Je pense et je souhaite que, d’une façon ou d’une autre, cette campagne se poursuive, entre autres, lors de la quinzaine anticoloniale qui doit avoir lieu au mois de mars 2018. De nouvelles initiatives seront très certainement prises à cette occasion pour rappeler qu’il est inacceptable que les statues de Bugeaud, bourreau des Algériens et ennemi des institutions républicaines qu’il a toujours combattues, demeurent dans l’espace public.

Propos recueillis par R. Mahmoudi

Comment (6)

    Algérie Authentique
    20 octobre 2017 - 18 h 24 min

    la constitution algérienne consacre la liberté d’expression , alors comment brimer ces écrivains qui ne font qu’exprimer leurs opinons , que je sache ils n’ont pas de divisions de blindés à leur service! je crois qu’on gagnerait à être moins parano tout en restant vigilant comme le font les français d’ailleurs !

    Anonyme
    19 octobre 2017 - 22 h 25 min

    Toi, on sait que tu es un spécialiste de « l’inclinaison » devant tout ceux qui, à un degré ou à un autre, tapent sur l’Algérie.

      Anonyme
      20 octobre 2017 - 18 h 25 min

      signé messaoudi himself ou son proche parent:-D

    Anonyme
    19 octobre 2017 - 20 h 48 min

    J aime la dernière question posé a ce MR ; elle est une question et une réponse à la fois indirectement ; il parle avant tt en tant que Français avt d’être Universitaire ou défendeur de gens et je peux comprendre car c’est un patriote Français avt toute chose et c’est légitime bcps devraient s en inspiré chez nous; ses deux écrivains algériens entre guillemets qui aillent faire signer aux peuples algériens et aux publics algériens au salon du livre d Alger ; ce serai plus courageux déjà…;et toi Mr le Cour Grand Maison ; on va faire court ds ce cas la ;va déboulonner les statues indéboulonnable ds ton pays et débaptiser les rue de racistes et criminels de guerres; après on pourra discuter ou t écouter….car à vouloir défendre plusieurs sujets commencez déjà par celui qui vs concerne vous et votre pays ; ns avons pas besoin de porte parole et ses écrivains ne représente qu eux mêmes et ce qui les soutiennent ds leur démarche qui n a pas de liens avec le salon du livre ; a vs en déplaire.
    les deux écrivains algériens aller ds ttes les wilaya voir les algériens et faites leurs signé ceux qiue vs voulez ; mais n attendez pas comme un tremplin le salon du livre internationale qui est culturel et non politiques ; enfin la politique intérieure et les affaires algériennes ds son territoire n appartient qu aux algériens ; encore moins les étrangers. soyez courageux allez voir le public algériens au salon ou ds ls rues algériennes ; c’est pas ceux qui manque ; faites signé les concernés d abord ensuite vs pourrez interpellez d autres étrangers .

    Anonyme
    19 octobre 2017 - 20 h 11 min

    il faut reconnaître une chose à ce plumitif inconnu et « conseiller » (à ses heures perdues ») des services spéciaux de son pays, grands parrains ou mécènes (selon du côté où l’on se place) des transfuges des services spéciaux d’autres pays qui se recyclent dans l’écriture (ou la littérature) sur des sujets accrocheurs avec de (très) grandes chances de trouver des éditeurs hexagonaux pour les publier et leur offrir un bon tremplin pour la notoriété jusqu’à l’obtention d’un prix littéraire dont l’octroi suit les mêmes méandres que le Nobel de la Paix eu de littérature. Donc ce monsieur utilise des tons et des intonations propres aux colonisateurs envers les anciennes colonies, leur déniant le droit le plus simple à la souveraineté. Qu’on se rappelle l’injonction (« il faut! ») de l’ancien Président français Mitterrand** le lendemain de l’instauration de l’état de siège et de l’arrestation des dirigeants du FIS. Mais dites-nous par quelle distorsion de la liberté d’expression à géométrie varialble chez vous, la vente du Saint Coran est interdite dans les librairies hexagonales?
    Alors, nous vous prions de vous occuper de vos salons du Livre et souffrez qu’on s’occupe du notre et, reconnaissez au moins que nous avons le droit au moins de n’inviter que ceux que nous apprécions.
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    **[Pour ce Grandmaison = Le Cour(te)mémoire] Mitterrand était ministre de l’intérieur en 1954 lors du déclenchement de la guerre d’Algérie. En visite dans les « départements français d’Algérie » dans la première semaine de novembre 1954, il eut cette formule lapidaire en réponse aux intellectuels de la gauche française qui conseillaient de « négocier »: « La négociation c’est la guerre ! ». Quelques gouvernements (éphémères) plus loin et devenu ministre de la justice, c’est ce sinistre Mitterrand qui signa l’exécution par la guillotine (que vous pouvez, Monsieur Le Cour(te)mémoire voir à Serkaji à Alger) de pas moins de 13 patriotes dont le crime fut de réclamer l’indépendance de lerur pays, l’Algérie). C’est toujours lui qui ordonna à la justice dont il était ministre, en pleine bataille d’Alger de livrer Larbi BenM’hidi à Massu, Bigeard et Aussaresses.

    Abou Stroff
    19 octobre 2017 - 10 h 56 min

    je ne puis que m’incliner devant la probité, le courage et la classe de Monsieur Olivier Le Cour Grandmaison.

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