Le hirak fête son deuxième mois

Hirak
Les manifestants algériens demandent aux tenants du pouvoir de dégager. New Press

Par Aziz Ghedia(*) Cela fait deux mois que le mouvement citoyen, appelé en arabe classique hirak, a commencé. La goutte qui avait fait déborder le vase et avait fait sortir des millions d’Algériens dans la rue était la présentation, au Conseil constitutionnel, de la candidature de l’ex-président de la République, Abdelaziz Bouteflika, pour un cinquième mandat présidentiel, par celui qui avait été choisi pour être son directeur de campagne électorale, alors que ce candidat était dans un état de santé grave dans une clinique de Genève, en Suisse.

Déjà, là, il y avait un manque de respect à la Loi fondamentale du pays par ceux-là même qui nous disent aujourd’hui qu’il faut rester dans le cadre de la Constitution pour dépasser cette crise politique. La Constitution explicite bien, dans un de ses articles, que c’est le candidat à la candidature présidentielle − et personne d’autre − qui doit remettre son dossier en personne au Conseil constitutionnel. Mais, puisqu’il s’agissait de Bouteflika, tout le monde avait fermé les yeux, tout le monde s’était fait très petit devant l’ombre d’une candidature fantomatique. Et personne n’avait anticipé la réponse populaire qui, telle une rivière en crue, a tout emporté tout sur son passage. Ceci sans parler de ce convoi de véhicules flambant neuf qui devaient déposer les 5 ou 6 millions de parrainages au profit de ce candidat à sa propre succession, parrainages obtenus en quelques heures par la fraude, évidemment. Mais, nous l’apprendrons quelque jours plus tard, en fait des parrainages, il n’en était rien : la plupart des formulaires étaient vierges ou remplis à la va-vite par des personnes fictives.

Le dernier jour avant la fin du délai du dépôt des candidatures au niveau du Conseil constitutionnel, on assista à un véritable cirque. Aucun pays au monde n’a eu à vivre de tels événements politiques ; des candidats sulfureux, hauts en couleur, faits de bric et de broc, si je puis utiliser cette expression, se bousculaient au portillon du siège du Conseil constitutionnel, événements qui avaient donné de l’Algérie une image de république bananière. Pour celui qui avait un sens aigu de la chose politique, il ne faisait aucun doute que tout cela allait, inévitablement, fatalement, capoter et donner naissance à une sorte de conscience politique populaire que les choses ne devraient plus être comme cela. Il fallait que cette comédie de mauvais goût cessât.

Un appel anonyme via les réseaux sociaux est tombé à pic. Il demandait aux Algériennes et aux Algériens de sortir en masse, le 22 février, pour dire «barakat», ça suffit ! Mieux que cela, le mot d’ordre sur Facebook était clair et net et ne souffrait d’aucune équivoque : «Non au cinquième mandat de la honte.» Pourtant des hommes intègres et honnêtes avaient déjà appelé à cela depuis bien longtemps, en fait depuis que le Président avait fait son premier AVC, des hommes politiques de l’opposition parmi lesquels votre serviteur avaient fait savoir dans les quotidiens nationaux et différents canaux de communication leur rejet du… quatrième mandat.

Comme prévu donc, le 22 février 2019, les rues d’Alger et d’autres villes du pays étaient noires de monde. Juste après la prière du vendredi, de partout, les rues déversaient leur flot d’hommes et de femmes drapés de l’emblème national vers les grandes places publiques, place du 1er-Mai, la Grande-Poste et place Maurice-Audin, à Alger. Dépassés par ces flots ininterrompus d’Algériens et d’Algériennes épris de liberté, les services de sécurité ne pouvaient que regarder de loin ce spectacle inhabituel, bariolé et bon vivant.

A. G.

* Membre fondateur de Jil Jadid

NDLR : les opinions exprimées dans cette tribune ouverte aux lecteurs visent à susciter un débat. Elles n’engagent que l’auteur et ne correspondent pas nécessairement à la ligne éditoriale d’Algeriepatriotique.

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