Disparition de Hocine Aït Ahmed : un révolutionnaire né et un opposant irréductible

Le leader du FFS et l’un des chefs historiques de la Révolution s’est éteint aujourd’hui à l’âge de 89 ans, suite à une longue maladie. Avec sa disparition, l’Algérie perd l’un des derniers pionniers du mouvement national, mais aussi l’un des opposants les plus farouches et les plus coriaces au pouvoir. Avant de se retirer de la vie politique et d’abandonner son poste de président du parti qu’il a fondé en 1963, Hocine Aït Ahmed avait marqué de son empreinte la vie politique nationale et tenté, vaille que vaille, de rassembler l’opposition, même si sa démarche était souvent controversée. Depuis son retour d’exil en 1989, Aït Ahmed a réussi, grâce à son aura d’homme historique, à s’imposer rapidement sur la scène politique et à faire de son parti une force politique incontournable, même si sa percée s’est circonscrite à sa région natale, la Kabylie. Le 2 janvier 1992, des centaines de milliers de personnes ont répondu à son appel pour la préservation du processus démocratique. Or, d’aucuns estiment aujourd’hui que cet appel était aussi pour dissuader les islamistes du FIS qui venaient de remporter les élections et s’apprêtaient à instaurer un régime théocratique dans le pays. Connu pour son slogan «Ni Etat policier ni Etat intégriste», son parti, le FFS, s’est toutefois peu à peu aligné sur la thèse favorable au retour du FIS. Son opposition à tous crins va l’amener en 1995 à pactiser avec le FIS et le FLN d’Abdelhamid Mehri autour du contrat de Rome, qui réclamait la réhabilitation du parti dissous, après l’interruption des législatives de 1992. Aït Ahmed s’est toujours distingué tout au long de son parcours par son caractère d’homme impénitent et irréductible. Il l’a prouvé pendant ses pérégrinations après l’indépendance lorsqu’il s’est trouvé marginalisé, combattu par ses anciens compagnons d’armes, puis contraint à un long exil qui va finalement se prolonger éternellement. Déçu par la tournure qu’a prise l’Algérie indépendante, il annonce en juillet 1963 sa démission de toutes ses activités officielles, alors qu’il était élu à l’Assemblée constituante et, un moment, admis au sein du premier gouvernement de Ben Bella. Pourtant, tout l’avait prédestiné à jouer un rôle majeur dans la grande bataille qui s’annonçait : la reconstruction du pays. Lycéen à Ben Aknoun à l’âge de seize ans, il s’éveille au nationalisme en même temps qu’à l’idéologie révolutionnaire, et s’engage aussitôt dans le mouvement national, en adhérant au Parti du peuple algérien (PPA). Il devient, rapidement, le plus jeune membre du comité central auquel il présente, en 1947, «un rapport décisif» sur les formes et la stratégie de la lutte armée pour l’indépendance. Visionnaire et révolutionnaire précoce, il préconise au cours de la même année, lors d’un congrès clandestin du PPA, tenu à Belcourt, la création d'une organisation spéciale chargée du recrutement et de la formation des cadres militaires et de la mise en place d’un dispositif clandestin pour amorcer et développer la lutte armée. Accusé de connivence avec le groupe des Berbéristes, il quitte la tête de l’OS et gagne l’Egypte où il va constituer avec Ben Bella et Mohamed Khider le premier noyau de la diplomatie de l’Algérie combattante. Son parcours est aussi jalonné d’exploits diplomatiques (conférence de Bandung en 1955), avant son arrestation avec quatre autres dirigeants du FLN dans le célèbre détournement d’avion, en octobre 1956. Acculé, l’ancien chef de l’OS fut contraint de reprendre la lutte armée pour espérer faire barrage à «la dictature» qui s’installait à Alger. Le 29 septembre, il crée le maquis du Front des forces socialistes avec d’anciens commandants de l’ALN, mais l’aventure tourne court. Retour en prison, il s’en évadera au bout de quelques mois pour reprendre définitivement le chemin de l’exil.
R. Mahmoudi

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