Les dessous de la désignation d’Ouyahia et de Belkhadem à la présidence de la République
C’est à travers la lucarne d’Ennahar TV qu’Ahmed Ouyahia a «annoncé» son retour aux affaires politiques après une longue éclipse. Sa réapparition télévisée a étrangement coïncidé avec l’annonce de sa désignation à la fonction de directeur de cabinet du président de la République, en remplacement de l'administratif Mohamed Moulay Guendil, qui occupe ce poste depuis le décès de l’omnipotent Larbi Belkheir. L’intervention de l’ancien Premier ministre, qui a décidé de rejoindre le staff de campagne d’Abdelaziz Bouteflika sur le tard, n’a rien dit de nouveau, si ce n’est qu’il a, lui aussi, choisi le camp du Président «par souci de stabilité». Une stabilité qu’il explique par le besoin d’un homme «rassembleur» en cette période délicate de «troubles à nos frontières». Le retour d’Ahmed Ouyahia à la case de départ – il était directeur de cabinet «apolitique» sous Zeroual –, est interprétée comme le prélude à une série de mesures qui sont programmées à l’avance une fois que Bouteflika serait «élu» pour un quatrième mandat. Cette désignation à la présidence de la République mettra fin, pour le moment, à la «vacance du pouvoir» induite par le silence et l’absence du président en exercice en raison de sa maladie. Une «vacance du pouvoir» qui a mis au-devant de la scène le frère du Président, Saïd Bouteflika, qui a longtemps servi d’interface entre le chef de l’Etat et le reste des responsables politiques et qui est devenu, par la force des choses, depuis le premier malaise de Bouteflika, en 2005, le «décideur par intérim», intervenant dans la gestion d’affaires qui, souvent, relèvent du ressort exclusif du Président. A Saïd Bouteflika s’est joint le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd-Salah, dont l’omniprésence surmédiatisée aux côtés du chef de l’Etat depuis son second malaise a créé une situation inédite qui finit par faire prendre à Abdelaziz Bouteflika la très controversée décision de lui confier le poste de vice-ministre tout en gardant la haute main sur les troupes. Les deux hommes – Saïd Bouteflika et Ahmed Gaïd-Salah – n’étant pas investis constitutionnellement d’un rôle décisionnel au plan politique, le nouveau directeur de cabinet, ancien président de parti et ancien Premier ministre, devra assumer pleinement la mission officielle de «seconder» le président de la République, comme le fit Larbi Belkheir de son temps, sous Chadli Bendjedid puis sous Abdelaziz Bouteflika. Dans ce puzzle qui se met en place petit à petit à l’approche du 17 avril, le retour d’un autre ténor de la politique, Abdelaziz Belkhadem, à son ancien poste de ministre d’Etat et conseiller du Président, a vraisemblablement pour objectif de mettre fin à la cacophonie qui règne au sein de l’«alliance» qui s’est constituée pour appuyer la candidature de Bouteflika à sa propre succession. Abandonnée aux lubies d’un Amar Saïdani contesté au FLN, au zèle fantaisiste d’un Amar Ghoul «mouillé» dans l’affaire de l’autoroute Est-Ouest et à la gaucherie d’un Amara Benyounès ondoyant, l’image de Bouteflika en a grandement souffert, ajoutant un souci supplémentaire à ses ennuis de santé. L’ancien secrétaire général du FLN renversé devra, conforté par sa nouvelle position, d’un côté, reprendre les choses en main au sein de sa formation politique éclatée en trois camps et, de l’autre, faciliter la tâche à Abdelmalek Sellal dans son difficile travail de marketing politique en faveur d’un candidat fantôme dont il devra assurer la visibilité.
M. Aït Amara