Le régime de Paris préfère la rébellion d’un ministre à l’abdication du président 

Retailleau Macron
Sourires de façade de deux politiciens calculateurs. D. R.

De Paris, Mrizek Sahraoui – Le calcul désespéré d’un président acculé : plutôt tolérer un ministre frondeur au sein du gouvernement que précipiter sa chute. Voilà la vraie raison du maintien de Bruno Retailleau dans le gouvernement Bayrou. Cependant, en acceptant les écarts, c’est peu dire, du chef de file des Républicains, Macron sacrifie son prestige sur l’autel de sa survie politique. Cette stratégie révèle, en tout cas, la vraie impuissance du président. Jadis maître du jeu, Emmanuel Macron est désormais contraint de subir celui que lui impose son propre ministre de l’Intérieur. Cette faiblesse pourrait coûter cher en 2027, lorsque le macronisme «s’achèvera» vraiment.

Les attaques publiques du ministre de l’Intérieur, alors qu’il doit témoigner une solidarité indéfectible – ou rendre les clés de Beauvau –, contre le macronisme, qu’il décrit comme une «impuissance promise à s’achever avec Emmanuel Macron», auraient dû justifier une éviction immédiate dans une démocratie qui se porte bien et dans tout exécutif classique. Pourtant, Emmanuel Macron tolère les dérapages d’un ministre séditieux qui empiète allègrement sur des domaines de compétences qui ne sont pas les siens, réservés au président de la République et au ministre en charge des affaires diplomatiques.

Ce choix, incompréhensible pour beaucoup, relève, dans les faits, d’un calcul cynique du président Macron, pour qui la préservation de ses intérêts prime sur ceux de tout un pays et de l’unité de façade. Pour ceux qui s’en souviennent, la nomination à l’Intérieur de Bruno Retailleau, en septembre 2023, au lendemain de la dissolution, obéissait à un autre calcul, antidémocratique celui-là, fait par le monarque Macron : parvenir à former un gouvernement autre que celui, hostile, qui devait refléter les résultats des urnes. La nomination de Bruno Retailleau, vu comme le pont obligé entre l’Elysée et la droite parlementaire, a permis le passage en force, servant au passage et, au fil du temps, d’assurance-vie de la pérennisation du gouvernement et, par ricochet, du régime macroniste.

Le débaucher pour une raison ou une autre équivaudrait à rompre l’équilibre précaire qui règne au sein de l’Assemblée nationale, la coalition majoritaire risquant dans la foulée une crise politique majeure, dont les conséquences seraient désastreuses pour la France, mais aussi pour lui-même.

Son maintien s’explique donc par l’équation parlementaire : les LR détiennent les sièges qui permettent de parer à toute velléité de censure contre le gouvernement Bayrou. Un départ de Retailleau précipiterait des élections législatives anticipées, desquelles le Rassemblement national, cette fois encore, pourrait tirer les marrons du feu. Plutôt que d’affronter l’issue incertaine d’un nouveau scrutin législatif, Macron préfère absorber les critiques, des coups de boutoir qualifiés de «populisme basique» par le camp macroniste, que d’être contraint de démissionner. Une prise d’otage à durée déterminée finalement : jusqu’au terme de la mandature.

Si le premier flic de France profite royalement de la situation, en empoisonnant les relations entre Paris et Alger, en allant jusqu’à s’ériger en critique de la ligne du Quai d’Orsay, en dénonçant une approche «naïve» envers le gouvernement algérien, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette posture sert en réalité Emmanuel Macron : elle canalise la colère de la droite souverainiste. Elle offre une cible toute désignée à la fachosphère et elle permet ainsi à l’Elysée de rester en retrait, hors de la ligne de mire directe. Vu de l’extérieur, l’exécutif garde la main.

En laissant son ministre jouer les trublions, Macron se présente en modérateur indispensable, crédibilisant sa stature de chef d’Etat au-dessus des querelles partisanes. Mais ce jeu cynique d’équilibriste politique a un coût très lourd pour la France et son économie. Pendant qu’à l’Elysée et à Beauvau s’échafaudent des plans, la France, elle, perd en crédibilité, ses institutions s’affaiblissent, ses intérêts en souffrent et ses partenaires lui tournent le dos.

M. S.

Commentaires

    🇩🇿 Fodil Dz
    27 juillet 2025 - 20 h 24 min

    Les petits calculs politiques de retailleau et de macron ne pourront pas échapper au principe de réalité. À un moment donné ces 2 gugusses n’auront pas d’autre choix que de mettre un terme à leur tambouille politique.

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