Benjamin Stora : «L’antagonisme entre Bouteflika et l’armée est très ancien»
Par Lina S. – L’historien français connaisseur de la question algérienne, Benjamin Stora, a fait remarquer que Bouteflika «a voulu rester maître de son agenda jusqu’au bout mais il n’a pas réussi». «Pourtant, a-t-il affirmé sur France 5, Bouteflika – là c’est trop tôt pour le dire, mais en tant qu’historien je le dirai quand même – a accompagné l’histoire et tout le processus historique de l’Algérie indépendante».
Le Président démissionnaire «n’a, par conséquent, pas exercé le pouvoir pendant vingt ans comme on le dit maintenant, mais il l’avait exercé aussi quand il était ministre, et pas dans n’importe quel ministère, pendant seize ans. Si bien qu’au total, Abdelaziz Bouteflika a été dans l’exercice du pouvoir à différents niveaux de responsabilité pendant trente-six ans», a rappelé l’auteur d’Histoire de l’Algérie depuis l’indépendance. «C’est considérable», s’est-il exclamé, en soulignant qu’«aucun chef d’Etat algérien n’a eu cette longévité de l’exercice du pouvoir, ni Boumediene ni Chadli Bendjedid n’ont été si longtemps dans l’exercice réel et pratique du pouvoir».
Benjamin Stora a relevé que Bouteflika «a tenté de faire en sorte que le pouvoir soit civil et pas militaire», en précisant que «l’antagonisme entre Bouteflika et les militaires est très ancien», tout en exprimant son étonnement quant à la «rapidité de l’effondrement de ce fameux clan de Bouteflika». «Etait-il si solide que ça ?» s’est interrogé l’historien pour qui «les Algériens qui sont dans la rue savent que derrière cette histoire de clan familial, d’entrepreneurs, d’oligarques, etc., c’est beaucoup plus compliqué que ça, parce que la question de la corruption, la façon de fonctionner, le système mafieux est en place depuis bien plus longtemps que l’avènement de Bouteflika lui-même». «C’est toute une mentalité qui existe dans le pays», a-t-il dit.
Evoquant l’aspect économique qualifié de «plus gros échec d’Abdelaziz Bouteflika», Benjamin Stora a affirmé qu’«il ne suffit pas d’écrouer quelques personnes pour faire disparaître le clan et changer l’Algérie». «Le système tel qu’il a été mis en place et les fortunes qui se sont constituées renvoient à un type de fonctionnement économique du pays qui est extrêmement obsolète et qu’il va falloir absolument changer dans les années à venir», a-t-il conclu.
L. S.
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