Loi sur la concurrence : nécessaire révision pour une adaptation à la réalité économique

Revoir l'ordonnance n°03-03 sur la concurrence afin la mettre en conformité avec la nouvelle Constitution
Amara Zitouni, président du Conseil de la concurrence. New Press

Le président du Conseil de la concurrence, Amara Zitouni, a mis en avant la nécessité de revoir la plupart des articles de l’ordonnance n°03-03 sur la concurrence afin d’actualiser ce texte de loi, l’adapter aux développements de la conjoncture économique nationale et internationale, et le mettre en conformité avec la nouvelle Constitution qui a consacré les principes de la concurrence loyale sur le marché.

«Près de 70% des articles de l’ordonnance 03-03 relative à la concurrence doivent être amendés en vue de les actualiser et de les adapter aux développements de la conjoncture économique nationale et internationale et de les mettre en adéquation avec le contenu de la nouvelle Constitution consacrant les principes de la concurrence loyale sur le marché», a précisé à l’APS M. Zitouni en marge d’une journée d’étude organisée par Conseil de la concurrence sur «le rôle de la concurrence dans la protection du pouvoir d’achat et la préservation et la création de l’emploi».

Le Conseil de la concurrence a informé, sur la base d’une étude réalisée par des experts recommandant la nécessité de revoir le texte législatif en vigueur, les pouvoirs publics «des difficultés rencontrées et des insuffisances de cette loi», a-t-il ajouté. M. Zitouni a souligné également la nécessité de mettre en adéquation ce texte avec le contenu de la nouvelle Constitution qui a consacré le principe de la liberté d’investissement et de commerce à travers l’interdiction du monopole et de la concurrence déloyale, la non-discrimination entre les entreprises publiques et privées et la protection du droit des consommateurs.

La loi en vigueur «contient beaucoup de vides juridiques et d’articles contradictoires, ce qui rend très difficile son application sur le terrain», a-t-il affirmé, proposant dans ce sens «la réactualisation de certains articles, la révision d’autres et l’introduction de nouveaux articles en vue de remédier à ces failles».

Concernant la journée d’étude, M. Zitouni a indiqué que le choix du thème «a été imposé par le contexte économique actuel et la crise engendrée par le recul des cours du pétrole», ajoutant qu’il vise à faire contribuer le Conseil de la concurrence dans le débat sur «les mécanismes de sortir le plus rapidement et le plus efficacement possibles de la crise, tout en limitant les effets néfastes». «Le respect rigoureux des règles de la concurrence loyale constitue un catalyseur pour la relance de l’économie nationale et l’entreprise en termes de croissance, de création d’emploi et de protection du pouvoir d’achat du citoyen en garantissant une stabilité des prix, un approvisionnement suffisant et une qualité de produits et de prestations», a-t-il souligné.

Pour sa part, l’expert économique Mohamed Cherif Belmihoub a estimé que le climat économique en Algérie «n’est pas suffisamment compétitif», citant le système des licences d’importation qui, selon lui, «limite la concurrence», en raison du monopole de l’importation par une short liste d’opérateurs et la bureaucratie imposée pour l’obtention des licences. Pour lui, le système des appels d’offres était «meilleur et plus compétitif».

Intervenant sur la concurrence de l’économie parallèle, le directeur de recherche au Centre de recherche pour l’économie appliquée et le développement (Cread), Mohamed Saïb Musette, a estimé que l’économie parallèle est un phénomène qui existe dans toutes les économies du monde, y compris les plus développées, ajoutant qu’en dépit de ses inconvénients au plan de l’évasion fiscale, elle reste créatrice d’emploi et contribue grandement au PIB des grands pays.

Il a révélé que le Cread se penche depuis presque une année sur l’élaboration d’une étude sur l’économie parallèle en Algérie afin d’en définir le volume, la nature et les causes, ce qui permettra, a-t-il dit, de mieux l’appréhender et proposer les mécanismes de sa maîtrise. Les résultats de cette étude seront publiés ultérieurement, a ajouté M. Musette.

Pour rappel, le Conseil de la concurrence, fondé en 1995 et réactivé en 2013 après 10 ans d’arrêt, est considéré comme une autorité administrative autonome qui agit au nom et pour le compte de l’Etat pour faire respecter les règles de la concurrence. Le conseil exerce trois types de fonctions, à savoir la mission du contrôle des concentrations économiques, la mission consultative et la mission de sanction des pratiques restrictives à la concurrence. Le conseil peut entreprendre toute action utile relevant de son domaine de compétence, notamment toute enquête, étude et expertise. Il est consulté aussi sur tout projet de texte législatif ou réglementaire touchant à la concurrence.

En outre, le conseil peut faire appel à tout expert ou entendre toute personne susceptible de l’informer. Il peut également saisir les services chargés des enquêtes économiques, notamment ceux du ministère chargé du commerce, pour solliciter la réalisation de toute enquête ou expertises portant sur des questions relatives aux affaires relevant de sa compétence. Lorsque les enquêtes effectuées concernant les conditions d’application des textes législatifs et réglementaires ayant un lien avec la concurrence révèlent des restrictions à la concurrence, le conseil engage toute action adéquate pour mettre fin à ces restrictions.

Le Conseil de la concurrence est composé de douze membres, dont des personnalités et des experts ayant des compétences dans les domaines de la concurrence, de la distribution, de la consommation et de la propriété intellectuelle (6), des professionnels qualifiés dans les secteurs de la production, de la distribution, de l’artisanat, des services et des professions libérales (4) et 2 représentants des associations de protection des consommateurs.

Les pratiques et actions concertées, les conventions et ententes express ou tacites sont considérées des pratiques restrictives à la concurrence, notamment lorsqu’elles tendent à limiter l’accès au marché ou l’exercice de l’activité, à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement, à faire obstacles à la fixation des prix, limiter ou contrôler la production et à appliquer à l’égard des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence.

R. E.

Commentaires

    Zaatar
    20 décembre 2017 - 9 h 28 min

    On peut imaginer la scène : un ministre des Relations avec le Parlement qui déboule dans une salle de commission de l’Assemblée populaire nationale pour annoncer, devant une ministre des TIC hébétée, que le projet de loi structurant le développement futur des postes et télécommunications, dont l’examen est pratiquement finalisé, est finalement retiré de l’APN. Ce n’est à l’évidence pas un “gouvernement” dont Houda Faraoun fait partie qui a annulé le projet, puisque celle-ci l’a appris en même temps que les députés de la commission des transports et télécommunications et à un moment où elle s’employait à les convaincre de l’urgence d’adopter “son” texte. Il y a une dizaine de jours à peine, le Premier ministre soutenait à Paris qu’“il n’y a pas de ‘cabinet noir’ à Alger” ! Mais avec ce type de fonctionnement de l’État, il est vain de jurer de la conformité institutionnelle de la décision publique. Et même si, dans quelques jours ou quelques semaines, on nous délivrera les prétextes de cette rétractation de dernière minute, nous n’en saurons le vrai dessein qu’à la lumière des changements que la nouvelle loi subira, si tant est qu’elle sera remise en circuit dans un avenir proche. Ce qui est sûr, c’est que l’encadrement des secteurs à haute profitabilité et requérant de gros transferts financiers constituent les seuls enjeux qui animent le grenouillage du sérail. À côté de la “stabilité”, bien sûr, qui permet de s’adonner, en toute quiétude, à ces activités d’importation industrielle qui favorisent l’exportation des fortunes. Et gageons que cet “enlèvement de projet de loi” n’a pas été organisé dans le seul but de rattraper une simple omission. Il est arrivé au gouvernement de… déposer un amendement à ses propres projets de loi : en décembre 2016, le ministre du Travail a fait passer un amendement… verbal à la loi sur la retraite instituant une période transitoire de deux années dans la mise en œuvre de ladite loi ; et cette année, le ministre des Finances a prévu d’introduire un amendement pour sauver un article 71 de la loi de finances pour 2018. Le gouvernement peut aussi suggérer des amendements aux commissions du Parlement comme il l’a certainement fait au sujet de l’impôt sur la fortune initialement prévu par le même PLF 2018. Il y a donc une raison plus fondamentale à cette volte-face qui n’a même pas cherché à sauver les formes. Et quand ces raisons de fond qui tournent nécessairement autour du mode de partage de la rente l’exigent, le pouvoir n’a plus le temps de se formaliser. Il peut même déposer un Premier ministre qu’il a promu depuis juste un mois pour revoir, entre autres, le cahier des charges qui encadre l’activité de montage automobile !
    Cette gouvernance de l’improvisation et de l’itération qui va jusqu’à piétiner ce qui restait de formalisme institutionnel est conforme à la vocation même du pouvoir algérien : l’allocation clanique de la rente. Cet effritement institutionnel est l’expression des enjambées et culbutes qu’occasionnent les péripéties, parfois conflictuelles et d’autres fois consensuelles, de l’activité de prébende.

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