Mémoire nationale
Par Nouredine Benferhat – La commémoration est le moyen de transmission d’un patrimoine qui implique l’idée de quelque chose qui nous a été transmise par ceux qui nous ont précédés.
La commémoration, «c’est l’histoire de la mémoire nationale, de ses rites, de ses mythes», selon Pierre Nora. C’est une reconnaissance de la grandeur de ceux qui ont produit l’objet du patrimoine. C’est une construction du passé à travers les lieux qui sont constitués des symboles les plus divers de la mémoire collective nationale ; des guerres puniques à Saint-Augustin, de l’islamisation du pays à la période ottomane, de la résistance à l’occupation coloniale à la Guerre de libération, en passant par les camps de regroupement.
La commémoration consiste à réveiller l’engouement pour le passé à travers les livres d’histoire, les documentaires-fiction, les musées et les mémoriaux qui consistent à rendre hommage aux grandes figures de la nation et à célébrer les grandes victoires. «Les lieux de mémoire s’attachent moins aux discours tenus par les morts sur les vivants qu’à celui que tiennent les vivants sur les morts.» (Mona Ozouf)
La commémoration, ce sont aussi les symboles matérialisés par les manifestations et les objets de vénération où s’incarnent la mémoire nationale et le lien avec les hommes du passé. Les grands événements historiques – 1er Novembre, 5 Juillet, etc. – doivent être célébrés, de même que les batailles de l’Emir Abdelkader, de Bouamama, d’El-Mokrani, etc. Comme il faut rendre hommage aux personnages historiques et aux grands hommes de la culture et du savoir.
L’Algérie doit instituer des Journées du souvenir matériel et immatériel pour incarner cette mémoire nationale, car la commémoration est un devoir de mémoire.
En effet, la mémoire collective est un élément essentiel de l’identité, elle est liée à la construction nationale. Elle est le pivot central de l’existence sociale et la seule manière de faire triompher l’esprit sur le néant et, par-là, d’établir la chaîne des générations. Elle participe de la construction de l’identité sociale. «La mémoire ne cherche à sauver le passé que pour servir au présent et à l’avenir.»
Nous assistons depuis quelques années à une multiplication des mémoires – régionale, religieuse – et à une multiplication des témoignages. Les témoins cherchant à légitimer leur propre vision du passé sans être soumise à la critique classique du témoignage.
Il devient urgent de se réapproprier la mémoire au-delà des fidélités et des mémoires particulières, particulièrement la mémoire collective religieuse dont les gourous cherchent à imposer une autre lecture de l’histoire de la nation. Comme le dit le sociologue des mémoires Maurice Halbwachs, «la mémoire religieuse n’admet aucune autre mémoire».
Dans cette période où le citoyen a besoin de repères, il devient urgent de déterminer la matrice constitutive de l’espace politique nationale et de valoriser les sciences humaines en insistant sur le rôle de l’historien.
L’historien a un rôle primordial dans sa mission de la construction de la conscience historique et sa participation de la construction de la mémoire collective sinon des mythes. Mais aussi dans l’analyse de la façon dont le passé n’a pas réussi à se cristalliser dans le présent, en alliant la fonction civique et éthique dans une dialectique passé-présent, le passé servant à éclairer l’action à entreprendre.
N. B.
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