Macron ment aux Tunisiens pour camoufler la faillite du printemps arabe
Par Karim B. – En affirmant que le «printemps arabe n’est pas terminé» et que «la Tunisie, où il est né en 2011, a le devoir de réussir sa transition démocratique pour rester « un modèle »», le Président français cherche-t-il à faire se soulever à nouveau les peuples de la région en laissant entendre que la France les y aiderait ? «On a parlé de printemps arabe, on a parlé de révolution, et beaucoup pensent que cette page est tournée», a asséné Emmanuel Macron à partir de Tunis, où il se trouve, dans un contexte d’émeutes et de remords du peuple tunisien déçu par les conséquences désastreuses qu’il subit depuis la chute du régime de Ben Ali.
Le Président français vole-t-il au secours de la Tunisie officielle pour tenter d’étouffer dans l’œuf une contre-révolution qui est en train de prendre place et qui pourrait aller jusqu’à un appel au retour de l’ancien dictateur ? C’est qu’en Tunisie, dès le lendemain du soulèvement de 2011, des citoyens faisaient déjà part de leurs appréhensions et de leur scepticisme quant à l’avenir qui allait être réservé aux Tunisiens dans l’ère post-Ben Ali. Alors qu’au début les Tunisiens avouaient leurs craintes discrètement, aujourd’hui, ils crient haut et fort leur nostalgie des années Ben Ali. Est-ce ce revirement qui fait dire à Macron que la «page n’est pas tournée» ?
A court d’arguments pour défendre l’indéfendable – la situation en Tunisie étant intenable –, le Président français a tenté un dribble en vantant la «révolution culturelle profonde» qui a garanti «l’égalité entre hommes et femmes, inscrite dans la Constitution adoptée début 2014» et les mesures annoncées par Béji Caïd Essebsi pour «mettre fin à des discriminations entre hommes et femmes». Macron s’emmêle ainsi les pinceaux en attribuant à la «révolution du Jasmin» ces acquis en Tunisie, alors que tout le monde sait que, bien au contraire, ceux-ci ont prévalu sous le règne de Ben Ali et ont été gravement remis en cause depuis l’arrivée des islamistes au pouvoir et la montée de l’extrémisme religieux en 2011.
Pour tenter de convaincre, Emmanuel Macron approche le cas tunisien par opposition à la Libye voisine, en arguant que les Tunisiens ont «réussi à instaurer un Etat civil là où beaucoup pensaient que c’était impossible» et ont «fait mentir ceux qui disent que les sociétés où l’islam est présent ne sont pas compatibles avec la démocratie». Appel du pied à peine voilé à Ennahdha de l’islamiste Rached Ghennouchi ? «La France sera à vos côtés pour que vous réussissiez ce formidable printemps qui n’a pas fini de bourgeonner», a conclu l’hôte français de la Tunisie, sans expliquer dans quel sens et pour quels objectifs Paris assurera ce soutien, d’autant que, pour le moment, c’est surtout l’Algérie, épargnée – justement – par le «printemps arabe» loué par le président français, qui vole concrètement au secours de son voisin de l’Est.
K. B.
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