Interview – Jacques-Marie Bourget : «La première cible du RN sera l’Algérie !»
Le journaliste français de renom Jacques-Maris Bourget prédit un «enfer» en France, avec la montée en puissance du Rassemblement national. Selon lui, «le peuple français ne va pas supporter cela longtemps, d’autant que les promesses d’une meilleure vie ne seront pas tenues». «Les Accords de 1968 passeront à la poubelle sans négociation avec Alger», présage encore l’ancien grand reporter, qui a couvert la guerre de juin 1967, la guerre du Viêt Nam, la guerre du Liban, l’Intifada et la guerre du Golfe, entre autres. Interview.
Algeriepatriotique : Le Rassemblement national a fini par atteindre le pouvoir. Quelle lecture faites-vous du tsunami politique qui vient d’ébranler la France ?
Jacques-Marie Bourget : Je ne veux pas jouer le professeur mais avant de parler de l’Europe, il est utile de savoir ce qu’elle est. Elle a été fondée sous la pression de l’Amérique qui voulait en faire une colonie afin d’exploiter le commerce et les ressources. Mais aussi un «bloc» supposé être capable de s’opposer à l’URSS. L’Europe est donc un Etat américain qui ne dit pas son nom.
Ses fondateurs sont Walter Hallstein, officier instructeur du nazisme ayant servi Hitler. Le deuxième est Jean Monet, représentant de cognac installé aux Etats-Unis, devenu correspondant de la CIA. Le troisième est Robert Schuman, ancien officier allemand pendant la Première Guerre mondiale, devenu, en 1940, un député de Pétain. A la libération, il a été frappé d’«indignité nationale». Voilà les personnes qui forment le trio au passé sombre ou noir qui sont considérés comme les «pères» de l’Europe. Et c’est pour leur création dont le sponsor est l’Amérique que l’on doit voter.
L’arrivée du RN vers le pouvoir ne m’étonne pas. «Faire monter le FN, le RN» est une invention de Mitterrand pour «tuer» l’opposition de droite et le Parti communiste.
Le monde capitaliste a toujours préféré les dictatures aux démocraties. Ainsi, Salazar, Franco, Mussolini et, bien sûr, Hitler ont été propulsés par les grands industriels et la finance. J’ai le sentiment que c’était aussi la lettre de mission confiée à Macron. Il a bien travaillé à cela.
Que va-t-il se passer maintenant, selon vous ?
Je crois qu’il va y avoir trois blocs élus à l’Assemblée nationale française. Une gauche recollée mais prête à rompre, un RN néo-fasciste très puissant et un bloc du centre avec ce qui reste des macronistes et des Républicains. Une chambre ingouvernable pendant un an qu’il n’est plus possible de dissoudre. Cet état d’impuissance dans une atmosphère de bataille est une catastrophe pour le pays.
Le RN est sorti grand vainqueur des élections européennes. Est-il en mesure de peser le même poids pendant les législatives du 30 juin et du 7 juillet ?
Non, car le système électoral français est complexe et un certain nombre d’obstacles, par exemple, le pourcentage exigé pour se présenter au second tour, va étriller le RN.
Dans le cas où le RN sortirait vainqueur des législatives et obtiendrait la majorité, le président français aura-t-il le choix de son nouveau chef du gouvernement ?
En théorie, le président doit nommer au poste de Premier ministre le chef du parti arrivé en tête. Pourtant, ce n’est pas une obligation. Mais ne pas le faire serait un second suicide.
Les partis de gauche ont annoncé la constitution d’un Front populaire pour faire barrage au RN lors des législatives. Ont-ils une chance de le contrer ? Si oui, comment, selon vous ?
J’ai le sentiment que ce nouveau Front populaire, créé dans l’urgence, va obtenir un certain succès électoral. Mais le Parti socialiste, qui n’a pas vraiment changé depuis Guy Mollet, est toujours prêt à obéir à l’OTAN et à produire les immondices de la social-démocratie. Le monde du travail lui est totalement étranger. Les Verts sont comme leur girouette : ils tournent et sont dans une période où les ambitions écologiques coûtent si cher que l’on doit préférer donner au peuple du beefsteak plutôt que des éoliennes. Ne pas oublier que René Dumont, le premier candidat Vert de l’histoire de France, était un ancien de l’administration Pétain. Je crois donc à un contre du Nouveau Front aux élections. Puis, après, les déchirures. Un détail : au Nouveau Front, on ne peut écrire le mot «Hamas» sans l’accompagner du mot «terroriste».
Il est plutôt inédit qu’un ancien président de la République – François Hollande, pour ne pas le citer – veuille briguer à nouveau un poste de député. Qu’en pensez-vous ?
Hollande ayant atteint, croyait-on, le fond de la nullité comme président, il entend montrer que c’est faux et qu’il peut faire pire. A moins qu’on ne le charge d’alimenter la cantine du Nouveau Front en croissants frais.
Lors des élections européennes, les partis d’extrême-droite sont arrivés largement en tête. Comment expliquez-vous ce raz-de-marée des nationalistes en Europe ?
C’est le résultat d’une même politique puisque celle-ci n’est plus déterminée par les nations. Aujourd’hui, ce sont les 50 000 employés, à Bruxelles, des cabinets de lobbying qui rédigent les projets de loi et directives. Le Parlement n’a que très peu de pouvoir et c’est la Commission de l’odieuse Von der Leyen qui décide de tout ce qui convient aux amis américains et à la finance. Mêmes causes, même résultat. Gouvernez par les hologrammes, les peuples optent pour le pire.
Quel impact l’arrivée du Rassemblement national à Matignon aura-t-il sur les musulmans de France et sur l’immigration en général ?
En fait, c’est la question cruciale. Doté d’une police qui va devenir une milice du RN, le Premier ministre aura tous les pouvoirs et ils vont frapper les plus fragiles. La vie deviendra très dure pour les citoyens n’étant visiblement pas «de souche», le droit du sol sera supprimé. Un enfer se prépare. A mon sens, le peuple français ne va pas supporter cela longtemps, d’autant que les promesses d’une meilleure vie ne seront pas tenues. Nous allons donc vivre un chaos. Il y aura un avantage : dégouter les citoyens de voter Le Pen pour la présidentielle de 2027.
Qu’en sera-t-il des Accords de 1968 entre l’Algérie et la France et du dossier mémoriel dans le cas d’une victoire de l’extrême-droite ?
Bien entendu, la première cible du RN au pouvoir sera les Algériens et l’Algérie. Les Accords de 1968 passeront à la poubelle sans négociation avec Alger. Ne pas oublier que ce RN qui fait le tout gentil, c’est le retour de l’OAS et de l’idéologie primitive du mouvement alors inspiré par Pierre Bousquet, un ancien Waffen SS «de souche».
Interview réalisée par Kahina Bencheikh El-Hocine
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