Un accord (Iran) cache un autre (Grèce) et masque le troisième (Corée du Nord)

Par Farid Daoudi – Beaucoup de confrères de la presse internationale, experts patentés, critiques littéraires, attitrés ou non, seraient enclins d’avoir une réaction épidermique en pensant que les médias laissaient l'essentiel de côté. On a tendance à oublier que les sanctions ont été votées au Conseil de sécurité par la Russie aussi, comme pour l'Irak et l'Afghanistan… ou encore pour la connivence Etats-Unis-Russie concernant la Palestine. La presse ne retient que les contradictions actuelles entre ces deux pays. On oublie encore qu'il y a à travers le monde des dizaines et des dizaines de pays et de peuples qui aspirent à l'accès à la science, à la culture et à la suffisance matérielle… et que cela ne leur sera pas facilité par le condominium du monde par les membres permanents du Conseil de sécurité et leurs alliés directs (Japon, Allemagne, Inde, Pakistan, Israël). Et on oublie le rôle révolutionnaire de la Corée du Nord (Kadhafi a renoncé à l'arme atomique et il a fini tué comme un chien par des agents spéciaux… Que va-t-il advenir de l’Iran si le pays ne se couche pas progressivement devant les USA et la Russie ?
L’accord neutralisant l’Iran à toute prolifération nucléaire militaire milite pour un équilibre sécuritaire régional assez énigmatique pour la paix mondiale. La Russie, pour cause d’hégémonie, privilégiant, à raison, ses intérêts géostratégiques, est pour autant responsable de la situation présente : en échange de la promesse occidentale de la laisser accéder à l’Organisation mondiale du commerce, elle a voté et légitimé les sanctions contre l’Iran qu’il est si difficile d’annuler totalement. Et en plus, elle s’est gardée anachroniquement de dénoncer le nucléaire israélien, fermant les yeux sur le droit des Palestiniens à se libérer par les armes. Selon la Russie, on peut revenir sur la coupure de l’Allemagne en deux en 1945 et sur beaucoup de frontières depuis 1945, mais s’abstenant de revenir sur la création malhonnête d’Israël par l’ONU coloniale de 1947. Maintenant, la Russie sait qu’accéder à l’OMC, refuser unilatéralement de vendre des missiles S-300 à l’Iran, n’empêche pas des «sanctions» économiques contre elle-même. L’accord imposé ce 14 juillet à l’Iran est un accord inégal, au détriment de tous les pays non nucléaires et non balistiques. Les Iraniens ont accepté faute de mieux, pour le moment. La vérité est que tous les pays du monde ont droit de tirer profit de la science, y compris militairement : pourquoi le droit au nucléaire serait-il naturel pour un pays comme les Etats-Unis qui a assassiné des millions de personnes à travers le monde depuis 1945 ? Et pourquoi les 180 autres Etats de la planète devraient en être privés et au surplus soumis au bon vouloir de celui-ci ? Par-delà la situation actuelle, une question se pose : un pays du poids démographique et industriel de l’Iran peut-il se développer en toute indépendance, face à un boycott des principales puissances du monde ? Malgré le blocus, Cuba a continué d’exister dans des conditions très difficiles. Mais ce pays n’a pas le poids démographique, l’importance économique et les richesses naturelles de l’Iran. De plus, Cuba est une île alors que l’Iran est un Etat continental et maritime, frontalier avec cinq pays. Ce pays dispose aussi d’une certaine profondeur stratégique propre, augmentée par la géographie du culte musulman chiite. Seuls les Iraniens savent si, face aux «sanctions», le régime en place pouvait encore tenir cinquante ans comme à Cuba ou s’il devenait urgent de sauver l’économie. Une autre forme de réponse à cette question nous est apportée par l’accord de l’Euro-groupe et de l’UE avec la Grèce. La mise sous tutelle de l’Ukraine par les Etats-Unis et l’UE est encore une illustration de la politique internationale actuelle : le rapport des forces économiques et militaires continue d’être le moteur des relations internationales ; le respect de la souveraineté ne pèse rien. La Grèce est humiliée, soumise à un protectorat collectif européen : à qualification égale, ses citoyens auront un niveau de vie cinq fois inférieur à celui des Allemands et cela pendant au moins quinze ans ! Cela signifie que tous les peuples ne sont pas égaux, qu’il existe une science, une finance des «Blancs» et, une science, une économie, bridées et surveillées, pour les «Coloured nations». A l’occasion de cette longue négociation intra-européenne et de celle concernant la Corée du Nord, on assiste à un retour au premier plan de la scène de deux protagonistes vaincus lors de la Seconde Guerre mondiale : l’Allemagne et le Japon. Aujourd’hui, le Japon réclame la restitution de Sakhaline ; demain, l’Allemagne rachètera à la Pologne ou exigera tout simplement le retour des «terres de l’Est». Pour l’Allemagne et le Japon, les vainqueurs avaient effacé la dette et allégé les réparations… On craignait de les voir basculer vers le Pacte de Varsovie. Résultat, l’Allemagne et le Japon profitent de plus de libertés que l’Iran dans le domaine nucléaire et balistique. Cela est possible parce que ces deux pays sont à présent des alliés dociles des Etats-Unis contre la Russie et contre les pays qui aspirent à un développement indépendant, voire à échapper au contrôle et aux limitations américaines. Face à ce bloc agressif, les pays du BRICS veulent une émergence soft, sans confrontation directe aux conséquences incertaines ; c’est ce qui explique pourquoi les Etats-Unis continuent de tancer la Russie à ses frontières alors que celle-ci continue de proposer ses services contre le «terrorisme» dans le cadre de l’ONU dominée pourtant par les Américains. Mais tôt ou tard le sentiment de démocratie internationale entre Etats imposera la suppression du pouvoir d’intervention en meute des cinq pays du Conseil de sécurité (chapitre 7 de la charte de l’ONU) et plus particulièrement de liquider l’interventionnisme des Etats-Unis qui contournent à leur convenance les «lois internationales» en recourant à des «alliances» qui n’ont jamais eu valeur de légitimation universelle, dans le respect de la souveraineté des Etats. L’espoir d’un changement des relations internationales perdure. Les Etats-Unis, confirmant ces dernières années leur pouvoir de destruction et de sédition, ont aussi montré au monde entier qu’ils ne peuvent pas remporter plusieurs conflits simultanés de faible ou moyenne intensité. Ce fut notamment le constat de Che Guevara : ils ne peuvent pas vaincre partout en même temps ; ils ont toujours un point faible. Tout en maintenant les autres zones de conflit, c’est ce point faible qu’il faut enfoncer. Enfin, ce point faible peut être créé à l’initiative de forces révolutionnaires ou encore par d’anciens «valets de l’impérialisme» parvenus au pouvoir et confrontés à la nécessité de développer leur pays – l’attitude récente de l’Arabie Saoudite est une ébauche encore incertaine de celles de Omar Torrijos ou Manuel Noriega au Panama ou encore d’Hugo Chavez au Venezuela. Le principe est simple : tout ce qui nuit aux Etats-Unis devient bon pour le reste de l’humanité tant que ce pays s’obstinera à vouloir régenter la planète par ses moyens militaires et financiers. Faut-il multiplier les points chauds ou tièdes ? La politique américaine fait toujours des victimes qui n’ont plus rien à perdre ; il faut leur parler, les soutenir. Il est temps pour la «communauté internationale» d’arrêter sa politique de doubles standards et de falsifier l’Histoire. De tout temps, celle-ci a montré que la juste cause des opprimés triomphe toujours de l’arbitraire ; qu’intransigeance, partialité de la loi du plus fort, diplomatique ou militaire ne rapportent que de faibles dividendes à des ambitions irrationnelles. Un processus salvateur : l’avènement d’un monde multipolaire, supplantant l’hégémonie états-unienne et desservant un support éducatif décadent.
F. D.
Journaliste

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