Les retardataires
Par Anouar Macta – L’impunité d’Israël n’est pas seulement le fruit d’alliances occidentales, de technologies de pointe ou d’une stratégie militaire. Elle est surtout le produit d’un vide : celui laissé par un monde arabe incapable de se hisser au niveau des défis modernes.
Face à un adversaire qui a fait de la rigueur, de l’innovation et de l’unité nationale une doctrine, les Etats arabes ont trop souvent préféré l’illusion, le confort et la nostalgie.
Depuis 1948, les dirigeants arabes ont crié leur indignation à chaque guerre, mais ont rarement transformé cette indignation en puissance. La menace israélienne, connue et répétée, a été reléguée derrière des querelles de palais, des rivalités régionales ou des ambitions personnelles.
Pendant qu’Israël perfectionnait ses drones, ses satellites et ses start-ups, combien de Sommets arabes se sont terminés en déclarations creuses ?
La manne pétrolière aurait pu être un tremplin vers l’éducation, la recherche, l’unité stratégique. Elle est devenue un coussin de confort et de dépendance. Certains Etats se sont enivrés d’hôtels de luxe et de stades climatisés. Cette richesse sans vision a produit des sociétés passives, habituées à l’importation de tout : technologies, idées, même sécurité.
A cela s’ajoute le poids des traditions : un rôle de la femme encore verrouillé, privant la moitié des talents de la société, un religieux de masse dévoyé qui abrutit plus qu’il n’élève, condamnant l’esprit critique au silence, des morales de faiblesse, qui célèbrent la soumission et non l’effort.
Dans un monde où la modernité est une question de survie, ces freins sont des armes tournées contre nous. Le peuple arabe, pris entre rêve et fatalisme, s’est contenté d’observer. Ni idéologie de redressement ni projet de nation moderne. A la libération des colonies, il aurait fallu jeter les carcans du passé, inventer un modèle fort, une identité capable de rivaliser avec les grandes puissances.
Au lieu de devenir des loups, nous sommes restés des moutons. Aujourd’hui tondus, demain peut-être égorgés, non pas par fatalité divine mais par incapacité humaine.
Israël a compris très tôt que l’histoire ne pardonne pas les retardataires. Son arrogance n’est pas seulement militaire : c’est celle d’une société qui a misé sur la science, l’organisation et l’audace. Le monde arabe, lui, a préféré la consolation des discours, la distraction des richesses et la protection illusoire d’alliances étrangères.
Pointer Israël, l’Occident ou le destin n’efface pas une vérité dérangeante : la force de l’un est nourrie par la faiblesse de l’autre. Tant que les peuples arabes ne briseront pas leurs chaînes intérieures – religieuses, sociales, intellectuelles –, aucun sommet, aucun dollar issu du pétrole, aucune indignation ne changera l’équilibre du monde.
Dans un siècle qui ne pardonne pas, rester à l’arrière n’est pas une option : c’est une condamnation.
A. M.
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