Pièce de théâtre «Prova» : des jeunes de Bab El-Oued dénoncent l’anarchie sociale

Prova
Affiche de la pièce de théâtre. D. R.

La générale de la pièce de théâtre Prova, une comédie noire aux accents sévères qui dénoncent l’anarchie sociale et le désarroi de la jeunesse, a été présentée samedi soir à Alger dans le registre du «Théâtre de laboratoire» par de jeunes comédiens amateurs, dans une ambiance de découverte, devant un public nombreux.

Accueillie au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA) dans le cadre d’une des rubriques de son programme consacré au «Théâtre de jeunes», Prova est le fruit d’une réflexion collective entreprise en atelier par une dizaine de comédiens débutants, encadrés, trois mois durant, par le dramaturge syrien Hocine Kinani, qui a capitalisé toutes leurs idées en écrivant le texte du spectacle qu’il a également mis en scène, signant ainsi son quatrième spectacle monté en Algérie.

Dans une prestation à plusieurs situations réussie par l’ambition insatiable des comédiens en devenir d’une vingtaine d’années en moyenne, les maux communs à «toute société» qui ne mise pas sur ses jeunes ont été étalés sur un espace scénique ouvert dénotant ainsi l’option judicieuse du metteur en scène qui a choisi de mettre en avant la puissance du texte et le jeu des comédiens.

Abandon du foyer conjugal par le mari, frustrations des jeunes les conduisant aux fléaux de la drogue et de l’alcoolisme ainsi qu’aux risques de l’immigration clandestine, femme abusée, amour inavoué sont parmi les situations brillamment interprétées par Amina Ikram Eddam, Nawel Oulouna, Rania Adrar, Chanez Chambi, Rabab Bouzrara, Oussama Sakhraoui, Walid Bahri, Anis Tounsi et Mohamed Islam Mekerri, tous étudiants et membres de l’association SOS Bab El-Oued.

Occupant tous les espaces de la scène, les comédiens ont bien porté la densité du texte dans des échanges directs au rythme soutenu, amenant avec subtilité la violence des contenus dans les différents tableaux à basculer dans le crime, rejeté catégoriquement par les deux religions, chrétienne et musulmane, présentes dans le spectacle pour dénoncer l’irréparable et toute forme d’extrémisme, source de fatalité.

Conçues avec perspicacité, les situations polysémiques présentées au premier degré en apparence ont permis d’autres lectures métaphoriques, à l’instar du tableau de la femme abusée, isolée dans ses lamentations, qui renvoie à l’absence de positions fermes des pays soutenant la cause palestinienne et leur volonté frêle d’en découdre avec l’occupant israélien qui, lui, dans des scènes violentes soumises à un éclairage stroboscopique où tout s’emballe, redouble de cruauté, tuant des enfants et détruisant des maisons, dans la plus grande impunité et avec «la complicité des pays qui se prétendent défenseurs des droits de l’Homme».

Le rejet de la mort et la célébration du «vivre ensemble» dans le spectacle a également été une belle allégorie à tous les peuples embrasés dans de longs conflits internes au nom d’idéologies sectaires, réduisant les chances de la paix au détriment de «millions de vies innocentes».

Dans une scénographie sans décor basée sur un espace nu, les accessoires des personnages et leurs accoutrements étaient déposés dans la pénombre à l’arrière-scène, donnant l’opportunité aux comédiens hors de situation de se préparer pour enchaîner un autre tableau, dans une dynamique de substitution portée par un éclairage concluant servi par des «douches» (dans le jargon théâtral, faisceau lumineux éclairant une seule situation) ou une lumière vive d’ensemble.

Des chorégraphies synchronisées et des chansons composées ou réarrangées par le duo Walid Bahri et Mohamed Zaïdi ont enrichi le spectacle, d’une durée d’une heure de temps, lui donnant un aspect esthétique des plus concluants.

En présence de l’ambassadeur de Palestine à Alger, Aïssa Louaï, d’un membre de la mission diplomatique syrienne accréditée à Alger et de monseigneur Henri Tessier, archevêque d’Alger de 1988 à 2008, le public a savouré tous les moments du spectacle dans la délectation, saisissant la pertinence du message qu’il contient.

En collaboration avec le TNA, le spectacle Prova est organisé par l’association SOS Bab El-Oued, présidée avec dévouement depuis 15 ans par Nasser Meghenine, éducateur de formation, qui a salué «la disponibilité à aider les jeunes, avec beaucoup de professionnalisme» du directeur du TNA, Mohamed Yahiaoui.

R. C.

Comment (6)

    Mello
    25 octobre 2017 - 13 h 32 min

    Meme sans metteur en scene , ces jeunes du quartier nous ont offert, superbement, des tableaux visiblement acquis a l’exterieur de la scene theatrale. Par ces mises en scenes , l’Algerien se presente face a un miroir qui lui reflechit son quotidien , tout comme cet entraineur de foot qui deroule l’enregistrement d’un match de son equipe, pour ses joueurs afin de se corriger. Le fameux Md Fellag , en one man show, nous deroule notre quotidien , mais ce pouvoir , ayant pris connaissance des objectifs de Fellag , lui ont mis toutes les pressions pour le pousser a quitter ce pays. Parions que PROVA ….ou prions que PROVA puisse sillonner tout le pays en eveilleur de consciences.

      Djaffar
      25 octobre 2017 - 18 h 21 min

      Fellag n’a jamais été interdit de se produire en Algérie en plus il a déclaré dans le journal Le Monde qu’il était pour l’ouverture des frontières avec le Maroc.
      Je lui préfère de très loin Kaci Tizi Ouzou qui était aimé de tout les Algériens.

    Moh
    25 octobre 2017 - 2 h 31 min

    Dommage que le réalisateur n’était pas Algerien, pourquoi Syrien ?

      bougie
      25 octobre 2017 - 8 h 43 min

      Il fallait un réalisateur de qualité ,le talent n’a pas de frontières !

        Moh
        25 octobre 2017 - 18 h 17 min

        Désolé, l’Algérie a ses talents et ce n’est pas aux Syriens ou d’autres étrangers de nous montrer ce que c’est la société algérienne.

      Anonyme
      25 octobre 2017 - 16 h 27 min

      Quand on ne sait quoi dire ,on se …!

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