Missiles et tunnels : à la fois épées et boucliers de la résistance des peuples
Une contribution d’Ali Akika – Le temps est le meilleur des filtres qui séparent la vérité des mensonges ou bien le temps est le meilleur protecteur contre les bobards des rigolos ou des serviles qui s’échinent à travestir la réalité pour rendre plus «doux» le poison de la défaite. Ainsi, le voyage de Netanyahou a eu lieu à Washington, d’une durée inhabituelle, trois jours, mais sans les fameux shows à l’américaine dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche. Pourquoi cette discrétion ? A l’évidence, oubliés les cris de victoire, les douze jours de guerre contre l’Iran n’ont pas été une expédition de plaisir et de triomphe. La longueur et l’âpreté des discussions entre Trump et Netanyahou semblent buter sur la question de reprendre ou non la guerre, maintenant que tous les services de renseignements du monde affirment que les sites nucléaires iraniens ont été endommagés mais nullement hors de service.
Ainsi, après les déclarations tonitruantes de Trump, l’heure est à la modestie imposée par un silence pour éviter le ridicule. Ce silence renforce les opinons que je vais exprimer dans cet article. A savoir que les événements du 7 octobre en Palestine et ces douze jours de guerre contre l’Iran se nourrissent de la même matrice des résistances des peuples et que ces dits événements produisent d’ores et déjà de bouleversantes conséquences politiques dans la région…
Ces deux dates, outre le caractère spectaculaire de l’opération palestinienne du 7 octobre 2023 et la riposte de l’Iran tout aussi singulière à la double agression américano-israélienne de juin 2025 ont révélé au monde comment l’art de la guerre, conjugué aux tactiques de la guerre asymétrique ont imposé à l’ennemi une suite de défaites tactiques qui ont produit des effets politiques notables, objectifs de toute guerre. La conduite de la guerre par les Palestiniens et les Iraniens a consisté à utiliser les deux facteurs qui manquent à leur ennemi commun : la profondeur stratégique du territoire et le temps long exigé par la nature de la guerre. Ces deux paramètres font de la défense une stratégie supérieure à l’attaque. Les Palestiniens ont agrandi leur profondeur stratégique, en construisant des tunnels et les Iraniens ont utilisé leurs missiles tirés de leur lointain et immense territoire.
Ainsi, leurs missiles atteignent leurs cibles au bout de 10 à 12 minutes alors que les avions ennemis doivent voler des heures interminables d’aller/retour, jeter leurs bombes et dare-dare quitter les lieux sous peine de panne sèche en kérosène sur la route de retour. Quant au temps long, denrée hors de portée d’Israël, obligea cet Etat à négocier avec les «terroristes» de Gaza et à quémander un cessez-le-feu à l’Iran. Eh oui, Israël a arrêté tout seul les combats en passant par le masque amical de son Oncle Sam. Les données de ces deux guerres, évidemment cachées ou ignorées par les «experts», expliquent l’échec d’Israël mais aussi l’éventuelle reprise de la guerre, preuve que les «victoires» annoncées tambour battant par Trump en personne ne sont que fanfaronnades. Et Netanyahou pour effacer le cauchemar qui l’habite depuis qu’il a vu d’un balcon le centre-ville de Tel-Aviv dévasté est allé chercher la permission et l’appui de l’ami américain. Aussi son voyage chez Trump a-t-il plus à avoir avec une éventuelle reprise de la guerre que le cessez-le-feu à Gaza. Il n’est pas inutile de revenir sur les raisons de l’échec de ces douze jours de guerre et sur les conséquences de ce fiasco.
La guerre n’obéit pas à la psychologie mais à la politique, art suprême
Le slogan préféré des agresseurs, c’est la paix par la force. La paix n’est non seulement pas au rendez-vous mais s’en éloigne pour une raison simple. Les agresseurs pensent être dans leur bon droit et qu’ils peuvent atteindre leurs objectifs avec des slogans bidons parce qu’archaïques comme l’est la «philosophie» qui les sous-entend. Celle-ci fait référence à une société régie par les lois de la jungle et «actualisée» au nom d’une «modernité» qui doit imposer l’ordre de sa «civilisation» aux «barbares» réticents et récalcitrants.
Oublions ces référents stupides puisés dans la psychologie comme si cette science truffée d’idéologie pouvait détrôner les puissants courants de l’histoire qui ont permis de passer de la préhistoire et inaugurer l’Histoire dans laquelle nous baignons.
Ainsi, reprendre la guerre quand on a clamé et déclamé au son des tambours la victoire, c’est pour le moins paradoxal. L’Iran a dit officiellement qu’en cas de nouvelle attaque, il se défendra et ne respectera aucune ligne rouge. L’agresseur «vainqueur» laisse entendre qu’il terminera le travail. N’est-il pas paradoxal, en effet, d’avoir atteint ses objectifs de guerre et vouloir à nouveau ressentir le besoin d’entendre le bruit de la poudre si ce n’est l’amertume d’un échec qui projette l’ombre de la défaite ? Accrochons-nous aux résultats matériels et politiques de ces douze jours de guerre pour lire la réalité qui semble énerver l’agresseur.
Durant ces douze jours, Israël a encore une fois été l’agresseur et les fissures de son image à Gaza se sont amplifiées aux yeux du monde. Et en Iran comme hier à Gaza, l’agresseur, doté d’une drôle de mentalité, a exigé la capitulation d’un pays et menacé de mort le dirigeant suprême d’un pays. Je laisse le lecteur deviner ce qui se cache derrière cette vulgarité du langage.
Gaza comme en Iran, ces deux peuples ont prouvé de quel bois ils se chauffent. Les images qui ont circulé dans le monde entier, Tel-Aviv aux rues vides, aux immeubles en ruines, ports et aéroports fermés à tout trafic ont montré un Israël sous un autre jour, en rupture avec l’image habituelle de villes festives et arrogantes. Le contraire des images de Téhéran où des foules immenses manifestaient leur détermination de résister sans aucune arrogance. A travers les images des deux pays en guerre, les Israéliens découvrent que leur Etat, censé être un lieu de protection pour les juifs du monde, ne l’a pas été pendant ces douze jours. Et pendant que la guerre censée se dérouler en Iran, en ce mois de juin 2025, le bilan à Gaza des soldats morts et blessés a été très lourd. Et cette guerre faite pour «conquérir» plus de sécurité et s’intégrer dans la région risque de confirmer que les illusions se fracasseront devant la muraille de l’histoire. Voyons sur quoi ces illusions reposent.
Profondeurs stratégiques pour «leur» sécurité et Accords d’Abraham pour «leur» commerce !
Disons tout de suite que les contraintes politiques de l’histoire vues et analysées par Théodore Herzl, auteur de L’Etat juif et plus tard par Ben Gourion, n’ont pas refroidi les ardeurs des idéologues sionistes qui voulaient créer Israël en Palestine, et nulle part ailleurs. Ainsi, les Jupiter qui se sont succédé à la tête de l’Etat d’Israël ont déployé leur énergie en s’adossant à des idées messianiques et aussi grâce à l’appui total de l’Occident. Ces deux piliers, messianisme et enfant chéri de l’Occident, ont alimenté les rêves de ceux qui ont initié leur aventure en terre de Palestine. Ils pensaient défier le temps qui passe et engendre les dynamiques de l’Histoire.
Cependant, en dépit de ce déni ou de l’ignorance de ces dynamiques, on s’installe dans un territoire habité, sans profondeur stratégique et entouré de frontières hostiles. «Nos» messianistes croyant au miracle vont découvrir une oasis sans mirage mais habitée depuis la nuit des temps. Il ne leur restait pour assurer leur sécurité que la construction d’une armée pour contenir les dangers d’un peuple en droit de se défendre. Mais au fond d’eux-mêmes, ils savaient, et savent encore de nos jours, que la sécurité n’est pas assurée par la seule force armée mais par une histoire enracinée et non préfabriquée. Et l’histoire veut dire une population, une économie, un voisinage ami, bref des facteurs historiques qui alimentent la pérennité d’un pays, d’une nation.
Voilà pourquoi, Israël accapare des territoires par la force, en Palestine, au Liban et en Syrie pour agrandir sa profondeur stratégique. Parallèlement il a acheté, à travers les «Accords d’Abraham», le droit d’investir dans la myriade des Emirats où coule le flux des dollars du bizness. Mais il y a un mais dans le Golfe, celui de l’Iran qui défend son territoire et sa souveraineté. Et de belle manière ! Et dans cette confrontation homérique, l’Iran sous embargo et sanctions depuis plus de quarante ans n’a pas plié. Et sa résistance a forcé ses ennemis à cesser le feu unilatéralement en ce juin 2025. Les agresseurs, ils sont venus, ils sont tous là, ils ont tiré du ciel abondamment et sont repartis.
Les châteaux en Espagne de Netanyahou s’écroulent en Iran
Il en a rêvé, détruire le nucléaire iranien et entré dans l’histoire par la grande porte. On ne le sait pas encore mais la presse israélienne révèle que la première demande que Netanyahou fera à Trump lors de leur rencontre du lundi 7 juillet, c’est l’engagement des Etats-Unis d’empêcher l’Iran d’utiliser l’uranium enrichi dont on ignore, pour l’heure, sa localisation.
Ainsi, ces deux alliés ont beau crier leur joie de leur commune «victoire» sur l’Iran, l’histoire a donné sa sentence. Que nous mijotent dès lors à Washington ces deux alliés sur l’Iran sous couvert d’un cessez-le-feu à Gaza qui sera violé dans le silence honteux d’un fantôme appelé communauté internationale ? Netanyahou va-t-il demander à Trump de reprendre la guerre pour effacer sa défaite de juin ? Sauf que l’issue de cette guerre de juin avec l’Iran a introduit d’autres variables qui compliquent l’équation de Trump.
L’entrée dans la scène de la Russie qui ne cède rien à Trump, celle de la Chine qui sait qu’elle est dans la ligne de mire des Etats-Unis depuis belle lurette. Pour toutes ces raisons, Trump sera sans doute moins attentif aux demandes de Netanyahou et de ses rêves de construire des châteaux non pas en Espagne mais au Moyen-Orient gorgé de pétrole-gaz. De toute manière, une guerre avec ou sans les Etats-Unis, Netanyahou a tiré en juin avec un fusil avec une seule balle.
Si le 13 juin 2025, Netanyahou a surpris l’Iran parce que le Mossad avait pénétré la société iranienne, il sait qu’il ne bénéficiera plus de pareille «chance» une seconde fois. Au bout de quelques jours, les atouts de l’Iran, la profondeur stratégique de son territoire et son armée qui n’a pas été ébranlée par les sévères coups subis dans son haut commandement ont pris le dessus sur l’ennemi qu’on disait maître du ciel iranien.
Voyons les énormes effets politiques de cette double agression d’Israël et des Etats-Unis. Le premier a attaqué l’Iran alors qu’il négociait avec son parrain, l’Oncle Sam lequel une semaine après vient en renfort avec sa bombe monstrueuse alors qu’il s’était donné quinze jours de réflexion pour prendre une décision et calmer le jeu entre les deux acteurs de la guerre. Ces tromperies, ces leurres en langage militaire ont explosé la confiance, et jamais plus, tout ce qu’ils diront recevront de la part de l’Iran un silence de défiance et de mépris. Le deuxième effet, c’est la sortie de l’Iran de l’AIEA (agence de l’ONU sur le nucléaire), une décision hautement politique qui a paniqué l’Occident.
Les effets de la guerre contre l’Iran sur les doctrines militaires dans le monde
Trois événements qui ont ébranlé le monde – l’attaque de l’Irak et de la Libye, l’assassinat de leur chef d’Etat, la guerre en Ukraine et l’agression de l’Iran et sa sortie de l’AIEA– mettent à l’ordre du jour la possession ou non de l’arme nucléaire et donc potentiellement des révisions des doctrines militaires entre cette arme de destruction massive et les armes conventionnelles, doctrines jusqu’ici élaborées en tenant compte du Traité de non-prolifération des armes nucléaires… Rappelons qu’au Moyen-Orient, seul Israël possède l’arme atomique et le monde fait mine de ne rien voir. Non seulement Israël possède ce privilège mais pousse son effrontément jusqu’à menacer et interdire aux voisins d’en posséder. On connaît le raisonnement de ce double standard : Israël est menacé dans son existence et il est un pays démocratique où toute décision est le fruit de la sagesse et de la rationalité. Sous-entendu, les voisins sont dépourvus de ces deux qualités. Moralité, Israël a le droit d’être protégé par sa bombe atomique tout en utilisant la débauche de ses armes conventionnelles contre ses voisins et surtout un peuple à la merci de ses massacres.
La question qui traverse les esprits dans le monde est celle-ci : la bombe nucléaire finira-elle par être employée ? L’ancien analyste de la CIA Scott Ritter pense qu’Israël s’arrogera le droit d’utiliser sa bombe atomique. Il est certain que le débat ne fait que commencer. L’échec relatif d’Israël dans son premier affrontement direct avec l’Iran est sur la voie d’ouvrir une porte vers l’inconnu. Pour l’heure, l’Iran, d’après des infos de la presse internationale, va renforcer ses défenses anti-aériennes grâce aux fameux S400 russe et la modernisation de son aviation avec les non moins célèbres chasseurs J.C10 chinois. Dans une pareille configuration de la carte militaire au Moyen-Orient, des pays comme l’Arabie et l’Egypte seront tentés d’avoir leur bombe en arguant que, dans la région, ils se sentent aussi menacés dans leur existence.
Pour conclure, le monde est assis sur un volcan quand les pompiers censés surveiller et éteindre le volcan atomique, fruit de la science mais décidé par des hommes, notre monde est pour le moins sur une pente glissante. Ainsi, déchirer en 2018 un accord sur le nucléaire iranien qui a nécessité dix ans d’âpres négociations et signé devant le monde entier en 2015, comment peut-on définir pareille attitude ? On ne peut que répéter la sage phrase de Jacques Chirac : «La maison brûle et le monde regarde ailleurs !»
A. A.
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