Pétrole : pourquoi l’Algérie doit passer du statut de fournisseur à celui de pivot

Arkab
Mohamed Arkab, ministre de l'Energie et des Mines. D. R.

Une contribution de Sid-Ali Mokhefi – Derrière les frappes, les tensions diplomatiques et les hausses de prix, une autre bataille se joue. Plus discrète, plus décisive. Une guerre d’influence où le pétrole est devenu une arme stratégique et le dollar le dernier pilier d’un empire en déclin.

Ce qui se déroule aujourd’hui n’est pas un simple conflit régional. C’est un basculement mondial orchestré à huis clos, dont les répercussions toucheront toutes les économies, tous les peuples. Israël bombarde les terminaux iraniens de South Pars. Des raffineries sont ciblées. Des réservoirs de carburant explosent. Ce ne sont ni des bavures ni des représailles. Ce sont les premiers actes d’un plan structuré visant à redéfinir l’architecture énergétique mondiale et à consolider l’hégémonie du dollar. Dans ce jeu, l’Iran n’est qu’un prétexte. La cible réelle, c’est l’alternative. L’autonomie énergétique, le gaz payé en yuan, le pétrole vendu en roubles, les monnaies numériques souveraines : voilà ce que l’on cherche à empêcher, par la force si nécessaire.

Depuis plusieurs mois, les signaux s’alignaient. L’ombre de Trump réapparaît. En coulisses, des ententes sont nouées entre les Etats-Unis, Israël et les monarchies du Golfe. Le pacte est simple : sécurité contre fidélité monétaire. Ce que l’on propose aux régimes pétroliers, ce n’est pas seulement une alliance militaire, c’est une reconduction tacite du système pétrodollar.

Le Golfe encaisse. L’Occident se tait. Et le monde comprend : toute tentative de se libérer du dollar sera considérée comme un acte hostile. L’énergie devient un outil de chantage. Le dollar, un gendarme monétaire. Le «marché mondial» n’est plus un espace libre, mais un territoire sous contrôle.

Les conséquences sont déjà visibles :

– Le baril de Brent dépasse les 80 dollars. Le gaz est sous tension.

– Les primes d’assurance sur les cargos explosent. Le fret se rétracte.

– L’inflation grimpe. Les monnaies faibles s’enfoncent. Les banques centrales paniquent.

– L’économie réelle s’essouffle : le transport, l’alimentation, les chaînes logistiques sont affectées en cascade.

Et partout, même loin des conflits, ce sont les citoyens qui paient la facture : carburants, pain, électricité… tout augmente. Ce n’est pas une guerre militaire. C’est une guerre invisible où l’arme est financière, énergétique, systémique.

Dans ce contexte tendu, l’Algérie ne peut rester en retrait. Elle dispose d’un potentiel immense : gazier, solaire, minier. Mais sans vision, ces ressources peuvent devenir des chaînes plutôt que des leviers. Il est temps de penser souveraineté : sécuriser nos ressources, industrialiser nos capacités, nouer des partenariats diversifiés sans dépendance excessive.

Le monde entre dans une phase de polarisation brutale. Un nouveau pacte énergétique s’installe autour des Etats-Unis. La Chine est encerclée. L’Europe est fragilisée. Et les pays du Sud sont sommés de choisir leur camp.

Ce n’est plus le pétrole qui fait la guerre. C’est la guerre qui redéfinit le pétrole. Ce n’est plus le dollar qui stabilise le commerce. C’est le commerce qui devient otage du dollar.
D’ici 2026, le décor sera en place : un bloc pétrodollar renforcé, des routes de l’énergie surveillées, des monnaies alternatives sous pression. L’hégémonie n’est plus un modèle, c’est une réaction de survie.

L’Algérie doit sortir du statut de simple fournisseur et penser comme puissance pivot. Dans ce nouvel ordre mondial, les nations sans stratégie seront stratégiquement effacées.

S.-A. M.

Comment (7)

    SAM
    21 juin 2025 - 13 h 00 min

    Vous soulevez un point crucial : depuis longtemps, TotalEnergies, Eni ou Cepsa occupent l’espace en aval de nos hydrocarbures. Mais la donne est en train de changer :

    Pression sur la capacité d’exportation
    – Face aux objectifs de réduction des émissions européennes, la demande de gaz va rester forte, mais la préférence se portera sur des fournisseurs capables d’offrir une chaîne de valeur maîtrisée (liquéfaction, transport, regazéification), gage de stabilité et de sécurité d’approvisionnement.
    – En investissant massivement dans ses infrastructures gazières (Algeria LNG, Port de Skikda, navires méthaniers…), Sonatrach peut proposer un service « bout-à-bout » concurrentiel, plutôt qu’un simple flux de brut ou de gaz non transformé.
    Partenariats stratégiques rééquilibrés
    – Plutôt que d’être contraint à des joint-ventures dominées, l’Algérie a désormais la marge de manœuvre pour nouer des alliances plus équilibrées : cofinancement d’usines GNL avec des majors asiatiques (Japon, Corée) ou des fonds souverains (Qatar, Abu Dhabi), intégrant une clause de transfert technologique et de quotas de production garantis.
    – L’Europe, en quête de diversification rapide, est prête à accepter une plus grande part de décision algérienne pour garantir ses propres ambitions de sécurité énergétique post-Ukraine.
    Régulation et souveraineté politique
    – Les récentes réformes algériennes sur le code des hydrocarbures et l’ouverture partielle aux investissements étrangers (décret exécutif 24-150 de mai 2024) offrent un cadre juridique plus clair et protecteur pour Sonatrach, limitant l’emprise des majors sur l’exploitation et la valorisation.
    – En capitalisant sur son poids politique – soutien des BRICS, position non alignée, atouts géostratégiques dans le Sahel –, l’Algérie peut faire pression sur ses partenaires pour obtenir un rôle de co-leadership
    Transformation vers les énergies décarbonées
    – Devenir pivot, ce n’est pas seulement traiter des hydrocarbures : c’est aussi monter en gamme sur le renouvelable et l’hydrogène vert. Avec son potentiel solaire et éolien, l’Algérie peut exporter de l’électricité verte ou de l’hydrogène via pipelines ou navires spécialisés, en s’associant à des majors pour financer et gérer les infrastructures.
    – Cela renforce sa valeur ajoutée et son statut de hub énergétique pour l’Europe méridionale et l’Afriquue.
    En somme, si les grands noms actuels craignent de perdre leur monopole, c’est parce qu’ils sentent le vent tourner : l’Algérie est en train de construire les leviers pour passer du rôle de « fournisseur docile » à celui d’« acteur central » du paysage énergétique mondial.

    Vise
    21 juin 2025 - 6 h 36 min

    La bascule des  » Valeurs  ». Le désordre international. Annonciateur d’un nouvelle
     » Ordre  » inconnu. Ou, d’un ordre disparu… Voir Le vide.

    L’histoire se répète. Les acteurs changent.

    Rien, ne se perd. Tout, se récupère. Change. Se transforme. Et, se crée .

    Mais, à la différence que cette fois, il y aura peu de monde sur le globe.
    Pour vivre la nouvelle création, de l’hypothétique ordre.

    Bonjour ! La civilisation du sens  » Dessus, Dessous  ». Bienvenue à la maison.

    Comme à Tchernobyl. Restera les chiens errants. Les rats. Et, les cafards.

    La différence, entre l’homme, et l’animal. C’est que l’homme  » Pense  » ne pas être un animal.

    En vérité de fait, il est le Pire des Animaux.

    Un seul leitmotiv. Défense. Se défendre. Dans la jungle annonciatrice à venir.

    […] ؟” تحت هذا العنوان، تطرق مقال تحليلي نشره موقع “Algerie Patriotique” إلى السياق الجيوطاقوي الدولي المتأزم، مشيرًا إلى أن […]

    Anonyme
    19 juin 2025 - 18 h 35 min

    Pivot impossible !

    Les Français TotalEnergies Les Italiens Eni les Espagnols Cepsa, ce sont eux qui ont le monopole européen en Europe.

    Ils ne laisseront jamais la Sonatrach prendre le contrôle de l’Algérie, pour eux l’Algérie doit rester juste un fournisseur, point barre…

    Sinon, depuis bien avant l’indépendance, Algérie serait le leader mondial des matières premières

    Anonyme
    19 juin 2025 - 11 h 49 min

    C’est pas déjà le cas !

      SAM
      20 juin 2025 - 10 h 59 min

      C’est justement parce que TotalEnergies, Eni ou Cepsa ont longtemps considéré l’Algérie comme un simple réservoir énergétique qu’il est temps de briser ce schéma néocolonial.
      L’Algérie n’a pas vocation à rester éternellement « fournisseur docile » des puissances européennes. Elle a la capacité, les ressources et surtout la souveraineté politique pour devenir un pivot énergétique et industriel.
      Être pivot, ce n’est pas couper les exportations : c’est reprendre le contrôle de la valeur ajoutée, du transport, de la transformation, de la logistique, et des partenariats stratégiques à égalité.
      Pourquoi le changement est possible aujourd’hui ?
      Parce que l’Europe a plus besoin de l’Algérie que l’inverse (sécurité énergétique post-Ukraine).
      Parce que le monde bascule vers un nouvel ordre multipolaire.
      Parce que l’Algérie n’a plus rien à prouver sur sa capacité à résister aux pressions extérieures.
      Si depuis l’indépendance, l’Algérie n’a pas encore pris le rang mondial qu’elle mérite, ce n’est pas par manque de potentiel, mais à cause d’un système figé, conçu pour la dépendance. Il est temps d’en sortir.

    MADANI
    19 juin 2025 - 10 h 25 min

    La Chine est encerclée. Et la Russie occupée en Ukraine.
    Cet état de chose est dû au fait que Poutine et Xi sont des dirigeants du 20ème siècle qui ont goûté aux délices du libéralisme économique (G8 pour la Russie) d’où leur gestion politique pour le moins timorée des dossiers de Taiwan et d’Ukraine.
    Ils n’ont pas suffisamment tiré les conclusions de la guerre de Corée.
    Le Golfe encaisse, que peut-on attendre de bédouins faméliques à la mentalité tribale catapultés sans préparation au 20ème siècle ? Il se soumettent et paie rançon au suzerain du moment.
    L’Occident asiatique se tait, l’Europe fragilisée faute de ressources propres, d’énergie thermique, d’énergie vitale est déjà sortie de l’Histoire, les USA de Bush,Clinton, Obama, Biden et Trump, qui faute d’avoir tenu compte de l’avertissement de Eisenhower sur le complexe militaro-industriel et de l’AIPAC depuis,sombrent dans le banditisme à grande échelle et la déchéance morale pour maintenir leur hégémonie chancelante basée uniquement sur le dollar et sans véritable assise industrielle.
    Ce sont les derniers soubresauts de la Bête en fin de vie après les échecs au Vietnam, en Irak, en Afghanistan et au Yémen dernièrement solidaire de Gaza le Stalingrad du Moyen Orient.
    L’American dream ne fait plus rêver les lucides.
    ll est temps de penser souveraineté : sécuriser nos ressources, industrialiser nos capacités, nouer des partenariats diversifiés sans dépendance excessive et utiliser l’arme politique,économique, culturelle, médiatique contre nos adversaires.

    Cette guerre ne vise pas seulement à redéfinir l’architecture énergétique mondiale, c’est une guerre menée par des Croisés obtus, émules du Veau d’Or, contre l’Histoire, la Civilisation structurante de l’humanité personnifiée par la Chine, la Perse, l’Islam.
    L’Inde ambivalente et polarisée sur l’islamophobie interne est absente.
    Le génocide à Gaza est ainsi la suite logique des ethnocides réussis des Amérindiens, des Mélanésiens d’Australie et de Nouvelle Zélande, de la partition de l’Inde, de la création du foyer juif en Palestine, de l’échec de la colonisation, des colonies peuplement (remplacement) en Algérie, de l’apartheid en Afrique du Sud et en Rhodésie.
    Ceci explique les attaques de l’Empire contre l’Iran, l’embargo criminel contre Cuba, les intimidations contre l’Afrique du Sud par le biais de sa minorité blanche sionisée, la campagne de bashing contre l’Algérie et son Histoire.
    Alger, Prétoria, Téhéran, Cuba, Sanaa, Gaza sont les phares de la liberté qui clignotent dans le smog de
    l’indifférence, de la lâcheté du monde.

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