Histoire : l’impossible passerelle entre l’Algérie et la France ?

A l’approche du 50e anniversaire de l’Indépendance, on assiste à l’hystérie collective des pieds-noirs et d’une partie de la France qui instrumentalisent les violences commises pendant la guerre de Libération, comme si les bourreaux n’étaient pas dans leur camp. Aujourd’hui, force est de constater que dans cette même France, où 50% de la population rejette encore l’indépendance de l’Algérie, les relents de la nostalgie coloniale sont toujours tenaces. La presse s’en fait régulièrement l’écho. Assurément, la pilule tarde à être digérée. Au mépris de la vérité.
L’occupation coloniale fut une tragédie pour la population algérienne, peu nombreuse à l’époque, faut-il le rappeler, mais qui a tenté de résister aux contingents importants de l’armée française. S’il y eut, dans un premier temps, en apparence, une sorte de résignation chez les Algériens et s’ils ont tardé à se révolter, c’était dû à la férocité de la colonisation. Car les Français ne pouvaient connaître la paix qu’après avoir réduit par les massacres et les déportations la résistance du peuple algérien. C’est sur cet «acquis» de la terreur que le régime colonial a cru être confortablement assis pendant les 130 ans de l’occupation qu’il espérait pérenniser ad vitam aeternam. Mais dans la mémoire des Algériens, les actes de l’armée française restent présents. Les Français ne pensaient pas que les «leçons» données entre 1830 et 1871 seraient rapidement oubliées et que l’autochtone oserait de nouveau redresser la tête pour revendiquer sa liberté les armes à la main ! La guerre de Libération a été l’aboutissement de cette longue et formidable résistance du peuple algérien contre la colonisation.
En relisant l’histoire, on comprend que ce qu’il s’est passé en Algérie, durant la colonisation, s’apparente à un génocide. On a tué des Algériens parce qu’ils étaient algériens.
A titre d’exemples, voici des témoignages de Français. «On a compté soixante-huit têtes au bout des baïonnettes à l’entrée du camp d’Alger. Les militaires étaient payés par le Trésor public par paire d’oreilles ramenées, on en trouvait des sacs pleins dans les tentes des généraux français.» (Le Journal Moniteur)
«Des dizaines de décapitations, dont celles de Bouziane, âgé de 75 ans, et de son fils de 16 ans, furent ordonnées par le général Herbillon. Les têtes des deux suppliciés, avec d’autres, furent envoyées à Alger puis au Musée de l’homme à Paris, conservées dans le formol, elles furent exposées au public.» (J. Dresch et Ch. André Julien).
«Nous avons mis en jugement des hommes réputés saints dans leur pays, des hommes vénérés parce qu’ils avaient assez de courage pour venir s’opposer à nos fureurs, afin d’intercéder en faveur de leurs malheureux compatriotes ; il s’est trouvé des juges pour les condamner et des hommes civilisés pour les faire exécuter. Nous avons débordé en barbarie les barbares que nous venions civiliser.» (Mer de la Pinsonnière, président de la commission parlementaire d’Afrique).
De toutes les années de misère et d’oppression, c’est la période de 1866 à 1870 qui a peut-être été la plus noire de l’histoire de l’Algérie. Pour ne citer qu’elle, bien qu’elle soit la moins connue des épreuves entraînées par le colonialisme, il faut rappeler que la guerre de Crimée avait vidé les silos des Algériens et sur les 2 800 tirailleurs envoyés au front plus de 900 furent tués ou blessés.
Une autre tragédie est restée dans la mémoire collective : l’année de la grande famine, (âm echar) qui fit des centaines de milliers de morts.
Durant la guerre de Libération, le peuple algérien a connu les pires souffrances. Michel Roccard, envoyé en Algérie pour enquêter sur les fameux centres de regroupement en Algérie, a révélé, dans son rapport, qu’une population de deux millions d’âmes fut internée dans ces camps dans la précipitation et que deux cent mille d’entre elles sont mortes de faim.
Sans parler des disparitions des Algériens en nombre très important du fait de l’intervention de Massu, Bigeard et Aussaresses en 1957 à Alger, avec la complicité des Européens. Tous savaient que les cadavres que rejetait la mer sur la côte algérienne étaient ceux d’Algériens morts sous la torture. Après les interrogatoires, ils étaient lestés puis jetés des hélicoptères. Ils les appelaient «Les crevettes Bigeard».
Certains, de l’autre côté de la Méditerranée, évoquent des atrocités qui se sont déroulées pendant la période transitoire (entre le cessez-le-feu et la proclamation de l’indépendance). Le FLN n’en est pas responsable, il était encore dans les maquis. Cette période était gérée par les Français et des fonctionnaires civils algériens, au sein de l’Exécutif provisoire, à partir de Rocher Noir (Boumerdès).
Les pieds-noirs se focalisant sur le massacre du 5 juillet à Oran commis par une partie de la population de cette ville, qui était totalement incontrôlée, et veulent sciemment en faire endosser la responsabilité au FLN. Pierre Daum, dans son livre Ni valise ni cercueil, souligne que «ces agissements s’expliquent par les massacres quotidiens d’Algériens perpétrés par l’OAS pendant les six mois qui avaient précédé. L’OAS, soutenu par la population européenne, a semé la terreur, tuant en moyenne cinq à six personnes par jour». Le préfet de police d’Alger à l’époque a rapporté qu’il y eut à Alger, en six mois, plus d’attentats de l’OAS que ceux commis par le FLN pendant six ans.
On parle également de l’extermination de 150 000 harkis, alors qu’à l’indépendance, le nombre des Algériens qui servaient dans les rangs français était de 70 000 : 45 000 harkis, 15 000 goumiers et 10 000 GMPR. L’histoire des harkis est instrumentalisée à outrance pour culpabiliser l’Algérie et faire croire qu’une partie de la population avait choisi la France.
Là encore, ce ne sont que des affabulations. Il y eut, certes, des règlements de compte locaux mais en aucun cas ces actes ont été ordonnés par le FLN. Les goumiers non rapatriés par les Français furent regroupés et mis en détention pour leur éviter la vindicte populaire. Organisés en unités de travaux, ils furent libérés en 1967.
Malgré tout ce qui précède, nous devrons œuvrer à construire un avenir commun et tisser, à cette fin, les liens nécessaires entre nos deux pays, à la seule condition de mettre tout sur la table, colonisation comprise.
Ne faut-il pas profiter de ce cinquantenaire pour tourner la page et prononcer une réconciliation définitive ? L’Algérie est une véritable plate-forme pour la sécurité du sud de la Méditerranée, elle constitue un axe privilégié de pénétration vers l’Afrique. En Europe, il y a une forte communauté algérienne, voir maghrébine, implantée en Europe et appelée à être intégrée, sans compter qu’il existe de fortes traditions de relations culturelles et civilisationnelles.
Algeriepatriotique
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