Hommage à Mohamed Lemkami – L’homme de l’ombre mort l’Algérie au cœur (V)

Lemkami révolution algérienne diplomatie
Mohamed Lemkami. D. R.

Le défunt Mohamed Lemkami est l’exemple même de l’Algérien pour qui la patrie passe avant tout. Sa vie, il l’a passée à défendre les causes justes. Décoré de la médaille Athir – la plus haute distinction – pour son passé révolutionnaire, Mohamed Lemkami a consacré sa retraite à l’écriture de ses mémoires dont nous publions des passages choisis qui retracent le parcours de ce grand moudjahid qui a donné son nom de guerre à son fils pour que la flamme patriotique jamais ne s’éteigne après sa disparition.

Voici quelques propositions que je présente à titre personnel, ayant principalement à l’esprit que tout dépendra d’une bonne gouvernance :

1- Je dois souligner, dans un sens d’apaisement par rapport à ce qui se passe autour de nous, qu’il faut renouer avec la symbiose unitaire qui avait imprégné le cours de la Révolution du 1er Novembre. Une symbiose qui avait permis le brassage, dans le feu du combat, de toutes les composantes de la société algérienne, sans différence d’appartenance politique, sociale ou régionale ou tribale, qui avait forgé l’unité indéfectible de la Nation algérienne. Faut-il rappeler, à ce propos, que ce sont de jeunes Algériens et Algériennes, à peine à la fleur de l’âge, issus de toutes les couches sociales et de toutes les régions, qui ont constitué la sève vivifiante du FLN de l’époque et de l’ALN ? Peut-être est-il nécessaire de préciser que l’élite intellectuelle qui avait joué, alors, un rôle inestimable dans le succès de la Guerre de Libération nationale avait constitué, sans équivoque, l’ossature du MALG sous la direction du regretté Abdelhafid Boussouf alias Si Mabrouk. Abdelhafid Boussouf qui, selon le témoignage de son collègue du GPRA, Abdelhamid Mehri, recherchait «des collaborateurs plus instruits et plus cultivés que moi» pour «tirer avantage au profit de la Révolution que je m’attelle, pas à m’entourer de personnes moins instruites ou moins cultivées» !

2- Le pays est en panne de visibilité comme je l’ai déjà dit plus haut, l’administration est gagnée par l’incompétence et la corruption à une vitesse exponentielle. C’est là le lot de tous les pays qui tournent le dos à la jeunesse et aux élites. L’Etat algérien est malade, c’est une évidence. Toute réforme sérieuse doit commencer par le haut car, comme le dit si bien le proverbe, «le goulot de la bouteille se trouve toujours en haut». Si personne en particulier n’est visé par cette maxime, il est clair, cependant, que le constat est limpide : pas d’avenir radieux pour l’Algérie tant que la jeunesse reste méprisée, négligée et les élites marginalisée. La considération pour la jeunesse et la réhabilitation de l’intelligence constituent un passage incontournable pour toutes les réformes envisagées. De plus, cette jeunesse demande du concret. Ni au niveau de la famille, ni au niveau de l’école, ni au niveau même de la société cette jeunesse n’a été tenue au courant de l’Histoire ancienne et récente de son pays. Elle ignore tout de la préhistoire, des différentes occupations du pays par des envahisseurs, de la lutte de Libération nationale, des conflits internes et même de l’évolution du pays post-indépendance. Sa déviation actuelle sous différentes formes est d’abord due à cette ignorance.

3- Nous sommes au siècle d’une compétition mortelle. Il s’agit de la compétition dans tous les domaines : art, cinéma, théâtre, musique, danse, peinture, littérature, sports, mode, etc. Cependant, sans négliger toutes ces disciplines la seule acquisition pour sauver le pays devrait être, en priorité, celle de l’intelligence, des sciences exactes, de la technologie et du management. Nous sommes encore en train de faire appel à des gestionnaires étrangers pour nos infrastructures et autres. Nous ne maîtrisons encore aucune technologie d’avant-garde. Donc en toute première priorité, il faut revoir tous nos enseignements primaire, secondaire, universitaire et professionnel en vue d’acquérir le savoir, la maîtrise des processus et know-how. Ces acquisitions ne peuvent l’être que par l’effort et la reconnaissance du mérite. La qualité devrait prendre largement le pas sur la quantité. Les expériences du «clés en main» et du «produit en main», les pourcentages de réussite médiatisée à outrance masquent l’effort, la qualité et le mérite. Si l’on n’est pas compétitif, on reste le dernier et on finit par disparaître. Notre administration incompétente, bureaucratique et corrompue, est la première responsable de la stagnation. Elle doit être complètement réformée, car c’est là que se trouvent tous les goulots des bouteilles. Une des réformes à étudier est une régionalisation en matière économique, sans tomber dans le régionalisme ou autres déviations. Il s’agit de créer des régions ou provinces regroupant trois ou quatre wilayas avec une assemblée élue au suffrage universel et dirigée par un conseil d’administration élu au sein de cette assemblée. L’Etat doit en assurer l’orientation et le contrôle, tout en laissant la pleine compétitivité entre régions. Le secteur productif privé devrait être le moteur principal. Seule une économie productive, compétitive et non rentière donnera à la société algérienne son devenir plein d’espoir pour les jeunes.

4- Les élus locaux, à l’échelon de la commune et de la wilaya, doivent désormais provenir de l’élite nationale, parmi les diplômés universitaires disponibles à profusion. Le critère de compétence doit être remis à l’honneur, alors que les néfastes pratiques mercantiles qui consistent en l’achat par des personnes fortunées de postes électifs sur les listes de scrutins locaux, législatifs et même présidentiel doivent être combattues sans relâche et sans pitié. La compétence, la compétitivité et la moralité – en aucune manière la fortune matérielle – doivent constituer les seuls critères exclusifs pour le choix des candidats électifs. Intimement associé à cette exigence, il faut affirmer et concrètement, haut et fort, le principe selon lequel l’avenir de l’Algérie ne pourrait se construire au détriment de la femme algérienne. La Révolution algérienne qui a libéré la femme dans notre pays du joug de l’asservissement lui a permis de contribuer, avec la sueur et le sang, à la libération de la patrie. Un pays, tout comme l’oiseau, ne peut voler qu’avec ses deux ailes. La mère des réformes n’est-elle pas de permettre au peuple algérien de réapproprier sa dignité ? Une démarche qui passe, indiscutablement, par la restitution à la femme algérienne de sa dignité et de son statut légitime. Il faut éviter de tomber dans le piège du quota pour les candidatures, absolument anticonstitutionnel. Comme pour l’homme, seuls l’honnêteté, le patriotisme, la compétence et le mérite servent de critères. Et d’abord il faut abroger le code de la famille en vigueur. Le code civil suffit.

5- L’islam, ce legs culturel enraciné dans les entrailles de la société par des pratiques ancestrales, elles-mêmes pétries par l’Histoire plusieurs fois millénaire de l’Algérie, n’a guère besoin d’être figé par l’article 2 constitutionnel. Sans vouloir paraître provocateur, je m’interroge, honnêtement, si cet article n’a pas plutôt servi de prétexte à des prédicateurs indélicats qui ont voulu importer des modèles théologiques sans rapport avec les réalités propres de l’Algérie arabe, amazighe et musulmane?  Il est entendu que notre identité religieuse ne tient pas à son énoncé dans un texte de loi, ce texte fut-il la Constitution.

Ceux de ma génération ont certainement accompli leur devoir en assumant des responsabilités historiques durant la Guerre de Libération nationale et accompli des missions exaltantes au cours de la première phase de l’édification nationale. Quand je regarde la télévision actuellement, je constate que la quasi-totalité des cadres politiques qui dirigent notre pays sont des chauves ou avec des cheveux blancs. Ne sont-ils pas très largement dépassés ? Faisons confiance, à présent, à nos jeunes comme nous qui avions bénéficié de celle des chefs à peine plus âgés que nous. Le temps est arrivé pour nous de laisser la place à nos cadets, c’est le meilleur service que nous puissions rendre à notre pays.

6- Concernant la langue berbère, il est temps de nous débarrasser de certains complexes. La langue amazighe comme la langue arabe font partie des fondamentaux de notre identité. Elle devrait gagner sa place dès l’école primaire avec la langue arabe et puis donner la chance aux nouvelles générations au secondaire et au supérieur de maîtriser les langues anglaise, espagnole, chinoise et autres dans l’intérêt de l’appréhension des cultures universelles et de la recherche scientifique. Maîtriser les langues étrangères n’est pas une perte d’identité.

7 – Enfin, il est grand temps de rendre le sigle «FLN» à l’Histoire de notre pays et de ne plus permettre à un parti politique plein d’opportunistes et d’agents de l’étranger de l’utiliser dont certains pays du Golfe. En outre, les trois lettres F, L et N n’appartiennent  pas uniquement à une catégorie de la population, mais à tout le peuple algérien, car liées à la glorieuse Révolution du 1er Novembre 1954. Dès l’instauration de l’indépendance, la nation n’était plus en guerre donc la légitimité du FLN ne pouvait plus être une justification et le front ne symbolisait guère les masses populaires libérées. Autrement dit, le FLN ne correspondait plus aux définitions et aux objectifs de Novembre 1954. Le FLN qui rassembla jadis les forces vives de la nation va se trouver, dès 1962, un FLN épuisé et divisé.

8- Enfin cela me gêne beaucoup d’entendre ces étrangers donneurs de leçons pour l’Algérie, comme ces experts faussaires, ces ONG paravents de services spéciaux, ces pays pour qui la démocratie et les droits de l’homme ne sont que des marchandises électorales, ces médias occidentaux et orientaux et réseaux dits sociaux qui ne sont que de la mauvaise et maladroite propagande avec beaucoup de manipulation. Ces prédicateurs locaux souvent bien payés par l’étranger ou venus d’ailleurs au service de forces rétrogrades, sont des ennemis de l’Islam de nos ancêtres. De mon humble point de vue, les Algériens en général ne devraient écouter que les Algériens, que les Algériens de tous âges, mais surtout les jeunes garçons et filles à qui incombe l’Algérie de demain. Mais attention, là aussi il faut faire le tri parmi toutes ces chapelles artificielles. Chaque Algérien, chaque Algérienne doit garder en mémoire que l’indépendance de l’Algérie a été acquise avec d’énormes sacrifices et toute déviation au message du 1er Novembre 1954 ne peut être qualifiée que de traîtrise.

«Si l’on sent comme le peuple, rien ne peut échouer, si l’on ne sent pas comme lui, rien ne peut réussir» (Abraham Lincoln).

Extrait du livre Les Hommes de l’ombre

 

Comment (8)

    Khodja
    5 novembre 2017 - 9 h 02 min

    Des Hommes comme celui ci on en trouve plus

    Anonyme
    4 novembre 2017 - 16 h 24 min

    Je suis stupefect par ces écrits magnifiques
    Allah yerham ce moudjahid

    Anonyme
    4 novembre 2017 - 16 h 21 min

    C est une source infini d information merci à AP
    C est un Homme de grand envergure

    Anonyme
    4 novembre 2017 - 16 h 19 min

    Allah yerahmou si Mohamed

    El Hadi
    1 novembre 2017 - 10 h 04 min

    Je n arrive plus à me défaire de cette superbe lecture qui est passionnante C est l œuvre d une grande personnalité comme on les aime!!!
    Allah yerahmou

    Akli
    1 novembre 2017 - 9 h 47 min

    C est un puits de savoir se monsieur allah yerahmou
    C est un plaisir de lire ces pages avec tellement d informations

    Aek
    1 novembre 2017 - 9 h 36 min

    L algerie est un pays libre grâce à des Hommes comme vous si mohamed allah yerahmek
    Les propositions que vous avez faite monsieur doivent être mis en application c est une lumière pour nous une preuve que des Hommes existent dans ce pays
    Qu Allah illumine notre jeunesse qu elle puisse réfléchir comme vous et réalise vos rêve
    Inchallah

    benyoucef
    31 octobre 2017 - 19 h 36 min

    les étudiants algériens se présentant pour le test de connaissances du français ne seront que des harragas légaux!l’Algérie,pour eux c’est fini!

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