A New York, bras de fer autour d’une statue khmère millénaire

Depuis un an, une statue millénaire considérée par les experts comme un chef-d’œuvre de l'art khmer se morfond à New York, après avoir été retirée d'une vente aux enchères à la demande du gouvernement cambodgien qui réclame sa restitution.

Depuis un an, une statue millénaire considérée par les experts comme un chef-d’œuvre de l'art khmer se morfond à New York, après avoir été retirée d'une vente aux enchères à la demande du gouvernement cambodgien qui réclame sa restitution.
Aucune solution n'a pu être trouvée, et le bras de fer s'est récemment durci avec le dépôt d'une plainte le 4 avril par le procureur de Manhattan qui a réclamé la confiscation de la statue du «Duryodhana bondissant», aux mains de la maison d'enchères Sotheby's, pour qu'elle puisse être rendue au Cambodge.
Dans un communiqué, le procureur a expliqué que cette statue de grès du Xe siècle «avait été volée» sur le site de Koh Ker, et il a souligné qu'elle faisait «partie de l'héritage culturel» cambodgien.
Un juge a depuis interdit à la maison d'enchères, qui a «vivement contesté les affirmations contenues dans la plainte», de la vendre ou de la transférer.
La maison d'enchères avait initialement prévu d'en faire le point fort d'une vente aux enchères le 24 mars 2011, mais juste avant la vente, une lettre des autorités cambodgiennes, délivrée par l'Unesco, avait demandé qu'elle soit renvoyée au Cambodge. Sotheby's en avait alors suspendu la vente.
«Nous avons demandé qu'elle soit retirée de la vente parce qu'elle a fait l'objet d'un trafic illégal pour sortir du pays», a expliqué Hab Touch, directeur général du patrimoine au ministère cambodgien de la Culture.
«Nous espérons qu'elle reviendra bientôt.»
Fait rare, la statue a pu être reliée directement au site de Koh Ker, à 80 km au nord-est d'Angkor, car ses pieds et son socle sont toujours sur place, a expliqué l'archéologue Eric Bourdonneau, maître de conférence à l'Ecole française d'Extrême-Orient, qui mène une mission sur le site depuis 2009.
Elle faisait partie, précise-t-il, d'un groupe sculpté de deux lutteurs, représentant un épisode célèbre de l'une des deux grandes épopées du monde indianisé. La deuxième statue, Bhima, elle aussi cassée au niveau des chevilles, se trouve au musée Norton Simon de Pasadena (Californie).
«De nombreux éléments laissent penser qu'elles ont été pillées au début des années 70», a expliqué l'expert. «Ce n'est pas une statue comme les autres, c'est un des grands chefs-d’œuvre de l'art angkorien».
Le «Duryodhana bondissant» avait été une première fois vendu aux enchères en 1975 à Londres à un collectionneur basé en Belgique.
La statue mesure 1 m 58 et pèse près de 110 kg, et en dépit de ses pieds et bras manquants, elle est remarquablement conservée. Son prix avait été estimé à entre 2 et 3 millions de dollars.
Selon le procureur, Sotheby's l'a importée aux Etats-Unis pour la revendre à la demande du propriétaire, «tout en sachant qu'elle avait été volée à Koh Ker».
La plainte reproduit notamment un email d'une experte sollicitée pour écrire sur la statue, et qui début juin 2010 déconseillait cette vente à Sotheby's, soulignant qu'elle avait été volée sur le site. L'experte avait cependant ensuite changé d'avis.
«Cette sculpture était possédée par un propriétaire de bonne foi, qui a obtenu un titre de propriété il y a près de 40 ans. Elle a été importée légalement aux Etats-Unis, et tous les faits pertinents ont été déclarés ouvertement. (…) Aucun élément ne nous a été présenté, spécifiant quand la sculpture a quitté le Cambodge durant ces 1 000 dernières années», a indiqué la maison d'enchères dans un communiqué.
La date à laquelle la statue a quitté le Cambodge est importante, en regard des lois et conventions protégeant le patrimoine.
«Nous avons discuté activement depuis un an à la fois avec les gouvernements américain et cambodgien (…) et sommes déçus du dépôt de cette plainte qui a interrompu les discussions et efforts menés pour parvenir à une solution acceptable des deux côtés», a ajouté Sotheby's.

R. C./Agence
 

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