Reportage – Présidentielle : une journaliste algérienne raconte une journée de vote à New York

Plusieurs bureaux de vote ont été mis à la disposition des Algériens résidant à New York, New Jersey, Philadelphie, Boston, Washington, Chicago, Huston, Texas, Denver, Colorado, San Francisco et Los Angeles. Le consulat d’Algérie à New York a recensé quelque 8 000 ressortissants, dont 1 200 électeurs potentiels. En réalité, il y en a beaucoup plus, les Algériens en situation irrégulière vivent à Astoria, un quartier de New York situé au nord-ouest de l'arrondissement du Queens, où sont concentrés tous les ressortissants du Moyen-Orient et du Maghreb. Leur quartier ressemble à celui de Barbès, à Paris, ou à la rue de Brabant, à Bruxelles. Je suis allée à leur rencontre, je les ai écoutés très longuement. Beaucoup d’entre eux sont sans emploi, d’autres font des petits boulots, certains font des études comme Mustapha, 25 ans, qui poursuit des études d’ingénieur chimiste. Certains m’ont avoué boycotter l’élection présidentielle, mais la plupart de ceux qui iront voter donneront leur voix à Ali Benflis. C’est donc au consulat général de New York où je me suis rendue les 13 et 14 avril 2014 pour observer le déroulement du scrutin. Premier obstacle, M. Chachoua, un employé du consulat, m’empêche d’accéder dans les bureaux de vote situés au 5e étage d’un imposant bâtiment de l’ONU. Bien que j’ai montré patte blanche en lui remettant à sa demande ma carte de presse et ma carte d’identité, il ne justifie pas et n’argumente pas vraiment son attitude. Après plus d’une heure d’interminables palabres, il accepte enfin d’aller informer le consul général de ma présence et de mon souhait de le rencontrer. Je patientai calmement à l’entrée du bâtiment tout en comptabilisant le nombre d’électeurs qui arrivaient au compte-gouttes : 11 Algériens en une heure trente ! Je me suis hasardée à leur demander le nom de leur candidat favori, ils ont tous ou presque un seul nom au bout des lèvres : Benflis. Au bout de deux heures, M. Chachoua revint m’annoncer que je devais attendre encore un peu. Je ne tenais presque plus sur mes jambes, je l’ai grondé comme un poisson pourri et j’ai décidé malgré lui de monter au cinquième étage que trois consulats et représentations se partagent, Algérie, Tchéquie et Macédoine. Je l’ai averti que je ne comptais pas retourner bredouille, il a élevé la voix, j’ai fait de même, c’est alors que j’aperçus une dame s’avançant vers moi sourire aux lèvres. Elle me serre la main et se présente. Il s’agissait de la représentante d’Ali Benflis, elle répondait au prénom et nom d’Atika Boutaleb. Aucun autre représentant des autres candidats n’était présent au bureau de vote de New York considéré comme l’un des plus importants aux Etats-Unis. Cependant, le président du bureau et les principaux assesseurs semblaient être du sérail, hommes de Bouteflika car, sachez-le d’emblée, les consulats d’Algérie dans les plus importants pays du monde comptent des doublons, des consulats dans des consulats, ceux de la République et ceux de Bouteflika. Enfin, M. Chachoua revient vers moi, sourire aux lèvres lui aussi, pour m’annoncer la nouvelle du siècle : «Suivez-moi, le consul général voudrait vous voir.» Une surprise, agréable de surcroît, le consul général d’Algérie à New York n’est autre que Noureddine Sidi Abed dont j’avais gardé d’excellents souvenirs de par ses compétences et sa modestie, ce fut au temps où j’étais correspondante permanente de l’ENTV à Bruxelles et, lui, conseiller à l’ambassade d’Algérie auprès du royaume de Belgique dans les années 2000. Noureddine Sidi Abed est aussi le premier consul général d’Algérie aux Etats-Unis, car auparavant l’Algérie ne voyait pas la nécessité d’en ouvrir un dans le pays de l’oncle Sam. Le jeune consul a un parcours atypique et étonnant. Orphelin à 11 ans, il jure d’aller loin, très loin dans les études pour réaliser son rêve et celui de son défunt père, celui de faire de brillantes études à l’ENA. Le gamin issu d’une famille modeste de Tiaret a fait son bonhomme de chemin et est arrivé loin, très loin, à New York, où je l’ai rencontré et quitté, pour changer de continent et de consulat, direction Bruxelles où j’irai observer le déroulement de l’élection présidentielle si le consul de Bouteflika ne me barre pas le chemin.
Correspondance particulière de New York, Lila Haddad
 

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